Le financement “extérieur” des TPE/PME.


"Le financement des PME‑TPE", Observatoire du Financement des Entreprises, décembre 2019

L’Observatoire du financement des entreprises réunit les principales organisations représentatives des entreprises et du secteur financier, des acteurs publics du financement, les réseaux consulaires et les principaux pourvoyeurs de statistiques publiques et de diagnostic économique.
Les rapports de l’Observatoire font l’objet d’un consensus entre les institutions qui en sont membres, et les travaux conduits tout au long de l’année 2019 ont conduit à la parution d’un rapport, le 18 décembre 2019, sur le « Financement des PME-TPE ». Il était important de faire aujourd’hui, dix ans après la crise, un point complet sur le financement des entreprises, centré sur les PME et, plus précisément, sur les TPE .

 

Le financement des PME et des TPE est en nette amélioration, bien que celui des TPE est toujours quelque peu en retrait.

⇒ Le contexte : une amélioration générale

La plupart des différents ratios comptables permettant d’apprécier la santé des entreprises se sont améliorés de façon significative, tout en demeurant généralement à des niveaux moins favorables que dans les années d’avant-crise.

C’est, notamment, le cas des taux de marge ou des différents ratios mesurant la rentabilité des entreprises. L’année 2018 aurait toutefois enregistré une évolution légèrement défavorable au vu des premières données disponibles.

♦ Les capitaux propres des PME se sont renforcés. La contribution des résultats joue un rôle déterminant dans cette évolution sur les années 2014 à 2017.

♦ Mais l’effort d’investissement des PME est resté assez peu dynamique; l’auto financement de ces investissements a progressé de façon sensible, favorisé par la hausse des profits, elle-même permise par l’amélioration des taux de marge et la baisse des charges d’intérêt.

♦ La situation en matière de trésorerie s’est sensiblement améliorée, la part de la trésorerie dans le bilan des PME s’étant renforcée, dans un contexte de besoin en fonds de roulement relativement stable.

♦ L’amélioration concerne, en général, l’ensemble des secteurs. Pour le taux de marge, cette tendance est nette pour l’industrie et le commerce. En revanche, pour la construction, l’amélioration est extrêmement limitée en comparaison de la chute observée entre 2007 et 2012. Des évolutions comparables sont observées sur les taux de rentabilité.

♦ 2 catégories : celles qui ont régulièrement recours au crédit et les autres (soit qui s’autofinancent, soit qui, par principe, sont opposées au recours à l’endettement).

Noter que 78% des entreprises sont en bonne situation financière selon leurs dirigeants (source in extenso).

 

⇒ Une approche spécifique des TPE

Pour les TPE, il semble que la situation soit comparable à celle des PME; toutefois, les délais de paiement subis par les TPE s’est détérioré.

  14% des TPE (252 000 sur les 1,8 million de TPE du champ) présentent des fonds propres négatifs ou nuls (présentant une situation dégradée à la fois en matière de fonds propres et de trésorerie), contre 7% des PME. Comment apprécier cet indicateur dans le cas des entreprises individuelles, dont la mesure des fonds propres est souvent incertaine ?

⇒ Le recours aux banques

Globalement, le taux d’endettement pour l’ensemble des PME baisse régulièrement tout au long des années 2010, avec une dette financière à peu près équivalente aux capitaux propres dans les années 2000. Cette baisse a surtout été permise, en début de période, par le tassement de l’endettement et, sur la période récente, par la hausse des capitaux propres. La baisse du taux d’endettement des PME vaut pour l’ensemble des secteurs, en particulier, les services, la construction, dans une moindre mesure le commerce et, de façon marginale, l’industrie.

 

♦ Les sources les plus importantes de financement :

– le crédit inter entreprises représente environ 700Md€; il est constitué de crédits commerciaux et de créances (sans évoquer les crédits qui peuvent exister au sein d’un groupe, entre une société mère et ses filiales par exemple).

– Le crédit bancaire reste la source quasi exclusive du financement des PME et TPE (85%); le crédit-bail est aussi un mode de financement significatif, quoique de façon légèrement moins prononcée qu’au milieu des années 2000, en proportion du total.

 

♦ Un accès au crédit facilité

Les sources de cet endettement ont très peu évolué pour les PME depuis 15 ans, à la différence des grandes entreprises et des ETI, pour lesquelles la désintermédiation par le recours au marché s’est poursuivie.

