Le financement de la reprise d’entreprise


"Rapport sur le financement de la transmission des TPE et PME", Observatoire du financement des entreprises, décembre 2016

Rapport remis le 7 décembre 2016  à Michel SAPIN, ministre de l’Economie et des Finances  et Martine PINVILLE, secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire  (Médiation du crédit).

L’étude s’appuie sur les données provenant d’enquêtes conduites par le cabinet TMO Régions à la demande de CCI de Haute-Savoie (805 reprises en 2008 et 741 en 2012), Auvergne ( 1 304 reprises en 2012) et Nord-Pas-de-Calais  (1800 reprises en 2014); ces études ne prennent donc en compte qu’une partie des reprises, certes majoritaires (non prise en compte des activités artisanales seules et libérales).

 

Les 2 grandes catégories de transmission sont la cession d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal (prédominance chez les TPE), et le rachat de titres sociaux (parts sociales, actions), très habituels chez les PME, mais en hausse chez les TPE du fait de l’accroissement des créations d’entreprises sous forme de sociétés; on doit y ajouter une modalité particulière qu’est la location gérance. Le type “fonds de commerce” correspond de 42 à 52% des reprises de ces 4 études, le rachat de parts sociales de 25 à 45%, et dernière modalité, la location gérance de 7 à 23%; l’installation en location-gérance ne pose pas de problème d’accès au financement dans la mesure où il n’y a ni fonds de commerce ni parts sociales à racheter au cédant et n’est pas prise en compte dans ce rapport.

En Haute-Savoie (2008), la part des reprises de fonds de commerce concernait 91% des reprises sans salarié, 72% des reprises d’entreprises d’1 à 2 salariés, mais seulement 20% des entreprises de plus de 10 salariés; les statistiques en Auvergne (2012) indiquent globalement la même tendance.

 

D’après les enquêtes CCI-TMO Régions, la part des transmissions familiales est de 13% à 20%, avec une part a priori plus faible pour les rachats de fonds de commerce et au contraire plus élevée pour les rachats de parts sociales (en Haute-Savoie, sur les 27% de reprises familiales parmi les rachats de parts sociales, 23% sont dans le sens parents-enfants et 4% concernent d’autres transferts familiaux (tels neveux/nièces, frères/sœurs, cousins…).

La question du financement pour le repreneur familial se pose dans des proportions financières plus modestes que dans des cas classiques de transmission totale à des tiers, mais il existe néanmoins des droits de mutation significatifs; il est admis que les droits de mutation sont in fine de l’ordre de 4 à 15 % de la valorisation de la société, si les outils existants sont bien utilisés. Le financement de cette imposition est donc à prévoir.

La part des transmissions à titre gratuit varie entre 3 et 6%, avec une proportion marginale pour les fonds de commerce (environ 1%) et significative pour les sociétés (entre 6 et 16%).

 

Dans l’artisanat, la situation est la suivante :

Au cours des années 2008-2012, les deux tiers des 870 Scop créées étaient des créations ex nihilo mais 13% étaient des reprises d’entreprises « saines » et 8% des reprises d’entreprises en difficulté.

 

Dans le cas de la reprise d’une entreprise en difficulté, en particulier, si cette entreprise est en procédure judiciaire, la question du financement se pose de manière très particulière; le prix de cession de l’entreprise peut être assez bas, par rapport à la valorisation de l’entreprise qui précédait ses difficultés ou encore par rapport aux entreprises « saines », de même taille, du même secteur; la cession peut par ailleurs concerner l’ensemble de l’entreprise en difficulté ou une partie seulement de cette entreprise.

Le repreneur peut considérer qu’il reprend une entreprise « en difficulté » sans pour autant être en procédure collective; en Haute-Savoie en 2008, 28% des reprises étaient considérées en difficulté dont 2% en procédure, mais 38% pour les fonds de commerce (dont 35% d’entreprises considérées comme étant en difficulté et 3% en procédure), contre 12% pour les reprises de sociétés (dont 0% en procédure); en 2012, cette différence entre fonds et sociétés s’était estompée, avec un taux global d’environ 28%. En Auvergne en 2012, les ratios sont comparables avec en moyenne 20% dont 2% en procédure et en Nord-Pas-de-Calais (30% dont 8 en procédure (avec fonds 22 et 11 et parts sociales 23 et 3).

 

Un paramètre déterminant pour apprécier les problématiques de financement des repreneurs est donc de savoir si ce repreneur est une personne physique ou une personne morale :

 

Selon TMO, les prix d’achat se situent entre 200 000 et 300 000€ (les fonds de commerce, un peu en dessous de 200 000€); la comparaison des données pour la Haute-Savoie en 2008 et en 2012 montre l’impact de la crise économique sur les valorisations, celles-ci ayant perdu 30% entre 2008 et 2012, la baisse étant particulièrement marquée pour les sociétés.

Selon Altares, En 2015, sur près de 40 000 fonds de commerce repris, la valeur moyenne s’est établie à près de 180 000€ en baisse de 6,3% au regard de la moyenne 2011-2014.

 

D’après les enquêtes CCI-TMO Régions, les achats par holding (en moyenne 10%) demeurent marginaux (1ou 2%) pour les fonds de commerce alors que, pour les sociétés, elle est de l’ordre de 25%.

