L’évaluation des actions publiques : une comparaison France et 5 autres pays.


"Vingt ans d’évaluations d’impact en France et à l’étranger Analyse comparée des pratiques dans six pays" France Stratégie N°2019-16, décembre 2019

Ce document dresse un panorama de l’évaluation d’impact : il compare la situation en France avec celle de 5 pays parmi les plus avancés en la matière : les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, le Canada et l’Allemagne. Il s’agit d’appréhender les similitudes et les différences s’agissant de la commande et de la production des évaluations d’impact et de repérer les bonnes pratiques en matière d’utilisation et d’influence de ces travaux sur la décision publique.  L’étude proposée ici se fonde sur six monographies qui examinent pour chaque pays la place des évaluations d’impact dans le processus de décision, sur la base de 15 questions regroupées en trois axes d’interrogation : quel est le degré d’ouverture du milieu administratif aux chercheurs ? Existe-t-il des dispositifs formels favorisant la conduite d’évaluations d’impact ? Enfin quelle est la diffusion et l’influence des évaluations sur la décision publique ?

 

L’évaluation d’impact des politiques publiques est plutôt récente et en retard en France au regard de 2 pays bine plus en avance (les USA et la Grande-Bretagne).

 

L’évaluation d’impact des politiques publiques est une activité plutôt récente. Les pratiques les plus anciennes remontent aux années 1960 aux États-Unis. En Europe, le Royaume-Uni fait figure de précurseur dans le recours aux évaluations d’impact, avec le développement des premiers travaux dans les années 1980 et un élan de grande ampleur à la fin des années 1990. Les autres pays européens (France, Suède, Allemagne) ont développé les évaluations d’impact plus tardivement, à partir des années 2000.

 

Dans les pays précurseurs (États-Unis et Royaume-Uni), des impulsions politiques fortes émanant de l’exécutif ont joué un rôle décisif dans le développement et la généralisation des évaluations d’impact dans tous les domaines de l’action publique. Les autres pays, par contraste, n’ont pas connu d’impulsion politique majeure en faveur de l’évaluation d’impact.

 

La tendance récente dans la pratique de l’évaluation d’impact est commune à tous les pays de l’échantillon : le recours plus important aux données administratives.

 

Dans tous les pays de l’échantillon à l’exception de l’Allemagne, les principaux producteurs d’évaluations d’impact sont les grandes universités nationales en économie. On peut citer l’École d’économie de Paris pour la France, les universités de Stockholm et d’Uppsala en Suède, l’université de Laval au Canada, la London School of Economics et l’University College London au Royaume-Uni, les universités d’Harvard, de Chicago, du Michigan et de Pennsylvanie ainsi que le Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis.

 

En France, les acteurs universitaires les plus impliqués sont :

 

L’École d’économie de Paris, plus précisément J-PAL Europe, l’un des 6 bureaux régionaux de J-PAL (44 chercheurs affiliés dans 16 universités en Europe), le laboratoire d’action contre la pauvreté, fondé en 2003 au département d’économie du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis avec 26 projets d’évaluation en France,

– L’Institut des politiques publiques (IPP), créé en 2012 sur le modèle de l’Institute for Fiscal Studies (IFS) au Royaume-Uni, s’appuie sur 24 économistes et doctorants) et une soixantaine de- chercheurs issus de l’École d’économie de Paris et du CREST,

– Le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP), spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques au sein de Sciences Po dont l’approche est fondée sur l’interdisciplinarité; il regroupe 180 chercheurs issus de différentes disciplines (économie, sociologie, sciences politiques, droit et histoire).

– La fédération de recherche Théorie et évaluation des politiques publiques (TEPP) regroupe 10 laboratoires de recherche de 10 universités.

 

En Allemagne, les évaluations sont majoritairement réalisées par des instituts de recherche non universitaires, plus ou moins liés aux structures gouvernementales et au monde universitaire.

 

 

Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède, il est fréquent que des universitaires ou des chercheurs soient recrutés au sein de l’administration centrale pour des postes qui requièrent une expertise scientifique. À l’inverse, les universitaires et chercheurs sont peu présents en France et au Canada.