 

En 2017, 85% des dettes financières des PME sont formées de crédit bancaire, comme en 2005. Le coût du financement n’a jamais été aussi bas, avec un mouvement de baisse assez net entre 2012 et 2017. Ce mouvement concerne toutes les tailles d’entreprises (les taux payés par les plus petites sont un peu plus élevés que ceux payés par les plus grandes, ce qui est cohérent avec leur profil de risques), toutes les catégories de cotation (les taux payés par les entreprises les moins bien cotées demeurent plus élevés que ceux payés par les mieux cotées) et tous les types de crédit (équipement, immobilier, trésorerie, découverts, avec cependant une baisse moins rapide pour les taux s’appliquant aux découverts).

Ce mouvement général de baisse des taux n’est pas propre à la France. Il est commun aux autres pays de la zone euro, mais les taux demeurent plus bas en France.

 

♦ Sur les 432Md€ d’encours aux PME (mai 2019), les activités immobilières captent un quart (110Md€). Le commerce, l’agriculture, l’industrie et le soutien aux entreprises suivent, avec des encours de 38 à 61Md€ (soit de 9 à 14% du total) puis viennent la construction, le secteur de l’enseignement, la santé, l’hébergement-restauration et les holdings, avec des encours de 25 à 29Md€ (6 à 7% du total). Les secteurs transports (13Md€, 3%) et information et communication (7Md€, 2%).

 

L’accès au crédit pour des investissements immatériels est plus compliqué pour les PME et les TPE ; dans ces cas, le recours à l’auto financement est plus fréquent. 

 

Les crédits aux PME ont progressé de façon rapide au cours des derniers trimestres, en particulier, sur la période 2017-2019, dans 3 secteurs : holdings, soutien aux entreprises et information et communication. Globalement, entre janvier 2017 et mai 2019, l’encours de crédit aux PME a augmenté de près de 15% (pour les holdings, + 62%, pour les secteurs information et communication et soutien aux entreprises, respectivement +39 et +36%). Par contre, les secteurs plus traditionnels, comme l’agriculture, l’industrie, le commerce, l’enseignement et la santé, les progressions sont sensiblement plus modestes que la moyenne globale.

 

♦ En moyenne, la progression sur douze mois des nouveaux crédits aux PME est de + 4% sur les dernières années, mais ce rythme était de + 2% en 2014-2015 et il est supérieur à + 6% depuis mi-2018. Pour les TPE la progression est même plus forte, dépassant + 8% depuis mi 2018 (tirée par la hausse des crédits immobiliers et, sur la période très récente, des crédits de trésorerie). L’accélération des encours pour les crédits d’équipement est également nette; le crédit est octroyé à l’ensemble des entreprises (à l’exception des entreprises aux cotations les plus dégradées).

 

♦ Le taux d’obtention pour les PME est de 87% sur les 4 derniers trimestres pour les crédits de trésorerie et supérieur à 95% pour les crédits d’investissement. Ces taux sont plus faibles pour les TPE : 70% pour les crédits de trésorerie, mais l’amélioration est nette.
L’intensité du tirage des lignes a diminué (desserrement de la contrainte); la fréquence des révisions, par la banque, des lignes de financement s’est légèrement tassée.

 

♦ Si des demandes de crédit sont refusées, ce n’est lié (« toutes choses égales par ailleurs ») ni à la taille de l’entreprise, ni à son ancienneté (dès lors que le stade de la création est passé), ni à son secteur, mais à sa situation financière, qui peut être résumée par des indicateurs de solvabilité et de rentabilité; en revanche, pour les TPE l’effet taille peut jouer, voire le secteur d’activité (les TPE du bâtiment obtiendraient, à bilan identique, moins facilement un crédit).

 

♦ L’exigence de garanties, par les banques, pour les PME (lorsque les demandes ont été acceptées) s’est plutôt relâchée au cours de la décennie, moins pour les TPE. 

 

Les taux des crédits bancaires aux entreprises ont fortement baissé après la crise de 2008-2009; en moyenne, le taux des nouveaux crédits aux grandes entreprises s’établit à 1,1% au premier semestre 2019, à 1,2% pour les ETI, à 1,5% pour les PME et à 1,7% pour les TPE.
Ces taux sont globalement stables depuis 2017.

⇒ La diversification récente des sources de financement

Si le crédit bancaire demeure prédominant pour les PME, cela ne doit pas masquer la diversification des sources de financement apparue après la crise et favorisée par le législateur.

