Les artisans priorisent le recours à l’autofinancement, dans les plus petites tailles, notamment par crainte du refus de la banque de participer au financement ; 20% ont toutefois sollicité un prêt bancaire


« Un recours accru aux prêts bancaires pourrait constituer un levier de croissance efficace pour l’artisanat », le 4 pages N°31 de la DGCIS en partenariat avec l’ISM, mars 2014

 L’enquête porte sur les entreprises artisanales de France métropolitaine de plus de trois ans, et comptant moins de 20 salariés ; l’échantillon de 1404 entreprises a été obtenu à partir d’un sondage stratifié selon le secteur d’activité et la taille d’entreprise, en assurant un nombre minimal d’entreprises enquêtées par strate ; l’enquête 2013 a été réalisée du 22 juillet au 17 septembre 2013.

 

Trois entreprises artisanales sur dix considèrent leur situation financière préoccupante, une  opinion propre à l’ensemble des secteurs, moins marquée toutefois dans le bâtiment (23%).

34% des entreprises artisanales ont vu leur chiffre d’affaires reculer en 2012 par rapport à 2011 et 23% progresser (solde négatif de -11) ; ce constat est plus marqué dans le secteur des services (-17). Les entreprises artisanales de plus petite taille sont les plus touchées (-18 pour les  sans salariés, -9 pour celles entre 1 et 9 salariés) ; par contre le solde des positif (+5) pour les entreprises de 10 à 19 salariés.

 

Quelle que soit leur taille et leur activité, les marges des entreprises artisanales sont principalement orientées à la baisse ; le solde d’opinion relatif à l’évolution des marges en 2012 s’établit à -25.  Moins d’un artisan sur dix a vu ses marges augmenter en 2012 par rapport à l’année précédente ; pour près de la moitié, cette hausse s’explique par un repositionnement sur un nouveau marché où les marges sont plus confortables, plutôt que par une révision à la hausse des prix de vente ou par une renégociation des prix à la baisse auprès de leurs fournisseurs.

À l’opposé, un tiers des artisans ont enregistré une baisse des marges sur l’exercice 2012. Parmi les principales raisons invoquées figurent, d’une part, la hausse du prix des matériaux, des matières premières et de l’énergie (20%),  d’autre part la baisse des prix de vente induite par la concurrence (14% des entreprises artisanales) et la négociation par les clients (11%) ; les entreprises artisanales citent dans une moindre mesure « la hausse de la fiscalité » (16%).

 

Un artisan sur cinq a des problèmes de trésorerie : pour moitié, ces artisans pâtissent de la baisse de leur activité ; un tiers ont leur trésorerie en permanence tendue ; ces problèmes de trésorerie touchent les quatre grands secteurs de l’artisanat, mais de façon légèrement plus marquée l’alimentation et les services.

Les délais ou retards de paiement des clients sont la deuxième cause de leurs problèmes de trésorerie (notamment celle dont la clientèle est principalement constituée d’entreprises) ; la moitié dit souffrir de retards de paiement, 14% d’impayés plusieurs fois dans l’année, contre respectivement 25% et 8% pour les entreprises dont la clientèle est principalement constituée de particuliers ; le bâtiment est davantage touché que les autres secteurs, quel que soit le type de clientèle.

 

Pour faire face aux problèmes de trésorerie, 3% ont sollicité un prêt bancaire de trésorerie entre mi-2012 et mi-2013, alors que sur la même période un tiers des artisans ont eu recours au découvert bancaire ; noter que les 3/4 disposent d’une autorisation de découvert bancaire (ou ligne de crédit) mais 22% ne l’utilisent pas ;  11% l’ont trouvée insuffisante ; ce sont les entreprises les plus fragiles financièrement qui ne disposent pas du niveau de ligne de crédit auquel elles aspirent.

 

Plus de 9 dirigeants sur 10 déclarent s’appuyer sur les grands indicateurs financiers (impayés, marges, chiffre d’affaires, résultat et trésorerie) pour suivre l’évolution de leur entreprise ; mais 48 % seulement disposent d’un outil de suivi de l’activité et 39 % d’un suivi prévisionnel de la trésorerie ou du compte de résultat ; les entreprises sans salarié sont moins nombreuses à bénéficier de ces outils.

 

63% font appel à un expert comptable ; 38% disent s’impliquer dans la gestion de leur comptabilité et 25% l’assurent seuls (respectivement 45% et 33 % pour les entreprises sans salarié) ; les conjoints ou les membres de la famille gèrent la comptabilité dans 13% des cas ; cette proportion est plus marquée dans l’alimentation (17%) et le bâtiment (18%).

 

Entre mi-2012 et mi-2013, 27% ont entièrement autofinancé certains projets, dont les coûts sont globalement faibles ; pour les deux tiers de ces entreprises, le coût de ces investissements n’a pas dépassé les 10 000 € ; ils portent principalement sur le renouvellement ou l’achat d’équipements nouveaux.

56% ont recherché un financement externe pour financer le découvert bancaire (34%), renforcer la structure financière par réinjection de fonds propres ou assimilés dans l’entreprise (23%) et d’investir par recours au crédit bancaire classique (16%) ou au crédit-bail (7%).

 

Une entreprise artisanale sur cinq a sollicité au moins un prêt bancaire (16% un seul prêt et 3% plusieurs prêts). Ce recours aux prêts bancaires croît avec la taille des entreprises : 13% des entreprises artisanales sans salarié, 30% celles entre 10 et 19 salariés.

