L’évaluation de NACRE : entre 2009 et 2012, Nacre a touché prés de 87 000 porteurs de projet demandeurs d’emploi, distribuant un prêt moyen de 5 590€


« Évaluation du dispositif Nacre » Inspections Générales des Finances et des Affaires Sociales, octobre 2013

 L’évaluation conduite est de grande qualité, avec toutefois au fil des chapitres, des données chiffrées qui sont légèrement en décalage, sans modifier les tendances.

 

Entre 2009 et 2012, NACRE a permis d’accompagner 86 929 créateurs/repreneurs, dans 58 000 entreprises, soient 10% des chômeurs créateurs ; 39 679 prêts (à taux zéro, sans caution personnelle, en moyenne 5 590€) finançant 36 634 projets de création/reprise, ont été distribués pour 221,8M€, mobilisant 1,6Md€ de prêts bancaires et assimilés. Le montant moyen du prêt Nacre se situe entre 4 835€ pour les minima sociaux, 5 426€ pour les créateurs faiblement diplômés, 5 244€ pour les moins de 25 ans et 5 688€ pour les plus de 50 ans. 61% ont abandonné le parcours (74% pour la cohorte 2009). 59% ont crée.

 

Le prêt Nacre représente au moins 25% des fonds propres pour les 2/3 des bénéficiaires dont le plan de financement est en moyenne de 39 258€.

Les fonds propres comptent pour 36% dans le plan de financement total (dont 24% issus de prêt Nacre, 61% d’apports personnels, 11% de prêts d’honneur et 4% de primes/subventions).

Les prêts bancaires et assimilés comptent pour 64% dont PCE (3,1%), prêts bancaires (85%), autres modalités de prêts (8,5%), autres dettes à rembourser (3,6%).

 

Dans 81% des cas, le prêt Nacre est adossé à un autre dispositif public ou à un prêt d’honneur : 36% des bénéficiaires ont cumulé prêt Nacre et prêt d’honneur, 26% prêt Nacre et PCE, 13% prêt Nacre et subvention, 4% plusieurs aides publiques ; 78% ont par ailleurs bénéficié de l’ACCRE. Nacre n’intervient comme seule source de fond propres que dans 5,3% des cas.

Le prêt bancaire occupe ainsi une place plus restreinte que prévue (1€ de prêt Nacre a généré 1,8€ de prêt bancaire, mais 3,6€ quand Nacre est la seule source de financement des fonds propres et 3,1 quand il y a cumul prêt Nacre et Prêt d’honneur).

 

Une comparaison des prêts Nacre et des prêts d’honneur :

 

Comparaison Nacre Prêt d’honneur hors Nacre

Poids de Nacre

Montant

moyen

Plafond

Durée

moyenne

Montant moyen

Plan financement

Nbre total bénéficiaires

Nacre compris

Nbre prêt

Nacre

Crédits Nacre

Accompagne-ment M€

% Nacre dans

activité financement

% Nacre dans accompagnement

(volume financier)

Prêt Nacre

5 590

10 000

4 ans et 2 mois

69 708

         

Initiative France

8 340

20 000

3 à 5 ans

94 550

21 016

6 160

5,0

22,0

12,0

Réseau Entreprendre

26 100

50 000

2 à 5 ans

ND

600

30

ND

1,2

ND

France Active

       

8 301

3 756

ND

24,8

ND

Adie

1 970

4 000

3 mois à 5 ans

ND

15 569

370

0,4

2,0

1,4

BGE

       

900

30

3,3

100

7,0

                   

La facturation de l’appui a été de 200 à 400€ pour PM1 (6 heures d’appui), de 400 à 600€ pour PM2 (9 heures), de 700 à 1 400€ pour PM3 (9 heures en année 1 rémunérées entre 300 et 600€, 6 heures en année 2 rémunérées entre 200 et 400€, idem en année 3 qu’en année 2).

Sur 4 ans, le coût par bénéficiaire est de 830€ pour l’accompagnement, de 2 583€ pour le prêt, au total 3 413€ (pour un coût théorique de 4 500€).

Ce montant est plus faible que les autres aides publiques attribuées aux demandeurs d’emploi par bénéficiaire et par an : 12 879€ pour l’ARCE, 7 778€ pour les emplois d’avenir, 1 417€ pour l’ACCRE ; il est encore faible au regard d’autres prestations telles les contrats autonomie (3 300€), l’accompagnement des licenciés économiques par Pôle Emploi (2 200€), proche pour l’accompagnement renforcé par Pôle Emploi (750€).

 

Le coût global annuel est estimé 174,5M€ depuis 2009 (43,5M€ en moyenne annuelle), dont 55,5M€ pour les structures d’accompagnement, 16,5M€ pour la gestion administrative (un coût jugé élevé) et un coût de 102,5€ pour le financement et la distribution des prêts.