 

♦ Pour les TPE, en particulier, en phase de création, les organismes octroyant des prêts d’honneur (sans intérêts et sans garanties demandées) sont importants, et mis en œuvre notamment par l’ADIE, Initiative France, France Active ou le Réseau Entreprendre, en  partenariat avec les réseaux bancaires; au-delà des financements débloqués, l’examen et la validation d’un dossier de financement par ce type d’organisme présente un effet de levier
intéressant en facilitant l’approbation d’autres financeurs; lorsque des garanties sont mobilisées les banques doivent, en contrepartie, exclure ou limiter la prise de cautions personnelles. En fonction de la nature du projet, la quotité de la garantie est comprise entre 50% et 80% maximum pour une durée de 7 ans maximum, avec un montant maximal garanti compris entre 50 000 et 200 000€.

 

♦ Le crédit bancaire lui-même s’est diversifié,

– Notamment pour le court terme (exemple de l’affacturage ou encore le financement des opérations de commerce international); la « production » de l’affacturage a atteint 320Md€ en 2018, avec 41 000 clients, dont 95% de PME ou de TPE.

– Pour les crédits à moyen terme, la gestion du risque s’est un peu modifiée, avec davantage de cofinancements entre banques pour partager le risque ainsi qu’un recours accru aux contre-garanties des prêts bancaires proposées, notamment, par Bpifrance (développé dans un autre article).

Le crédit-bail s’était déjà beaucoup développé avant la crise, en lien avec des évolutions d’ordre culturel, l’usage d’un bien pouvant apparaître comme plus important que sa possession. Environ 30Md€ ont été financés par le crédit-bail pour l’équipement des entreprises (leasing) en 2018, dont 1/4 la location avec option d’achat; la production en crédit-bail immobilier a été légèrement supérieure à 4Md€ .

 

Des évolutions on vu le jour dans le champ du financement :

– Le crowdfunding (développé dans un autre article).

– Le capital investissement a progressé : les levées de capital‑investissement ont atteint 18,7Md€ en 2018, vs 5 Md€ chaque année en 2006-2008 et 10Md€ en 2008-2009.

2 200  entreprises, dont 84% d’entreprises françaises (pour 75% des montants), ont bénéficié de ces investissements, pour un montant global de 14,7Md€ en 2018. 15% des opérations (en nombre, pas en montant) se sont portées sur des TPE, 63% sur des PME (hors TPE), 20% sur des ETI et 1% sur des grandes entreprises non cotées.

Toutefois les business angels sont moins nombreux que dans les pays leaders et leurs réseaux y sont plus faibles; le nombre d’opérations réalisées a diminué en 2018, à 455, tout comme les montants investis. 60% portent sur des opérations inférieures à 100 000€.

– La structuration de la filière de l’ESS a orienté l’action des financeurs concernés, traditionnels ou plus spécialisés.

– La loi NOTRe a contribué à concentrer les leviers d’action publics des territoires, en accompagnement et en financement des entreprises au niveau des régions.

– Même s’ils ne concernent qu’une fraction des PME, les produits de dette (comme les fonds de prêts ou le placement privé) font maintenant partie du paysage du financement des entreprises.

– Des centaines de fintechs ont également émergé de façon durable et les capitaux investis dans ces entreprises ont fortement crû ces dernières années. Ces fintechs, dont la finance participative est une forme particulière, visent à faciliter le financement des PME-TPE dans quasiment toutes ses dimensions possibles.

 

Compte tenu de ces différents éléments, la question du financement n’est aujourd’hui plus prioritaire dans les préoccupations des chefs d’entreprise.

⇒ Une amélioration des relations PME/TPE-banque, mais un besoin accru d’accompagnement du dirigeant

Si 81% des TPE/PME font confiance à leurs banques, 67% disent leur satisfaction, 22% sont moyennement satisfaits et 12% non satisfaits selon in extenso.

♦ Selon l’enquête Bpifrance Le Lab – Rexecode, les causes de satisfaction sont 

– le contact humain et la compétence des agents bancaires : disponibilité du conseiller (50%), stabilité des conseillers (42%), proximité de l’agence bancaire (33%), compétences et connaissances du conseiller (28%),

-devant les produits bancaires : taux d’intérêt concurrentiels (29%), ligne de crédit prénégociée aisément mobilisable et aux caractéristiques stables (27%), acceptation d’un nouveau crédit aux conditions souhaitées (26%), frais bancaires : peu élevés/assez transparents (16%), 

La question du dialogue avec son banquier est donc centrale. de plus, pour avoir un dialogue de bonne qualité, il faut que les deux parties autour de la table « parlent le même langage ». Pourtant, interrogés sur les points d’amélioration, le coût des produits bancaires prennent le dessus (59%) tout comme la diversité des produits (30%) ou les taux d’intérêt (21%), alors que l’écoute, la disponibilité ne recueillent que 5 à 25% des répondants !

 

En cas de fermeture de leur agence de proximité, les dirigeants considèrent que 15 minutes est le temps de trajet maximal acceptable pour se rendre dans une agence.

