Le rapport Tirole-Blanchard.


"Le rapport OLIVIER BLANCHARD ET JEAN TIROLE" Juillet 2021

“Nous avons choisi de nous concentrer sur trois grands défis : le réchauffement climatique, les inégalités et le vieillissement de la population. Ces trois défis soulèvent des questions fondamentales d’équité à la fois entre générations et au sein de chaque génération. Ces trois défis sont des bombes à retardement.”

 

“Pour chacun de ces défis, des solutions existent : pourquoi y a-t-il peu de progrès ?…Ceci nécessite les contributions d’un grand nombre d’experts des disciplines scientifiques et sociales…Sans adhésion de la population, aucune réforme n’a de bonnes chances d’aboutir…Une réforme par ailleurs justifiée peut facilement échouer si ses modalités de gouvernance et de mise en œuvre sont mal conçues.
C’est sur la base de ces trois considérations que notre commission a défini son mandat. Nous avons tenté d’apporter notre avis d’économistes sur les faits et les politiques possibles, de réfléchir à ce qui devait être fait pour rendre ces politiques acceptables, et de formuler des suggestions pratiques pour la mise en œuvre.”

 

Je m’en tiendrais aux principaux constats faits :

⇒ Climat

♦ Idées essentielles

• L’urgence climatique exige d’agir rapidement et à grande échelle.
• Le succès dépendra largement des progrès technologiques. Ils sont rapides mais aussi incertains.
• Il faut éviter d’accroître des coûts déjà élevés en optant pour des mesures peu efficaces.
• Une approche globale s’impose. La tarification du carbone est nécessaire mais pas suffisante.

 

♦ Représentations et réalité

• Il existe un décalage entre l’inquiétude que ressent la majorité de la population face au réchauffement climatique anthropique (inquiétude qui, en soi, est une bonne nouvelle) et sa réticence à supporter le coût de la transition écologique et ses conséquences sur son mode de vie.
• Le manque de transparence sur le coût et l’efficacité de différentes mesures paralyse le débat. L’attitude de la population à l’égard des fiscalités vertes est plus déterminée par leur visibilité que par leur efficacité à lutter contre le changement climatique.

⇒ Inégalités

♦ Idées essentielles

• Les inégalités revêtent des dimensions multiples, la principale étant sans doute le degré d’accès à un emploi de qualité (en anglais, « good job », sans équivalent parfait en français) et à une vie professionnelle satisfaisante.

• Rendre un tel accès plus égalitaire nécessite d’améliorer l’égalité en matière de capital humain, avec un gros effort sur l’éducation, et de ressources financières, en utilisant de façon plus intelligente l’imposition sur les successions.
• La formation professionnelle est essentielle pour préparer les actifs aux emplois et faciliter la mobilité professionnelle : elle pourrait être considérablement améliorée.
• Toutefois, il n’y a pas de raison de considérer comme donnée la distribution des emplois et de ne pas chercher à l’améliorer par une meilleure organisation interne des entreprises, par des réformes du marché du travail (par exemple un vrai bonus-malus) encourageant les emplois de qualité, par des mesures destinées à influer sur la direction du progrès technologique, et par des règles commerciales évitant le dumping social.

 

♦ Représentations et réalité

• Dans les comparaisons internationales, les données statistiques de la France en matière d’inégalités de revenus, d’inégalités de patrimoine et d’inégalités régionales ne sont pas mauvaises. De plus, à la différence de ce qui s’est produit dans beaucoup d’autres pays, elles ne se sont pas dégradées au cours de la période récente.
• Cependant, une large majorité de la population française considère les inégalités comme un problème grave ou très grave.
• Les mesures statistiques classiques passent de fait à côté d’aspects essentiels des inégalités, tels que le poids déterminant du milieu social et du lieu de naissance dans la possibilité de recevoir une bonne éducation, occuper un emploi de qualité, et avoir un espoir dans son avenir.
• Les Français ne croient pas à l’égalité des chances dans l’éducation et l’emploi, et sont sceptiques quant à la mobilité sociale, ce qui concorde largement avec la réalité.
• Les Français craignent que les emplois de qualité disparaissent ; ils accusent le commerce mondial plus que le progrès technologique, qui plus souvent en est de fait la cause.
• Ces réflexions ont conduit la commission à mettre l’accent sur la création et l’accès aux « emplois de qualité ».

⇒ Démographie

♦ Idées essentielles

• Les allongements de l’espérance de vie mais aussi de l’espérance de vie en bonne santé sont de bonnes nouvelles, des réussites majeures de notre société. Ils impliquent cependant des ajustements dans la manière dont la société est organisée, en premier lieu le maintien d’un juste équilibre entre travail et retraite.
• Pour que le système de retraite reste à l’équilibre, l’allongement de l’espérance de vie impose soit de réduire les prestations, soit d’augmenter les cotisations, soit de relever l’âge de la retraite.
• Les dépenses publiques de retraite sont élevées en France, principalement en raison d’un taux d’activité des personnes de 55 à 64 ans et d’un âge effectif de départ à la retraite très faibles par rapport aux autres pays.
• Le système de retraite devrait être unifié, devenir plus transparent et plus juste. Il devrait ménager une marge de souplesse individuelle pour permettre à chacun d’arbitrer entre âge et montant de la retraite. Il devrait tenir compte des fortes disparités entre actifs quant à leur parcours de vie et leur espérance de vie

• Enfin, le système de retraite devrait être suffisamment souple pour en préserver l’équilibre financier, aujourd’hui et à l’avenir, tout en reflétant les préférences de la société. Le chapitre indique les moyens d’y parvenir et, parallèlement, montre comment augmenter à la fois la demande et l’offre de travail des seniors.

 

♦ Représentations et réalité

• Les employeurs et les employés pensent souvent qu’une baisse de la productivité justifierait un départ en retraite précoce, bien qu’aucune donnée ne vienne étayer la baisse de productivité des seniors, sauf en cas de maladie chronique.
• La réforme actuellement sur le tapis est perçue comme technocratique et manquant de transparence.

 

Pour en savoir davantage : fs-2021-rapport-les_grands_defis_economiques-juin_0.pdf (strategie.gouv.fr)

Il existe aussi une synthèse plus courte avec ses recommandations.

 

⇒ Et la tribune d’Eric Le Boucher dans les Echos du 9-10 juillet “Sur les défis fondamentaux les Français ont la culotte à l’envers”

“Sur les 2 défis exprimés dans la rapport, les Français ont des idées fausses et réclament de mauvaises solutions. La sortie du rapport illustre un grave divorce entre les perceptions dans la presse et l’opinion et la réalité…La vérité est écartée par le mécanismes “des croyances motivées”, celles auxquelles on s’accroche parce qu’elles rendent notre vie plus agréable”