110 Md€ d’interventions économiques en faveur des entreprises en 2013 : 103,5 Md€ pour l’État et 6,5 Md€ pour les collectivités territoriales


« Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité », Assemblée Nationale, Rapport de mission N° 2013-M-016-02, mai 2013

 Le champ d’intervention de la mission : plusieurs dispositifs de montant élevé ont été exclu de l’analyse tels les taux réduits de TVA (18 Md€),  les mesures liées à la formation professionnelle (4 Md€), les allègements sur les bas salaires (allègements généraux de cotisations sociales : 21 Md€) ; d’autres dépenses ont été sanctuarisées, comme celles relatives au handicap (7,5 Md€), au logement social (4,4 Md€) €), aux jeunes entreprises innovantes (JEI : 120M€) ou encore le crédit d’impôt recherche (CIR : 3,5 Md€).  Au sein du périmètre d’analyse restant, près de 40 Md€ relevaient de l’État (660 dispositifs) et 6,5 Md€, des collectivités territoriales (plusieurs milliers de dispositifs).

 

Ces 40 Md€ d’interventions de l’État se répartissent en 12,5 Md€ d’interventions financières (prêts, garanties, fonds propres), 17,8 Md€ de réductions d’impôts et de charges sociales (dépenses fiscales, nichessociales), 6,5 Md€ de crédits budgétaires et 3,2 Md€ de produits de taxes affectées destinés à financer des interventions publiques.

 

Les aides aux parties prenantes (investisseur, taxes CCI…aides indirectes aux entreprises) sont 36% des 40 Md€, celles aux entreprises selon leur taille 27%, celles relatives au secteur d’activité 22% (dont agriculture, culture) et toutes entreprises 16% (PME)

Par ailleurs l’essentiel des aides se situe sur la phase investissement/financement (68% des 40Md€).

 

Dans les 660 dispositifs de l’État évalués par la mission, 12 interventions ont un volume financier supérieur à 1 Md€, 69 inférieur à 100M€, et plus de la moitié (365) un montant inférieur ou égal à 5 M€.

Les interventions économiques sont ainsi très nombreuses et fragmentées, tant du côté de l’État que des collectivités territoriales, résultant d’une sédimentation progressive, jamais réellement remise en cause et sans clarification réelle des compétences entre acteurs.

La pertinence de ces mesures de faible montant peut être remise en cause de plusieurs manières : faible connaissance par les bénéficiaires potentiels, doutes sur l’effet incitatif, ciblage trop fin qui peut générer des coûts de gestion excessifs, obsolescence des objectifs ou existence justifiée par la seule satisfaction d’intérêts catégoriels.

 

 Parmi les interventions des collectivités, le constat est le même : tous les niveaux de collectivités territoriales interviennent en matière de développement économique : 2,7 Md€ pour les communes et intercommunalités, 2,1 Md€ pour les régions et 1,7 Md€ pour les départements. Il résulte des redondances et des incohérences, provoquées par la juxtaposition de plusieurs milliers d’aides, dans tous les secteurs, parfois avec des montants unitaires très limités et un nombre de bénéficiaires faible.

 

Au sein de l’état, il n’existe pas d’appréhension globale des enjeux  des interventions en direction des entreprises (pas de suivi unifié et transverse, suivi thématique et budgétaire éclaté entre plusieurs ministères), ni de concertation/intervention systématique entre l’état et les collectivités locales ; la répartition des compétences avec d’autres intervenants territoriaux, tels les réseaux consulaires, pose question ; un même type d’observation peu être fait pour les collectivités. D’où de redondances et cofinancements nombreux.

 

Les soutiens publics sont insuffisamment orientés vers les enjeux de la compétitivité :

 

*L’investissement, notamment en technologies d’avenir, doit être soutenu, alors que l’autofinancement est en forte baisse (à son plus bas niveau depuis 1998, notamment pour les PME)

 

* l’industrie est relativement peu aidée (environ 2 Md€ au sens strict), alors que l’agriculture l’est beaucoup plus au regard de son poids dans la richesse nationale (près de 4 Md€, auxquels s’ajoutent les aides européennes de la politique agricole commune et des collectivités) ; de même, certains secteurs sont surreprésentés par rapport à leur poids dans le PIB, comme les commerçants et artisans (à titre d’exemple, les débitants de tabac perçoivent annuellement, en plus de leur rémunération, 250 M€ d’aides publiques soit deux fois et demi plus que les aides à l’innovation d’Oséo/bpifrance), la culture et le cinéma (pour 1 Md€, soit près de 10 % de l’ensemble des subventions budgétaires et taxes affectées).

De plus, des montants élevés sont mobilisés afin de promouvoir certains territoires nationaux via le soutien aux entreprises, comme les Outre-mer (2 Md€) et les différentes zones prioritaires (urbaines ou rurales).

 

*Les aides ne sont pas prioritairement tournées vers les secteurs exposés à la concurrence internationale (20 % seulement des interventions en nombre).

 

*Les aides à l’innovation demeurent largement minoritaires (2,8 Md€ hors CIR), tout comme les soutiens à des secteurs d’avenir comme le numérique ou la transition énergétique.

 

*Les coûts de gestion des aides, s’ils sont difficiles à chiffrer pour l’intégralité des soutiens, apparaissent élevés pour certaines structures ; la mission a privilégié deux sujets :

Les réseaux consulaires : les réformes récentes qui visaient à dégager des gains d’efficience (économies chiffrés en 2008 à 400 M€ sur cinq ans) n’ont pas produit les économies escomptées, alors que produit de la taxe a augmenté à un rythme soutenu (+30 % en dix ans, pour un total de 1,6 Md€).