Un tiers avaient pour projet l’achat d’un véhicule professionnel (plus encore dans la construction). Dans le secteur des services, les principaux besoins concernent l’immobilier (27% des demandes de prêts bancaires). Enfin, dans les secteurs de la fabrication et de l’alimentation, la majorité des demandes de prêts concernent le renouvellement d’équipements de production (respectivement 30% et 41% des demandes).

Le recours au prêt bancaire pour financer l’achat d’équipements nouveaux est plus élevé dans les grandes entreprises artisanales : seules 1% des entreprises artisanales sans salariés y ont eu recours contre 5% de celles employant de 1 à 9 salariés et 10% de celles entre 10 et 19 salariés.

 

La moitié des demandes de prêt bancaire des entreprises artisanales concernent des montants inférieurs à 20 000 € (il est même inférieur à 10 000 € pour un quart des demandes).

Le montant du prêt bancaire dépend du type de projet : les trois quarts des prêts couvrent la totalité d’achat d’équipements nouveaux (permettant un saut technologique) ou de projets immobiliers.

Le montant du prêt est également fonction de la taille de l’entreprise : les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas les 100 000 € sont 44% à demander des prêts de moins de 10 000€ ; à l’opposé, pour celles dont le chiffre d’affaires dépasse 300 000€, 7 demandes sur 10 concernent des montants supérieurs à 20 000€ et un tiers des demandes portent sur des montants supérieurs à 50 000€. 55% des demandes de prêt bancaire des entreprises artisanales de 10 à 19 salariés concernent des montants supérieurs à 50 000€.

 

Les artisans, principalement les entreprises de petite taille, ont un recours limité au prêt bancaire pour financer leurs différents projets et privilégient davantage l’autofinancement ; selon  l’enquête européenne sur l’accès au financement des PME (SAFE) mise en place en 2008 par la Commission européenne et la Banque centrale européenne, 12% des entreprises françaises entre 1 et 9 salariés ont déclaré ne pas solliciter un prêt bancaire au premier trimestre 2013 par peur de refus de la banque contre 8% des entreprises de 10 à 49 salariés et 2% de celles employant entre 50 et 249 salariés.

 

Pourtant, seules 8% des entreprises artisanales qui ont sollicité un prêt bancaire ont essuyé un refus complet, et 3% n’ont pas bénéficié du montant total du prêt souhaité ; ce taux de refus complet est légèrement plus faible pour les entreprises artisanales de 10 à 19 salariés (3% contre 9% pour les entreprises de moins de 9 salariés).

Dans deux cas sur trois, la principale raison avancée par les banques pour refuser un prêt concerne la solidité financière de l’entreprise ; les artisans en situation financière préoccupante ont un taux de refus complet supérieur (18%) ; 24% des demandes de prêts bancaires destinés à faire face à un problème de trésorerie ont été refusées, contre seulement 5% des autres demandes de prêts bancaires. L’insuffisance au niveau des garanties constitue la deuxième raison de refus, citée dans un quart des cas.

 

Une fois l’accord de la banque obtenu, le déblocage du prêt a pris moins de 10 jours pour la moitié des demandes. Les prêts qui portent sur des besoins de trésorerie ont des durées de déblocage légèrement plus longues (supérieures à 10 jours pour 2/3 des demandes).

 

Un quart des prêts bancaires obtenus ont nécessité des garanties ;  cette demande de la banque dépend du montant du prêt demandé : 7% des prêts de moins de 10 000€ ont nécessité des garanties, contre 26% des prêts compris entre 10 000 et 50 000€ et 37% des prêts de plus de 50 000€. La garantie demandée porte principalement sur le patrimoine personnel du dirigeant (la moitié des cas) ; elle a nécessité dans un quart des cas un gage ou une hypothèque sur l’investissement réalisé. Ces garanties demandées par les banques se sont durcies pour plus de la moitié des artisans concernés.

 

Malgré des taux de refus de prêts bancaires assez faibles pour ceux qui en sollicitent, le financement reste un problème préoccupant pour les artisans : un artisan sur cinq considère les difficultés de financement comme le principal frein au développement. De plus, 30% ont reporté ou abandonné  des projets d’investissement en raison de difficultés de financement. Cela impacte aussi bien les entreprises dont la situation financière est préoccupante (50% d’entre elles), que celles dont la situation financière est saine (22 % d’entre elles).

 

Le recours réel à la banque et les attentes

Rappelons que les artisans ont en règle générale le même rapport avec leur banque que les particuliers : ils en changent rarement et les mettent peu en concurrence ; 80% n’ont qu’une seule banque (90% pour les sans salarié).

Quelle que soit leur taille, moins d’une entreprise « mono-bancarisée » sur cinq, à la recherche d’un prêt bancaire, a sollicité plusieurs banques ; à l’opposé, celles qui possèdent des comptes dans plusieurs banques sont plus de la moitié à solliciter plusieurs banques afin d’obtenir leurs prêts bancaires ; au final, un tiers seulement des artisans ayant sollicité un prêt bancaire (6 % des artisans) ont mis en concurrence différentes banques.

 

Les artisans sont dans leur grande majorité (plus des trois quarts) satisfaits de leur banque, qu’il s’agisse du conseil apporté, du délai de réponse, de l’intérêt porté à l’entreprise ou de la relation directe avec la banque ; pour autant, ils sont peu nombreux à demander conseil auprès d’elles sur les questions financières (1/4, les autres s’adressent à leur expert comptable ou  centre de gestion agréé) ; de plus, 1/3 ne font jamais le point avec leur banque sur la situation de leur entreprise.

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