Par ailleurs, on peut parler d’un retour d’investissement positif pour les dépenses relatives à la création/reprise d’entreprise pour des personnes en situation d’inactivité : les coûts engagés sont totalement amortis au bout de  3 ans, dégageant un gain net de 3 000€ (1 300€ si l’on prend en compte la sinistralité)

 

Qui en sont les bénéficiaires de Nacre?

85% sont des demandeurs d’emploi ; 82% sont des chômeurs indemnisés ; 11% reçoivent les minima sociaux ; parmi les chômeurs (indemnisés ou non), en 2012, 51% sont au chômage depuis moins de 6 mois, 24% entre 6 mois et 11 mois, 22% entre 12 et 35 mois et 3%, 3 ans et plus ; 24% sont en 2012 en rupture conventionnelle (ils ne sont que 11% de l’ensemble des chômeurs indemnisés).

Les 2/3 ont entre 30 et 50 ans ; 6,5% ont moins de 25 ans et 11% plus de 50 ans, un âge proche de l’ensemble des créateurs (un peu plus de moins de 30 ans et moins de 50 ans et plus)  

 

Ensemble des créateurs 2010,

hors auto-entrepreneurs AE

Entrepreneurs Nacre

Hors AE

Bénéficiaires de

L’ARCE

Bénéficiaires de

L’ACCRE

Moins de 30 ans

18,5

24,1

27,2

24,2

30-39 ans

32,2

35,6

36,9

34,7

40-49 ans

29,9

29,2

25,4

28,0

50 ans et plus

19,6

11,1

10,5

13,1

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

 39% sont issus de l’enseignement supérieur, 22% diplômés du bac, 31% de niveau CAP/BEP et 8% sans diplôme.

62% ont réuni au moins 16 000€ au démarrage (prêts compris), contre 39% pour l’ensemble des créateurs 2010.

 

3 grands profils sont identifiés parmi lesquels les créateurs dits « classiques » sont 81% des prêts Nacre :

 

Total prêts Nacre

Nbre projets

Financés

Total

financements

levés en M€

Montant moyen

Plan financement

 

Montant

Moyen fonds propres

Nbre

%

Nbre

%

En €

% public

En €

En % du plan

Projets TPE classiques

32 259

81

36 634

81

2 228,2

75 294

15

26 427

35

Projets très aidés

4 879

12

29 593

12

271,8

59 845

13

27 855

47

Projets sans apport personnel

2 541

7

4 542

7

53,7

21 483

28

25 164

25

Ensemble

39 679

100

2 499

100

2 553,7

69 708

29

25 164

36

                   

 

 

Montant moyen lorsque mobilisé

Dettes  bancaires et assimilées

Prêt Nacre

Apport personnel

Prêt d’honneur

subvention

Montant moyen

% plan financement

Projets TPE classiques

5 761

17 144

7 642

0

48 867

65

Projets très aidés

5 313

11 405

6 992

8 566

31 989

53

Projets sans apport personnel

3 938

0

5 845

4 769

16 170

75

Ensemble

5 590

16 380

7 531

8 327

44 544

64

             

 Le taux de pérennité à 2 ans est de 78%, à comparer à celui d’Initiative France (76%), des BG (76%), de France Active (82%) ; en ce qui concerne les publics fragiles Nacre, Il est de 61% pour les minima sociaux, de 77% pour les chômeurs de plus d’un an, à comparer à  92% pour ceux qui ont un parcours complet Nacre (65% pour le 1er temps du parcours et 75% pour le 2éme temps).

 

Le taux de sinistralité financière envisagé (objectif initial) est de 20% ; il est pour la cohorte 2009 de 14,5% en moyenne, mais de 27% pour les projets sans apport personnel, 26% pour les bénéficiaires de minima sociaux, de 18% pour les jeunes ; sur l’ensemble des cohortes, il est bien sur plus faible (9,5%). A titre de comparaison, il est à 3 ans pour France Active de 14%, de 3,3% (9,4 avant mise en œuvre des garanties institutionnelles) pour Initiative France, de 5,5% pour l’ADIE après appel aux cautions personnelles.

 

4 réseaux nationaux ont été particulièrement actifs : Adie, réseau BG, Initiative France, France Active) avec les 2/3 des parcours réalisés et 87% des prêts Nacre distribués ; les organismes consulaires sont très présents dans la phase d’aide au montage du projet. 20% des organismes assument l’ensemble du parcours du bénéficiaire NACRE.

