Prévoir le flux des défaillances demeure actuellement difficile.


"Défaillances d’entreprises en Europe : les amendements des procédures juridiques repoussent temporairement l’échéance.", Coface, les publications économiques, juin 2020 et "Défaillances : les faillites au plus bas à la sortie du confinement" les Echos du 17/06/2020

Si le flux des défaillances en France et dans les principaux pays Européens est faible, c’est à la fois du fait des appuis des Etats, et à la fois de la fermeture temporaire des juridictions en charge des défaillances. Qu’en sera-t-il en fin d’année et au cours des années suivantes ?

⇒ La situation en France

En mai 1.317 procédures collectives ont été déposées auprès tribunaux commerce. Si les dépôts de dossiers se sont accélérés durant le mois de mai, leur nombre reste près de deux fois inférieur au niveau de l’année 2019, qui était déjà une faible année pour les faillites.

Entre janvier et fin mai 2020, le cabinet Altares a recensé au total 13.920 procédures, contre 23.535 l’an dernier à la même période, très loin du scénario de 2009, où les procédures dépassaient de trois fois ce niveau.

 

Mais la fermeture des tribunaux a provoqué une chute des défaillances, leur niveau s’étant contracté de 85%, avant de repartir en douceur; mais elle reste toujours 40% en dessous de leur niveau habituel.

Et puis, les entreprises sont encore sous perfusion des aides de l’Etat. La période d’urgence sanitaire s’est également accompagnée d’ un assouplissement des règles pour les entreprises en difficulté ; celles-ci auront jusqu’au 24 août pour se déclarer en cessation de paiements, alors qu’elles ont habituellement un délai de 45 jours.

 

“En toute logique, les défaillances devraient repartir à la hausse dès le mois de septembre, ne serait-ce que parce que l’Etat va progressivement réduire les aides. C’est déjà le cas pour le chômage partiel, et prochainement pour les charges sociales qui ne pourront plus être reportées. Viendra ensuite le temps du remboursement des prêts garantis par l’Etat. Les premières victimes seront les entreprises maintenues artificiellement en vie par ces aides. Mais compte tenu du retard pris depuis le début de l’année, rien ne dit que 2020 se terminera sur un niveau historique de faillites.” selon Altares.

⇒ L’appui des Etats Européens pour éviter les faillites d’entreprises

Des amendements temporaires du cadre juridique des procédures de défaillance ont été édictées pour faire face à la crise dans beaucoup de pays européens (Allemagne, Espagne, France, Royaume-Uni, Italie).

 

En Allemagne, des mesures similaires de suspension d’obligation de déclencher une procédure de défaillance en cas de manque de liquidité ou de surendettement ont été mises en place à trois reprises au cours des dernières années, ne concernant toutefois qu’une partie du territoire.

Ainsi en 2002, suite aux inondations ayant affecté le nord-est du pays et la Bavière, l’obligation avait été suspendue d’août à décembre. Cette mesure n’avait pas empêché une augmentation des défaillances de 20% par rapport aux 5 derniers mois de 2001, contre une hausse de 16% au cours du semestre précédent.

L’effet avait également été limité lors des épisodes suivants en 2013 et en 2016-2017, dans la mesure où les défaillances avaient poursuivi la tendance des mois précédents et qu’aucun pic n’avait été enregistré lors des mois suivants.

 

⇒ Les prévisions de la Coface pour les principaux pays Européens

Selon le modèle de prévision Coface, le nombre de défaillances aura progressé de
21% entre fin 2019 et fin 2021 en France, de 12% en Allemagne, de 22% en Espagne, mais de 37% en Italie et au Royaume-Uni.

 

La comparaison entre pays européens laisse apparaître quelques divergences : d’après les prévisions de croissance du PIB de Coface, les Pays-Bas et l’Allemagne devraient être les pays les moins affectés, avec des PIB en 2021 moins de 2% inférieurs à ceux de 2019. La France et l’Espagne feraient moins bien; moins bien encore, le Royaume-Uni et l’Italie (-5 à -6%).

⇒ La difficulté d’une comparaison Européenne

L’absence d’uniformisation des cadres juridiques de la procédure de défaillance au niveau européen a des effets sur le nombre de défaillances : exemple, le taux de défaillance est environ 10 fois plus important en France et en Allemagne qu’en Espagne, où celui des TPE est quasiment nul (0,1%), alors que celui des autres entreprises est relativement équivalent à
la France (autour de 1,5%). En Espagne, afin de contourner la procédure de défaillance, les TPE privilégient le financement par hypothèques (de biens immobiliers principalement) pour, en cas de difficulté à faire face à une échéance de paiement, en faisant cession de la contrepartie hypothéquée.

 

De façon plus générale, les principales barrières au recours à la procédure de défaillance sont sa durée et son coût (avocats, frais de tribunaux, taxes).

 

Or, d’après le classement Doing Business 2020 de la Banque Mondiale, les procédures de défaillance en Europe sont relativement hétérogènes à la fois en termes de durée, allant d’un an en moyenne au Royaume-Uni à quasiment deux ans en France. La différence est plus marquée encore en termes de coût : celui-ci est de 3,5% de l’actif en moyenne aux Pays-Bas, de 6% au Royaume-Uni, 11% en Espagne et 22% en Italie. 

La liquidation volontaire, plus courte et moins onéreuse, puisque sans supervision du tribunal, entraînera de facto un nombre moindre de défaillances.

⇒ Un rappel de ce que j’écrivais en mars 2020

52 002 défaillances en 2019; combien en 2020 ? (Note d’André Letowski)

Si la hausse des défaillances suite à la crise financiére de 2027-2008 avait été de 21% au regard de la période précédente, les 7 années suivantes (2009-2015) ont connu une hausse de 41% au regard de cette même période précédente.

Coface propose aussi cette hausse de 20% sans toutefois se positionner sur les années suivantes, qui à mon sens, sont une  période plus cruciale.

 

Pour en savoir davantage : https://www.coface.fr/Actualites-Publications/Publications/Focus-Defaillances-d-entreprises-en-Europe-les-amendements-des-procedures-juridiques-repoussent-temporairement-l-echeance