Les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires à partir de 2003 ont peu profité à l’emploi


"Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements Les exonérations générales de cotisations", France Stratégie, rapport du Cosape, juillet 2017

Le Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements (COSAPE) a choisi de consacrer son premier rapport aux exonérations générales de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, compte tenu de la place prépondérante qu’elles occupent aujourd’hui au sein de l’ensemble des mesures visant à soutenir l’appareil productif français.  

 

Mise en œuvre depuis 25 ans, cette politique s’est amplifiée par vagues successives jusqu’à atteindre un coût direct de l’ordre de 25Md€ pour les finances publiques.

La première (1993) avait pour objectif de faire reculer le niveau élevé du chômage de la main-d’œuvre peu qualifiée en abaissant le coût du travail au voisinage du Smic sans pour autant diminuer la rémunération nette des salariés concernés.

 La 2éme vague visait à contenir la hausse du coût du travail en bas de l’échelle salariale dans un contexte où la politique de réduction du temps de travail devait se faire en maintenant, au niveau du Smic, les rémunérations nettes mensuelles.

Puis, lors d’une 3éme vague, le dispositif d’exonérations fut étendu et harmonisé pour contenir l’effet du processus de convergence vers le haut du Smic mensuel et des diverses garanties mensuelles de rémunération applicables selon le moment où l’entreprise était passée aux 35 heures. 

le Pacte de responsabilité et de solidarité a amplifié ces exonérations, les cotisations sociales patronales qui financent les régimes de sécurité sociale devenant nulles au niveau du Smic.  

 

La France se situe dans le groupe de pays (avec l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l’Australie) où le coût du travail au niveau du salaire minimum est le plus élevé; elle se caractérise aussi par un niveau de dépenses publiques de protection sociale particulièrement élevé. La politique générale et massive de réduction de cotisations sociales sur les bas salaires mise en place en France n’a que peu ou pas d’équivalent à l’étranger; d’autres pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni ont privilégié un niveau de salaire minimum plus faible pour favoriser l’emploi non qualifié, couplé à des dispositifs de soutien au revenu (de type crédits d’impôt). La littérature académique internationale montre que le dispositif belge a créé ou sauvegardé des emplois.

En revanche, dans les pays qui ont adopté des dispositifs d’exonération ciblés sur certains publics (jeunes, seniors, chômeurs de longue durée)  la plupart des évaluations concluent à un effet faible sur l’emploi; les dispositifs sur les territoires sont nuls. Ces dispositifs ont été expérimentés et évalués en Suède, Finlande, Norvège et Hongrie.  

 

Le contexte a par ailleurs évolué : 

-le niveau de qualification de la population active a progressé, mais le nombre de jeunes sortants du système scolaire sans diplôme reste important, alimentant un chômage des non-qualifiés qui demeure élevé.

Il existe un déficit d’emplois peu qualifiés dans certains secteurs (commerce, HCR).

-La compétitivité de la France s’est dégradée tout au long de la décennie 2000 (perte de parts de marché, dégradation de la balance courante),

Mais introduction du CICE en 2013, puis mise en œuvre du Pacte de responsabilité en 2015.  

 

En France, les travaux d’évaluation de la politique d’exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires ont surtout cherché à mesurer son effet sur le volume de l’emploi. Ils aboutissent globalement à conclure que la première vague allègements (de 1993 à 1997) a permis de créer ou sauvegarder de l’ordre de 300 000 emplois et la deuxième vague (de 1998 à 2002) environ 350 000 emplois. Les effets de la troisième vague (de 2003 à 2005), seraient quasi nuls. Mais on ne dispose à ce jour d’aucune évaluation des effets sur l’emploi de cette politique sur les 25 dernières années; on sait peu de choses sur la nature des emplois créés ou sauvegardés (par sexe, âge, diplôme, catégorie socioprofessionnelle, expérience) et sur leur ventilation par secteur d’activité ou taille d’entreprise.

 

Les baisses de cotisation profitent aux salaires qui augmentent, pas à l’embauche de nouveaux emplois. De fait, la proportion de salariés rémunérés au Smic a beaucoup progressé tout au long des trois vagues allègements, et, même si elle a reflué depuis, elle se situe aujourd’hui deux points plus haut qu’il y a vingt-cinq ans. Ce resserrement de la distribution salariale, que l’on observe en France sur longue période, apparaît atypique au regard des autres pays développés. Les conséquences à moyen et long termes des allégements de cotisations sociales patronales sur l’appareil productif sont largement inconnues. On ne dispose d’aucune étude sur leurs effets sur la formation (initiale et continue), les investissements (physiques et en recherche et développement), l’innovation, la montée en gamme de l’économie française et la croissance potentielle.  

Le Cosape suggère un certain nombre ce travaux pour remédier à ces carences.