 Dans le conventionnement 2012, 3 réseaux (France Active, BGE, Initiative France) cumulent 62,5% des actions, le nombre d’opérateurs conventionnés passant en 2012 à 557 (contre 827 en 2009) : 

90% des actions conduites en 2012

France Active

BGE

Initiative France

CMA

CCI

Experts-comptables

ADIE

Aide montage projet PM1

2,3

31,9

4,9

16,8

16,4

6,5

2,4

Structuration financière et

Intermédiation bancaire PM2

35,7

8,7

49,2

3,2

0,9

1,9

3,8

Appui au démarrage et au

Développement PM3

14,3

21,0

24,3

9,6

9,9

6,2

2,6

Total

25,6

20,7

16,6

9,8

9,3

5,3

2,8

Activité(s) prépondérante(s)

PM2

PM1 et PM3

PM2

PM1

PM1

PM1 et PM3

Toutes

Données en % des actions conduites

 

Les performances des réseaux d’appui entre 2009-2012 montrent moins d’abandon chez les apporteurs de prêt d’honneur et un taux de financement plus élevé (dont c’est le métier), une situation moyenne pour BGE, les experts-comptables et les consulaires, des performances plus difficiles pour l’Adie (dont les publics sont plus fragiles) :

 

France Active

BGE

Initiative France

CMA

CCI

Experts-comptables

ADIE

Moyenne

Taux d’abandon

49,6

60,9

47,6

59,4

62,6

62,5

76,8

61,7

Taux de création

73,4

62,6

74,4

66,0

59,8

61,0

47,8

59,0

Taux de financement

79,8

75,3

75,7

82,2

74,6

76,8

68,7

75,3

Taux de sinistre

11,3

10,9

11,3

9,9

10,7

8,9

34,7

11,6

 L’objectif de 20 000 prêts par an se traduit par 9 000 à 10 000 prêts effectifs (notamment du fait des crédits alloués), mais avec un taux de 75% de création en 2012 (objectif initial de 80%) ; en 2012, les réseaux ont distribué 19 600 prêts d’honneur totalisant 148 M€ (montant moyen de 7 530€) ; Nacre a distribué 7 300 prêts totalisant 40,8M€.

Certains objectifs fixés ont été accomplis tels le taux d’attribution des prêts Nacre (objectif de <80%, réalisé 2012, 75% et 78% en 2011), le taux de sinistralité physique des prêts à 3 ans (<20%, 22 pour la cohorte 2009 et 14,5% pour la sinistralité financière) ; d’autres ont dépassé les espérances tel le taux de pérennité à 3 ans (>70%, réalisé 84%), d’autres sont en-deçà tels le taux de transformation en création (objectif de 80%, réalisé 59%, et 64% en 2012), ou le taux d’emploi (>2, réalisé 1,61 emploi).

 

Mais NACRE s’adresse trop à des créateurs dont les difficultés d’insertion sociale et la difficulté d’accès au financement ne sont pas démontrées :

•43% sont des demandeurs d’emploi de moins de 6 mois dont une part croissante sont en situation de rupture conventionnelle (25% en 2012) et bénéficiaires de l’ARCE, alors que les bénéficiaires de minima sociaux régressent (16% en 2009, 12 en 2012) ; 25% sont des chômeurs de plus d’un an (4 500 alors que 60 00 sont dans cette situation).

Seules l’ADIE et partiellement les BG sont orientées vers le public des plus défavorisés, ainsi que le montrent les bénéficiaires en 2012 :

 

Ensemble

ADIE

BGE

CMA

CCI

Experts-comptables

France Active

Initiative France

Nombre en PM1, PM2 et PM3

18 458

503

4 588

2 458

2 205

887

1 733

2 677

Dont % de chômeurs plus d’un an

21,9

20,9

25,9

17,6

20,9

19,8

19,0

19,0

Dont % minima sociaux

12,2

24,5

16,0

9,9

9,7

7,8

9,1

8,1

Dont % moins de 25 ans

5,9

7,0

5,0

9,1

4,5

7,3

6,2

5,6

Dont % enseignement supérieur

40,0

21,7

39,2

22,9

53,6

40,2

36,9

40,0

 Nacre intervient majoritairement pour des plans de financement moyen de 70 000€, avec 17 000€ d’apports personnels (6,8% seulement n’ont pas eu d’apport personnel, ce devrait être le cœur de cible de NACRE) ; 28% sont des projets de moins de 25 000€ et 19% de plus de 100 000€. La moitié a un plan de financement compris entre 16 et 80 000€ (bien plus que pour l’ensemble des créateurs, 26%), manifestant un net décalage avec la création dans son ensemble.

 

On assiste donc à l’éviction des publics les plus fragiles ; de plus le dispositif incite les opérateurs à des résultats quantitatifs au détriment d’un ciblage et d’une approche plus qualitative ; enfin son articulation avec les autres dispositifs n’est pas recherchée (offre redondante avec Pôle Emploi, avec les prêts et garanties de BPI et des collectivités territoriales…).

