La politique de la ville.


""Rapport d'information sur la politique de la ville", Senat N°800, lu août 2022

Méthodologie : une trentaine d’auditions 4 déplacements visités en quartiers prioritaires (Val-de-Reuil, Allonnes, Valenciennes et Nice).

⇒ Quelques constats

Depuis 20 ans environ, la politique de la ville s’est essentiellement focalisée sur la résorption d’écarts territoriaux plutôt que sur les habitants. « La politique de la ville a été présentée comme « une politique en CDD » dont la durée est corrélée à la durée du problème qu’elle doit résoudre… Or, elle dure depuis plus de 40 ans ! »

 L’insuffisance des services publics « de droit commun » est toujours une réalité : 40% des QPV n’ont pas de crèche, les 2/3 n’ont pas de bureau Pôle emploi à moins de 500 mètres ; on constate 36% de bibliothèques en moins et 50% de médecins spécialistes en moins et 37% de médecins de moins. Améliorer la vie des habitants reste un enjeu.

⇒ Des mutations peu souvent décrites

 

♦ Les quartiers populaires ont une fonction de sas :

On y déménage autant ou plus qu’ailleurs, par exemple pour devenir propriétaire, notamment à proximité afin de conserver les liens de solidarité. Dans plus de 40% des cas, ils changent de statut d’occupation et 31% d’entre eux accèdent à la propriété.

Cette trajectoire se réalise à proximité immédiate des quartiers pour ne pas perdre l’ancrage amical et familial. Dans 30% des cas, ces habitants s’installent dans la bande des 300 mètres bénéficiant d’un taux de TVA réduit pour le logement neuf intermédiaire.

Il y a donc une réelle trajectoire d’émancipation et d’ascension sociale

Mais les nouveaux entrants qui les remplacent ont en moyenne un niveau de revenu inférieur. Des habitants de QPV qui quittent un quartier parce que leur situation s’est améliorée, ce n’est pas un échec de la politique de la ville, bien au contraire.

 

♦ Qui dit parents pauvres, ne signifie pas pour autant enfants pauvres.

 

Il y a de nombreuses situations de mobilité ascendantes et descendantes. Parmi les enfants de parents défavorisés, un quart fait partie des 40% ayant les revenus les plus élevés à leur génération alors que, parmi ceux des parents les plus aisés, un quart des enfants appartiennent aux 40% des revenus les plus faibles. Si les mobilités sont donc importantes, les chercheurs observent toutefois un « plancher collant » pour les moins aisés, 31% des enfants restant au bas de l’échelle des revenus comme leurs parents et, inversement, d’un « plafond collant », 34% des enfants des familles aisées conservant la situation de leurs parents.

 

Selon l’Insee les enfants d’immigrés ont en moyenne une probabilité plus forte de réaliser une mobilité ascendante. Cela s’explique par leur concentration dans les grandes métropoles qui sont des territoires plus dynamiques. La principale conclusion est que leur espérance de revenu à l’âge adulte est corrélée à la richesse de la région où ils ont grandi.

 

C’est l’accès à l’éducation supérieure qui semble jouer un rôle déterminant pour les perspectives de revenu des populations modestes (50% de l’écart de niveau de vie à l’âge adulte), après l’environnement géographique général et la mobilité (avoir changé de région d’origine) De fait, si près des deux 2/3 des enfants d’origine modeste vont voir leur avenir économique entravé par l’absence de diplôme et leur difficulté à saisir des opportunités en dehors de leurs régions d’origine, un tiers environ, va pouvoir, grâce au succès scolaire, s’ouvrir des perspectives plus prometteuses.

 

Le rapport s’est particulièrement intéressé à la Seine-Saint-Denis. Il montre qu’entre 2007 et 2018, c’est le département où se sont créés le plus d’emplois et où l’augmentation de la masse salariale a été la plus importante (+ 29%). La Seine-Saint-Denis reste pourtant le département le plus pauvre de France. Cette situation ne fait pas de lui un bénéficiaire net de la solidarité nationale, il est au contraire le 8éme contributeur de la protection sociale

⇒ L’entrepreneuriat, une dynamique d’émancipation pour les habitants.

Tous les habitants des QPV n’ont pas vocation à devenir entrepreneurs. Mais l’entrepreneuriat rencontre l’aspiration de plus d’un tiers des habitants et peut donc avoir un effet d’entraînement. Cette dynamique pourrait être amplifiée notamment au profit des femmes, toutefois souvent à la tête d’une famille monoparentale, moins soutenues financièrement et victimes de barrières sociales, les conduisant à moins concrétiser leur projet que les hommes.