 

En France, les postes d’encadrement supérieur dans la fonction publique d’État sont occupés par les sortants des écoles nationales (École nationale d’administration, École polytechnique et Écoles normales supérieures) appartenant aux grands corps administratifs (Conseil d’État, Cour des Comptes, Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales, etc.) et techniques (ingénieurs des Mines, Ponts, eaux et forêts, administrateurs de l’Insee, corps de l’Armement). En particulier, les métiers de la statistique et de l’analyse économique dans l’administration sont occupés par les membres du corps de l’Insee.

 

 

Le Royaume-Uni est le seul des pays étudiés à avoir développé des standards de compétences prenant en compte les preuves scientifiques. La formation des acteurs administratifs en général aux méthodes d’évaluation d’impact des politiques publiques est peu développé.

la France a développé la pratique des comités scientifiques et des commissions d’évaluation chargés de piloter l’évaluation de grands dispositifs nationaux.

 

Dans tous les pays de notre échantillon, il existe une société professionnelle de l’évaluation, c’est-à-dire une organisation regroupant les praticiens de la sphère administrative, académique et du privé, engagés dans l’évaluation

 

L’évaluation d’impact est encore moins développée en France qu’au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Suède. Il n’existe pas non plus d’instance de coordination des évaluations au niveau national, à l’exception toutefois des services statistiques ministériels opérant une centralisation des besoins en information sur les politiques de leur ministère.

La publication des travaux d’évaluation d’impact est un principe général au sein des administrations des six pays étudiés, mais qui est plus ou moins formalisé ou contraignant selon les pays.

 

 

La commande d’évaluations d’impact de politiques publiques émane principalement des ministères, en particulier dans les domaines du marché du travail, de l’éducation et de la santé.

Noter que dans les pays anglo-saxons, les fondations interviennent pour financer des évaluations d’impact et promouvoir leur utilisation par les décideurs publics.

 

En conclusion,

 

La prise de conscience de l’importance de l’évaluation d’impact et des politiques fondées sur la preuve apparaît également comme une préoccupation récente dans la majorité des pays. Les pratiques les plus matures, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, sont dans une certaine mesure moins liées aux avancées méthodologiques qu’à une volonté politique d’améliorer l’efficacité et la transparence de l’action publique et de relier les enjeux de l’évaluation à un ensemble plus large d’enjeux : association des parties prenantes, recours à l’expérimentation et à l’essaimage, apport des sciences comportementales, diffusion des résultats sous des formats innovants, etc.
 

Il n’y a pas de modèle « clé en main » pour encourager l’évaluation d’impact. Les pratiques repérées à l’étranger dessinent plutôt un ensemble de pistes à envisager et à expérimenter pour soutenir l’élan de l’évaluation d’impact en France.

 

Plusieurs orientations de nature générale constituent sans nul doute des voies à envisager pour soutenir l’élan de l’évaluation d’impact en France.

 

-La première orientation porte sur une meilleure articulation entre la demande et la production d’évaluation d’impact. Les succès des pays anglo-saxons résident en partie dans le fait d’avoir su agir sur la demande d’évaluation, en associant les universitaires à l’élaboration de l’agenda évaluatif des gouvernements et des parlements mais aussi en pointant les « manques de preuve » dans certains secteurs d’action publique et en faisant de la commande d’évaluation une politique nationale coordonnée,

– La deuxième orientation concerne les conditions de déploiement de l’évaluation d’impact, et la définition de principes communs; dans les pays les plus avancés, le développement de l’évaluation s’appuie d’abord sur des principes et des valeurs partagés : l’indépendance de l’évaluation, son inscription dans la durée, le niveau d’exigence méthodologique, la disponibilité des données, le souci d’expérimenter avant de généraliser, l’attention portée à la transférabilité des résultats, la place de la connaissance scientifique dans la décision publique.

– la troisième orientation invite à se placer du côté des acteurs de l’évaluation et à réfléchir à la mise en place d’une alliance réunissant une large communauté d’acteurs intéressés; l’enjeu consiste à favoriser la diffusion d’une culture de l’évaluation d’impact par la mise en place d’un écosystème et la mise en commun des efforts, dans une logique d’ouverture, de pluralisme et d’interdisciplinarité. 

 

Pour en savoir davantage : https://www.strategie.gouv.fr/publications/vingt-ans-devaluations-dimpact-france-letranger-analyse-comparee-pratiques-six-pays