L’annonce d’une fermeture se produit environ 14 mois avant la fermeture définitive. L’impact de la fermeture a un effet sur l’encours de crédit, qui diminue de 4,6% en moyenne sur 3 ans. Cet effet est net sur les deux premières années, mais s’atténue ensuite.

 

♦ Pour les dirigeants qui ont fait part d’une perte de confiance, les raisons en sont : un changement d’interlocuteur (42,5% moins confiance), l’absence de contact, de conseil, de suivi (40,2% et 67% pour ceux qui ont changé de banque), la hausse des tarifs (38,1%, et 16% pour qui a changé de banque), la dénonciation d’un découvert/refus de crédit (28,9% et 35% pour qui a changé de banque).

 

♦ Les entreprises qui se trouvent dans une « mauvaise situation financière » affichent un niveau de confiance qui reste majoritaire (64% vs 86 pour celles qui sont en bonne situation financière).

Ces propos sont confirmés par le baromètre PME Bpifrance Le Lab‑Rexecode dans lequel 84% des chefs d’entreprise sont « satisfaits » de leur banque. Les dirigeants les moins satisfaits sont ceux qui rencontrent des difficultés pour financer leur exploitation courante (59% d’entre eux sont « insatisfaits » ou « très insatisfaits » vs 10% pour les autres).

 

♦ En revanche, une difficulté revient régulièrement dans les échanges : le niveau de compétence financière et de gestion d’une partie significative des dirigeants de petites entreprises n’est pas suffisant.

Cela exige pour le banquier nécessité du dialogue, de la transparence, de l’explication (sur les financements, leurs coûts, les décisions prises par la banque), simplification et amélioration de la lisibilité des grilles tarifaires, mais aussi compréhension de la gestion financière au sein de l’entreprise illustrée par la question des fonds propres ; les dirigeants de TPE connaissent mal cette notion et son utilité : 55% pensent qu’ils servent à faire face à des aléas (déficit d’exploitation, perte exceptionnelle, etc.) vs 25,5% pour pouvoir obtenir des crédits et 13% obtenir un découvert; sur l’effet de levier possible, très peu de dirigeants (8%) ont entendu parler de ratio à ne pas dépasser. Ils ne sont donc quasiment jamais informés du fait que leur ratio de fonds propres est un élément déterminant pour accéder à du financement.

 

La difficulté de parler du même langage est contrecarrée par des logiques différentes : le dirigeant s’oriente vers des objectifs de (re-)conquête de marché et le banquier vers une gestion maîtrisée du risque de crédit. La réussite de la communication repose donc sur une compréhension mutuelle qui est loin d’être évidente, tant les représentations mentales, dans une situation de difficultés et donc à un moment où il existe une certaine tension, peuvent diverger.

 

Le rapport présente quelques initiatives nouvelles au sein de cet écosystème de l’accompagnement : la Banque de France a explicitement inclus cette priorité dans sa stratégie; la toute nouvelle mission (2018) visant à renforcer les compétences financières des dirigeants vient compléter son offre de services aux entreprises, à l’instar de la Médiation du crédit (2008) et des correspondants TPE (2016). Le secteur bancaire lui-même a également mis en place des actions en ce sens.

⇒ Trois points doivent attirer l’attention :

♦ Les délais de paiement : il apparaît indispensable que les pouvoirs publics poursuivent leurs actions pour améliorer la situation des entreprises, en particulier, des PME et surtout des TPE.

♦ Le renforcement des compétences financières des dirigeants de petites entreprises. S’ils parlent de ces sujets (plus d’un dirigeant sur trois n’en parle à personne), 59% le font avec l’expert-comptable, 24% avec le banquier.

♦ Les dirigeants de PME-TPE font face aujourd’hui à des défis stratégiques majeurs. Qu’il s’agisse de transformation numérique, d’innovation ou de basculement vers une économie plus soucieuse de l’environnement, leurs besoins évoluent. Dans le même temps, les solutions de financement se sont diversifiées. Cette nouvelle donne doit conduire là aussi le chef d’entreprise à monter en compétence pour tirer le meilleur parti de son nouvel environnement de financement. Il est indispensable que ces priorités de l’entreprise puissent être financées, ce qui pose également la question du bon équilibre entre autofinancement, dette et fonds propres. Le chef d’entreprise doit disposer des bonnes clés de compréhension et d’un accès facilité aux informations et formations pertinentes, s’il veut favoriser la réussite de son entreprise.

 

Pour en savoir davantage : https://mediateur-credit.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/ofe_2019.pdf