Un bilan des structures de l’insertion économique


"L’INSERTION DES CHÔMEURS PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE", Cour des Comptes, janvier 2019

Bénéficiant du soutien financier de l’État et, dans une moindre mesure des collectivités territoriales, les structures de l’insertion par l’activité économique ont vocation à accueillir des chômeurs rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières auxquelles elles offrent un contrat de travail à durée déterminée (le parcours d’insertion est limité à 24 mois dans la plupart des cas) . L’objectif visé est l’accès à un emploi sur le marché du travail classique à l’issue du parcours d’insertion .

Certains organismes d’insertion sont principalement financés par les recettes issues de leur activité commerciale (entreprises de travail temporaire d’insertion, entreprises d’insertion, associations intermédiaires), tandis que d’autres fonctionnent en grande partie grâce à des subventions publiques (ateliers et chantiers d’insertion qui accueillent les publics les plus en difficulté) .

Les structures de l’insertion par l’activité économique sont des acteurs du développement local, aussi bien dans les territoires ruraux (où elles sont parfois l’un des rares employeurs) que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (avec les régies de quartier, notamment) .

L’insertion par l’activité économique n’est pas un outil conjoncturel de lutte contre le chômage : la variation du nombre de ses bénéficiaires n’a pas suivi la courbe du chômage, mais connaît une tendance à la hausse .

 

⇒ Quelles sont les caractéristiques de ces structures ?

 

L’insertion par l’activité économique est portée par des petites et moyennes structures, dont la majorité est sous statut associatif . En 2016, 17% des ateliers et chantiers d’insertion et 52% des entreprises d’insertion employaient moins de 10 salariés en parcours d’insertion . Même si le nombre global d’entités est resté relativement stable (entre 3  700 et 3  800) sur les dernières années, la crise a fait reculer le nombre d’entreprises d’insertion et d’associations intermédiaires, tandis que le nombre de structures portant des ateliers ou chantiers d’insertion, majoritairement financés sur fonds publics et moins dépendants de la conjoncture économique, a augmenté.

 

Un des secteurs les plus représentés dans l’insertion par l’activité économique est celui des services à la personne et à la collectivité  : un tiers des salariés en parcours d’insertion y a été embauché en 2016, notamment dans les associations intermédiaires et les entreprises d’insertion; l’entretien des espaces naturels et des espaces verts, ainsi que la production agricole (maraîchage biologique par exemple) sont également fortement représentés (18% des salariés), notamment dans les ateliers et chantiers d’insertion (37% des salariés) ; la valorisation des déchets et le recyclage des textiles constituent aussi des activités traditionnelles de l’insertion par l’activité économique, secteur très engagé dans l’économie circulaire .

 

Issue d’initiatives locales, l’offre d’insertion est très inégalement répartie sur le territoire français au regard des besoins . Le nombre de postes d’insertion rapporté au nombre de chômeurs de longue durée varie de un à huit entre les départements les plus mal couverts (comme l’Hérault, le Val-de-Marne et la Haute-Garonne) et les mieux dotés (Meuse, Jura et Cantal) . L’écart est encore plus prononcé si l’on rapporte le nombre de postes d’insertion au nombre d’allocataires du RSA ; l’écart maximum est de même ampleur si l’on considère les financements .

 

⇒ Leur viabilité et financement

 

Soumises à la même pression concurrentielle que les entreprises classiques, les structures de l’insertion par l’activité économique cherchent à développer leur activité marchande pour assurer leur viabilité et couvrir le coût de leur mission sociale . Leur taille en général réduite limite fortement leur capacité d’investissement ; les structures, à la rentabilité d’exploitation moyenne, éprouvent des difficultés à attirer des investisseurs privés .

À l’occasion de la réforme des marchés publics intervenue en 2015 a été créée la catégorie des marchés exclusivement réservés aux structures de l’insertion par l’activité économique . Si le recours aux clauses sociales se développe parmi les collectivités territoriales notamment, l’État demeure en retrait .

 

Tous les types de structures conventionnés par les services de l’État bénéficient d’une aide au poste, mais son montant varie selon le type de structures (de 1 347€ par an et par poste dans une association intermédiaire à 19  897€ dans un atelier ou un chantier d’insertion en 2018) et il est modulé en fonction des performances obtenues . D’autres leviers de développement existent dans la création de partenariats avec des entreprises classiques ou le regroupement de structures de l’insertion par l’activité économique . En 2017, l’État a contribué au financement de près de 70 000 postes, pour un nombre total de bénéficiaires bien supérieur (plus 130 000 bénéficiaires en fin d’année). 75% des montants bénéficient aux ateliers et chantiers d’insertion.

Les exonérations spécifiques de charges sociales qui existaient sont supprimées au 1er janvier 2019, au profit de la réduction générale de cotisations sociales, devenue plus favorable au niveau du Smic .