– Les  montants de frais de gestion relativement élevés, avec près de 15 000 agents consacrés au développement économique, soit un équivalent budgétaire en coûts complets de près de 700 M€, (11 % du total des interventions) ; le système de suivi des interventions est apparu très lacunaire (la comptabilité publique ne permet pas de suivre avec précision les montants, le nombre de bénéficiaires et les effets d’aides) ; cette absence de suivi rend toute approche par grands «écosystème» de soutiens impossible. De même, ces interventions demeurent insuffisamment évaluées ; lorsqu’elles le sont, par des organes de contrôle comme la Cour des comptes, les évaluations restent la plupart du temps sans effet.

 

12 grandes mesures,  reflet des priorités de soutien à l’investissement, à l’innovation, à l’industrie et à l’international (9 Md€ en volume d’intervention et 2,5 Md€ en coût budgétaire annuel).

 

-Investissement :

1 et 2 : Conforter les instruments « bancaires » de bpifrance (5 Md€ d’intervention en prêts et garanties) et les instruments d’intervention en fonds propres de bpifrance (2,5 Md€)

3 : Conforter les incitations fiscales à l’investissement risqué pour les particuliers (FCPR, FCPI, PEA : 700 M€)

 

-Innovation :

4 : Conforter les interventions en faveur de l’innovation de bpifrance (aides à l’innovation, initiative stratégique industrielle : 220 M€)

5 : Conforter les interventions des régions en faveur de l’innovation (600 M€)

6 : Conforter le régime de la jeune entreprise innovante (JEI : 120 M€)

 

-Industrie :

7 : Conforter les pôles de compétitivité qui structurent les filières et soutiennent des projets innovants (fonds unique interministériel et fonds de compétitivité des entreprises : 350 M€)

8 : Conforter les soutiens aux secteurs de pointe de l’industrie française (avances remboursables dans l’aéronautique : 225 M€)

9 : Conforter les interventions du programme « Investissements d’Avenir » qui soutiennent des projets industriels innovants et orientés vers les filières d’avenir, y compris la transition énergétique (1,2 Md€)

 

-International :

10 et 11 : Conforter les soutiens financiers de Coface,  et les actions d’Ubifrance en les rapprochant des autres instruments publics au sein du label bpifrance export (241 M€)

12 : Conforter les interventions des régions en faveur de l’internationalisation  des entreprises, en les articulant avec les soutiens de l’État.

 

Propositions d’économies budgétaires :

-Réduire les coûts de gestion (485 millions 12  d’euros d’économies) :

1 : Réduire le montant de la taxe affectée des réseaux consulaires (400M€) et des centres professionnels et techniques (15 M€) afin d’encourager à l’efficience et aux regroupements

2 : Rationaliser la carte des 110 agences économiques des collectivités territoriales pour n’en garder qu’une par région (70 M€)

-Réduire ou supprimer les interventions inefficaces (1,1 Md€) dont

3 : Supprimer prioritairement les dépenses fiscales et niches sociales évaluées comme non efficaces et non efficientes par le comité d’évaluation de 2011 (400 M€)

4 : Remplacer les zones franches urbaines par des emplois francs (25 M€)

 

12 simplifications proposées : clarifier les compétences et « débureaucratiser » les procédures

Les entreprises rencontrées au cours de la mission nous ont confié deux attentes principales en matière de simplification : savoir « qui fait quoi » dans les aides et simplifier les procédures d’attribution des aides.

1, 2 et 3 : Transférer toutes les compétences de développement économique des collectivités territoriales aux régions qui pourront déléguer leurs compétences aux autres collectivités ; réunir dans un document stratégique régional unique et public toutes les interventions des collectivités territoriales pour améliorer la cohérence, clarifier les compétences et accroître la lisibilité des interventions pour les entreprises, tirer les conséquences de la décentralisation en réduisant les interventions territoriales de l’État dans le domaine du commerce, de l’artisanat et de l’aménagement du territoire

4 : Supprimer la moitié des 360 mesures de faible montant de l’État qui sont obsolètes, inefficaces ou dont les coûts de gestion sont trop élevés au regard des objectifs assignés

5 : Fusionner et simplifier les aides des collectivités territoriales, prioritairement en matière de création/transmission (plus de 1 100 dispositifs) et de tourisme (près de 500 dispositifs, en plus des comités départementaux et régionaux du tourisme),

 

«Débureaucratiser les procédures » :

10 et 11: Rendre systématique le dépôt dématérialisé de demandes de soutiens pour toutes les aides en harmonisant leur présentation pour faciliter les procédures et améliorer les échanges avec les organismes gestionnaires  et mettre en œuvre le programme « Dites-le nous une fois » (passeport numérique) afin d’éviter de redemander systématiquement les mêmes pièces justificatives

 

En conclusion

12 Md€, le volume financier des 12 interventions que la mission propose de conforter parce qu’elles répondent aux objectifs (investissement, innovation, industrie et international)

3 Md€, le montant des économies proposées par la mission, dont 1,4 Md€ d’économies budgétaires (crédits budgétaires et plafonnement de taxes affectées) et 1,6 Md€ de réductions de niches fiscales.

400 M€ d’économies envisageables au niveau des collectivités locales

0,5 Md€, le montant des économies proposées au titre de la réduction des coûts de gestion (réseaux consulaires, agences de développement économique des collectivités territoriales)