 

Le cédant, s’il dit bien connaître la valeur de son entreprise, est prêt à transiger sur le prix, dans 63% des cas, notamment s’il est âgé. De fait, le dirigeant de PME est prêt à consentir une décote (<de 10% pour 27 à 30%, de 10 à 20% entre 15 à 28%, plus de 20% entre 4 et 7%).

Un compromis, selon la BPCE,  est souvent trouvé en contrepartie d’une assurance donnée sur la pérennité de l’entreprise (entre 51 et 65% selon l’activité), sur la qualité du repreneur (41 à 55%), sur la préservation de l’emploi (entre 34 et 48%); l’échange extra-économique est donc souvent étendu à la transmission d’un capital informel plus large (savoir-faire, réseau relationnel, confiance des parties prenantes…); seuls 24 à 38% cherchent à obtenir le prix d’achat le plus élevé.

 

Le financement de la reprise :

-L’apport personnel est mobilisé dans 80% des cas; ils financent de 25 à 30% du montant de l’achat; 12% des rachats de sociétés en Auvergne (2012) et 21% des reprises dans le Nord-Pas-de-Calais (2012) n’ont eu recours qu’à leur apport personnel; cela peut concerner l’absorption d’une entité modeste par une personne morale, d’une certaine taille et dotée de moyens financiers conséquents.

-selon TMO, 69 à 77% bénéficient d’un emprunt bancaire, de 3 à 17% d’un prêt d’honneur, de 2 à12% d’une aide de l’Etat ou de la région, de 2 à 9% d’un crédit vendeur.

Pour les TPE et les fonds de commerce, le cofinancement est marginal; pour les entreprises de taille importante, les banques n’interviennent quasiment jamais seules (entre 20% et un tiers au maximum); la perception des chefs d’entreprise est celle d’une tendance à un co-financement accru au cours des 10 dernières années.

 

Les prêts d’honneur représentent des contributions relativement limitées (9 200€ en moyenne pour Initiative France, 16 000€ pour Initiative Ile-de-France); ils permettent d’entraîner un effet de levier sur la dette bancaire, et sont réalisés à titre gratuit.

 

Le capital-transmission s’adresse à des opérations d’une taille significative : 6,1 Md€ (contre 3,9 Md€ pour le capital-développement, 0,8 Md€ pour le capital-innovation et 22 M€ pour le capital retournement), injectés dans 261 entreprises en 2015 (contre 866 entreprises bénéficiant de capital-développement, 499 de capital-innovation et 19 entreprises bénéficient de capital retournement). Le marché est donc relativement concentré; à fin 2014, 1 226 entreprises françaises ont été recensées dans les portefeuilles des fonds de capital-transmission.

 

Des sociétés de caution mutuelle et Bpifrance peuvent apporter une garantie au crédit bancaire octroyé au repreneur; exemple de la SIAGI (les 2/3 de son activité) pour des entreprises du commerce et de l’artisanat (fonds de commerce et rachats de parts sociales), ou encore de la Socama. Bpifrance – qui intervient également en financement direct ainsi qu’en capital pour soutenir les transmissions – a accompagné en 2015, 7 260 TPE en garantie auprès des banques (1 Md€), ainsi que 1 740 PME (700 M€).
Enfin la loi permet aussi aux collectivités territoriales d’accorder leur garantie, sous certaines conditions, aux emprunts contractés par des personnes de droit privé.

 

Le crédit-vendeur, crédit consenti par le cédant au repreneur, généralement en complément du financement bancaire s’étale, en général, sur une durée de 2 ou 3 ans; il est amortissable, avec plusieurs échéances, ou remboursé in fine.

 

Pour certaines activités comme, par exemple, la boulangerie, les cafés, certains salons de coiffure…, les fournisseurs principaux de ces établissements (meuniers, brasseurs, marques de cosmétiques), peuvent apporter un soutien financier en échange d’un engagement à se fournir chez eux, sous la forme d’une avance, pouvant faire elle-même l’objet d’une garantie d’une société de caution mutuelle.
Les franchiseurs peuvent  apporter un soutien à leurs franchisés, notamment pour participer au financement du haut de bilan des franchises.

 

Les aides obtenues par l’Etat et les Régions sont également notables, avec des proportions de repreneurs les ayant utilisées allant de 2 à 12% d’après les enquêtes CCI-TMO Régions  (notamment NACRE).

 

Un plan de financement « moyen » a également été reconstitué:
-Pour un fonds de commerce, l’emprunt bancaire réalisé en nom propre (ou au nom des associés) représente les 2/3 du financement et les apports personnels (31%). les autres sources de financement recensées (prêt d’honneur ; aide de l’Etat ou de la Région ; capital-risque)représentent ensemble 0,6 % du financement.

-Pour une société, l’emprunt bancaire personnel représente 33%, les apports personnels 25% et l’emprunt réalisé au nom d’une holding 41% du plan de financement.

 

Le rapport émet quelques propositions, maintes fois déjà formulées, notamment:

– la mise en place d’un tableau de bord permettant le suivi de l’ensemble des financements consacrés aux transmissions d’entreprise, crédits bancaires et autres modalités de financement, pour mieux percevoir les conditions d’accès aux financements par catégorie et taille d’entreprises, par secteur et par type de repreneurs

-le développement du crédit-vendeur et sa garantie via l’intervention d’organismes tels que Bpifrance ou une société de caution mutuelle