 

⇒ Les publics accompagnés

 

En 2016, 43% des 132 300 salariés en parcours d’insertion étaient employés par des associations intermédiaires, qui mettent leurs salariés à disposition de particuliers, d’entreprises ou de collectivités territoriales . 37% étaient accueillis par des ateliers ou chantiers d’insertion, les 20% restant travaillant pour des entreprises d’insertion ou des entreprises de travail temporaire d’insertion .

 

Sauf dans les associations intermédiaires dans lesquelles se sont développés les services à la personne, les structures de l’insertion par l’activité économique accueillent en majorité un public masculin . Les jeunes de moins de 26 ans représentent un quart de l’ensemble des bénéficiaires des parcours d’insertion . Plus de la moitié des bénéficiaires sont allocataires de minima sociaux (notamment du RSA) dans les ateliers et chantiers d’insertion, contre 20 % dans les associations intermédiaires (40 % en moyenne sur l’ensemble des structures) .

Au total, près de 80% d’entre eux ont un niveau de qualification inférieur au baccalauréat et 20% sont de nationalité étrangère (hors Union européenne), proportion en hausse sur les dernières années . Un salarié sur cinq réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (près du tiers en Île-de-France et jusqu’à 52% en Seine-Saint-Denis) .

 

Les principales difficultés rencontrées par les bénéficiaires pour accéder à l’emploi procèdent de l’offre insuffisante d’emploi dans la branche professionnelle, d’un niveau de qualification trop faible (dans près de la moitié des cas), de l’absence de permis de conduire ou de véhicule (42%), de discrimination dans l’accès à l’emploi et de leurs situations financières (pouvant conduire au surendettement) ou de leurs conditions de logement . Plus de 20 % des bénéficiaires rencontrent également des problèmes de santé (en particulier d’addiction ou de dépression) . Globalement, les dirigeants des structures d’insertion estiment que les difficultés rencontrées ont eu tendance à s’aggraver depuis la crise de 2008 .

 

Toutes les candidatures doivent être validées par Pôle emploi, qui délivre un agrément attestant du respect des critères d’éligibilité au dispositif .

 

⇒Les difficultés des structures d’insertion

 

Les structures d’insertion rencontrent davantage de difficultés pour améliorer la situation des bénéficiaires en matière de santé . Globalement, les structures de l’insertion par l’activité économique souhaiteraient une implication plus importante des services sociaux et de Pôle emploi tout au long des parcours d’insertion .Elles estiment aussi que l’accès à la formation est insuffisant .

Au cours des dernières années, l’attention portée à l’accompagnement s’est accrue : la professionnalisation des accompagnateurs socio-professionnels, la généralisation de comités de suivi réguliers permettant à Pôle emploi et aux structures de faire le point sur les situations individuelles, le développement de démarches qualité portées par les réseaux nationaux de l’insertion par l’activité économique . Une autre piste pour améliorer l’efficacité du dispositif consiste à nouer davantage de relations avec les entreprises classiques pour faciliter les sorties vers l’emploi, voire à prolonger, si nécessaire, l’accompagnement pendant quelques mois à la sortie du parcours.

 

Les résultats

 

En termes de résultats de placement dans l’emploi, les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), accueillant des publics en moyenne moins en difficulté, obtiennent les taux les plus élevés : 46,7% en 2017, devant les entreprises d’insertion (EI, 38,3%), les associations intermédiaires (AI, 36,1%) et les ateliers et chantiers d’insertion (ACI, 26,9%) . Ces taux ont progressé au cours des dernières années, mais celui d’insertion dans l’emploi durable demeure beaucoup plus faible (15 à 25 points de moins selon le type de structures) .

Le taux moyen d’insertion dans l’emploi est plutôt stable 6 mois, 12 mois et 24 mois après la sortie (37% en moyenne), et en progression.

En 2017, les sorties en emploi ont représenté 36,4% du total des sorties (19,8% en emploi durable et 16,6% en contrats de courte durée et en emplois aidés) . 19,4% des sortants sont entrés en formation ou dans une autre structure de l’insertion par l’activité économique ; 31,8% étaient de nouveau au chômage .

Mais les indicateurs actuellement utilisés pour mesurer le retour à l’emploi, imparfaits, ne permettent pas de comparer les performances des différents dispositifs de la politique de l’emploi qui accueillent des dispositifs aux caractéristiques proches ou similaires . Les effets de l’accompagnement sur la diminution des difficultés d’ordre social ne sont pas mesurés . Une grille d’analyse de ces difficultés pourrait être renseignée à l’entrée et à la sortie des parcours d’insertion, permettant une consolidation à différents niveaux (y compris national) . 

 

La Cour des Comptes formule unan des ene dizaine de recommandations.