 

Pour certains bénéficiaires, le prêt Nacre est l’élément moteur, sans rechercher un suivi post création : 16 141 sont entrés directement en PM2, une fois le prêt obtenu, 3 716 ont rompu la PM3 ; il en est de même pour 8 832 entrés en PM1 puis en PM2 et ayant rompu en PM3 ; globalement, 39% des créateurs accompagnés n’ont pas suivi le PM3, 35% n’ont sollicité que le PM1, et 32% ont sollicité le PM2 sans PM3.

 

En conclusion

Le PM1 est insuffisamment dédié à la maturation des projets, une phase qui bénéficie en priorité à des projets déjà aboutis.

Le PM2, cœur de métier des opérateurs Nacre, a difficulté à maintenir les projets les plus fragiles.

Le PM3 fait état de prestations d’inégale qualité, une personnalisation insuffisante, exigeant une intensité plus marquée, et un recours plus fréquent aux expertises spécialisées.

 

La phase d’accompagnement généraliste est jugée par la mission trop limitée ; toutefois, il est constaté en 2012 une amélioration de la fluidité du dispositif d’accompagnement (prés du quart des bénéficiaires ont bénéficié de la totalité du parcours, en moyenne en 70 jours pour démarrer).

Le taux de pérennité à 2 ans est accentué de 20 points pour ceux qui sont arrivés à l’étape post création (un taux de 92% -90% pour les chômeurs de longue durée- à comparer à 72% pour ceux qui ont abandonné le parcours).

 

Observons le parcours PM3 des bénéficiaires entrés en 2009 dans le parcours Nacre par grand réseau et la pérennité à 2 ans :

PM3

complet

entamé

rompu

Nbre

total PM3

Taux rupture

Nbre

total

Nbre

Cessation

% Pérennité

à 2 ans

Nbr

total

Cessation

% Pérennité

à 2 ans

Nbre

total

Cessation

% Pérennité

à 2 ans

BGE

834

129

85

2 009

517

74

1 175

388

67

4 018

58

Autres réseaux

741

89

88

1 918

453

76

1 156

357

69

3 815

 

Initiative France

778

42

95

1 694

202

88

892

159

82

3 364

53

CMA

274

11

96

855

107

87

581

96

83

1 710

68

CCI

280

9

97

798

116

85

513

107

79

1 591

64

Experts-comptab

191

12

94

581

93

84

388

81

79

1 268

67

Adie

41

12

71

568

352

38

526

340

35

1 135

93

Réseau Entrepr

23

0

100

72

1

99

49

1

98

144

68

Total

3 441

315

91

9 129

1 948

79

5 635

1 625

71

18 205

62

                       

 Noter que 70 jours ont en moyenne été nécessaires pour passer de la phase PM1 à l’immatriculation de l’entreprise (98 en 2009 et 82 en 2011).

Noter le taux de rupture en PM3 des moins de 25 ans (75%), des minima sociaux (59%), des chômeurs de plus d’un an (53%).

 De fait, très orienté vers le suivi économique et financier de l’entreprise, le suivi post création est peu adapté aux différents publics et à leurs besoins et exigerait une meilleure individualisation des parcours et un assouplissement du cadre de gestion national, tout en renforçant la professionnalisation des acteurs.

 

La pérennisation de Nacre ne peut se justifier que dans une réorientation progressive vers les publics les plus fragiles (notamment pour ceux qui sans le prêt Nacre n’aurait pas accès au prêt bancaire).

Les mesures à prendre sont : plus de double emploi avec l’ARCE, une durée minimale d’inscription à Pôle Emploi d’au moins 6 mois (exit les ruptures conventionnelles), une part minimum (25%) de Nacre dans les fonds propres et de 10% dans le plan de financement, une redéfinition du rôle des DIRECCTE (atteinte des objectifs relatifs aux publics les plus fragiles, notamment les chômeurs de longue durée), une prise en compte des nécessaires provisions pour non remboursement, un renforcement du rôle des accompagnateurs dans le recouvrement des échéances de prêts non remboursés, un développement des conventions de coréalisation entre prestataires, une plus grande flexibilité du parcours d’accompagnement, la fiabilisation des indicateurs de pérennité et de créations d’emploi.

A plus long terme, la mise en place d’une gouvernance plus efficace des acteurs nationaux en charge des réseaux d’appui à la création pourrait déboucher sur de nouvelles modalités de contractualisation (délégation pus large).

 

Selon les auteurs de l’étude, Nacre a fortement contribué à la mise en œuvre d’une offre homogène nationale pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi, avec la systématisation d’un accompagnement post création qui conduit à plus de pérennité ; toutefois les expertises spécialisées ont fait peu l’objet de demandes, au point que les crédits affectés sont passés de 11,1M€ en 2009 à 1,4M€ annuels entre 2010 et 2012.