 

♦ Des dispositifs de soutien à l’entrepreneuriat

 

-À l’échelle nationale, Bpifrance conduit les principales actions en faveur de l’entrepreneuriat dans les quartiers. Bpifrance a initié en 2019 le programme Entrepreneuriat Pour Tous (EPT) destiné à renforcer la dynamique entrepreneuriale des QPV. Ce dernier soutient les porteurs de projets, à travers des dispositifs d’accompagnement et de financement et repose en particulier sur un réseau d’associations.

 

Ce dispositif a permis la création de 5 000 entreprises dont 1 137 avec des programmes d’accélération. En outre, Bpifrance indique avoir détecté et préparé 50 000 intentionnistes et entrepreneurs. En complément de l’offre d’accompagnement, des aides publiques sont proposées pour aider les entrepreneurs des QPV en termes de financements. Différents outils financiers sont à cet effet mobilisés :

– la facilitation de l’accès au crédit bancaire : depuis le 1er janvier 2020, Bpifrance assure ainsi, pour le compte de l’État, la gestion du Fonds de Cohésion Sociale (FCS), dont le rôle est de soutenir le développement de la garantie de prêts consentis aux publics en difficulté.

– les prêts d’honneur, à taux zéro, sans garantie, accordés par Initiative France, Réseau Entreprendre et l’Adie qui propose aussi des  microcrédits professionnels.

-la Mission French Tech Tremplin, lancée en 2019 et financée dans le cadre du plan d’investissement France 2030, en partenariat avec Bpifrance, permet à des porteurs de projets issus de bénéficier d’un financement, ainsi que d’un accompagnement intensif sur plusieurs semaines.

-Pour finir, certains dispositifs de droit commun tels les aides financières versées par Pôle emploi, à travers le maintien partiel de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) ou l’aide à la reprise et à la création d’entreprise (ARCE).

 

Des actions spécifiques menées par les élus et le monde associatif : à titre d’exemple, la Maison pour l’initiative économique locale (Miel), créée en 1998 à l’initiative des élus locaux, vise à favoriser la création le développement de très petites entreprises (TPE) sur le territoire de Plaine Commune, situé à 70% en QPV. L’association propose, avec le concours de professionnels, un accompagnement, individuel ou collectif, adapté au profil de chacun. Des programmes spécifiques sont également mis en place, afin de soutenir l’entrepreneuriat féminin et développer les compétences numériques des entrepreneurs. De plus, l’association gère par délégation de service public la pépinière d’entreprises installée à la Courneuve, visant de jeunes entreprises à fort potentiel, l’objectif étant notamment celui d’améliorer l’attractivité du territoire. En 23 ans, la Miel a ainsi accueilli plus 14 000 entrepreneurs.

L’engagement d’acteurs privés : le « Pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises » (PAQTE), initié en juillet 2018, permet aux entreprises d’apporter leur contribution au développement économique et social des QPV, notamment en sensibilisant les jeunes à l’entreprise et à l’entrepreneuriat, en finançant certaines associations engagées en faveur de l’entrepreneuriat (notamment TF1 et L’Oréal), ou encore un fond d’investissement Impact Partners pour accompagner les entreprises en difficulté, en partenariat avec JP Morgan et La Française des jeux ; Impact Partners indique avoir financé la création de 150 commerces franchisés, qui ont permis la création de 1 500 emplois. On y trouve aussi des incubateurs d’entreprises tels Station F, avec son programme Fighters, destiné aux entrepreneurs issus de milieux défavorisés, pour les accompagner.

 

Qu’y crée-t-on ?

Le premier secteur d’activité concerné est le commerce (dont la restauration), qui représente 34% des établissements implantés dans ces territoires, puis  la santé humaine et les activités scientifiques et techniques (25%), la construction (15%).

En fait, on y rencontre  types d’entrepreneuriat : des projets avec une ambition de forte croissance, aspirant à une expansion nationale voire internationale d’une part et d’autre part des projets à taille humaine ou familiale et ancrés localement qui sont prédominent dans les activités traditionnelles et artisanales, tels que le commerce, la restauration, et les services à la personne, souvent ancrées dans un zone restreinte ; 40% sont des micro-entrepreneurs. Ils y trouvent un moyen de subsistance