Analyse du palmarès 2018 du Grand Prix des Bonnes Nouvelles des Territoires


"Palmarès 2018 du Grand Prix des Bonnes Nouvelles des Territoires" Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur, juin 2018

Méthodologie : C’est la 9éme année que ce concours est organisé. 250 candidatures sont parvenues ; 154 dossiers ont été soumis à un premier jury, puis après sélection 49 à un second jury (19 entreprises marchandes, 24 organisations de l’ESS et 6 écosystèmes), qui a choisi de primer 14 organisations (6 entreprises marchandes, 6 organisations de l’ESS et 2 écosystèmes).

La composition du jury est volontairement diversifiée ; les critères de sélection sont au nombre de 5 (innovation, réussite, reproductibilité, apports aux territoires, contribution à l’intérêt général, ce dernier en direction de l’ESS).

Au fil de ce texte, je citerais un certain nombre d’exemple pour illustrer, mais la plupart des lauréats pourraient être cités pour chacun de items observés.

 

3 particularités sont à souligner :

-L’objectif visé par le fondateur Michel Godet : repérer « les bonnes nouvelles » sur les territoires, parce que les changements viennent d’abord du « terrain ».

-La mise en avant des écosystèmes (acteurs largement diversifiés, inscrits dans un projet collectif, ce qui se traduit par de fortes interrelations constructives, pour permettre de réels changements), vivement recherchée.

Citons les exemples de :

* Langevin Le pôle innovation offre aux 130 chercheurs de l’Institut Langevin « ondes et images » (localisé à Paris) et aux industriels adossés (dont 11 start up issues du laboratoire, réparties sur toute la France), une panoplie de services unique pour un laboratoire public de recherche. C’est une innovation organisationnelle, dédiée à l’identification et à la transformation des recherches qui ont un potentiel commercial fort, pour créer des technologies de rupture.

* Ticket for change lutte contre le gâchis de talents en activant les talents de chaque individu. 3 activités : l’inspiration pour générer l’enthousiasme, l’activation de grands médias pour sensibiliser à l’innovation sociale et à l’entrepreneuriat social, la création de contenu pour mettre en avant des “role models” et entrepreneurs sociaux qui montrent que c’est possible.

Un Jury très diversifié, composé de personnes impliquées à titre personnel et non de représentants d’institutions, fidèles dans le temps, conduisant à une production efficace, parce qu’à l’écoute et respectueux des points de vue des uns et des autres.

 

 

Les 14 organisations primées affichent une approche lucide, ancrée dans une vision stratégique et une grande cohérence. Le leadership est manifeste quand on observe le développement actuel et celui envisagé. L’ambition et l’audace sont au rendez-vous.

 

Paradoxalement, d’une part le critère « contribution à l’intérêt général, au développement durable » est présent chez tous les primés y compris les entreprises marchandes, d’autre part le souci d’un modèle économique autonome l’est tout autant dans l’ESS.

Citons quelques exemples d’entreprises marchandes impliquées dans le sociétal et le développement durable :

*FACIL’itiest une interface agissant sur un site web existant sans avoir besoin de le refaire, et qui adapte automatiquement les contenus aux besoins des personnes handicapées, des personnes âgées ou de toute personne ayant besoin d’un confort de navigation adapté sur mesure.

*Eco Océan restaure les fonctions de nurseries pour larves de poissons dans les ports en utilisant les produits issus de la revalorisation de déchets ostréicoles locaux.

* PANAFRICA, une marque de baskets éthique et solidaire, s’appuie sur 3 principes forts : une fabrication transparente, un schéma de commerce équitable avec des producteurs en Afrique de l’Ouest et le soutien de projets d’accès à l’éducation et à la formation professionnelle.

 

Citons quelques exemples d’organisations de l’ESS, en recherche d’un modèle économique qui conduit à l’autonomie financière :

* Cabestan, Coopérative d’entrepreneurs du bâtiment, réunit 300 professionnels de la construction et de l’ingénierie. La majeure partie des moyens financiers provient de la contribution financière des entrepreneurs. 7 % du budget provient de subventions.

*Grap, coopérative d’activités et d’emploi dans l’alimentaire bio-local vise à créer un cadre propice pour entreprendre et structurer la filière alimentaire biolocale. Grap dispose de 260K€ de fonds et de 200K€ de dette bancaire moyen-long. Le financement de la structure mutualisée est autofinancé à plus de 85% ; les 15% restants sont financés par des subventions de collectivités. Par rapport au chiffre d’affaires consolidé de GRAP, les subventions représentent moins de 0,5% du CA.

 

L’innovation et la R&D sont très présentes : en fait il s’agit plus d’innovation sociétale que d’innovation technologique, même si celle-ci est présente, mais d’abord au service des personnes et de la société :

Ce constat est celui que fait aussi la récente étude « les stratégies de l’innovation » conduite par le club de Paris des directeurs de l’innovation, notamment comme tendance d’avenir.

La R&D, conduite sur plusieurs années, a précédé la vente au sein de plusieurs entreprises, protégées par des dépôts de brevet. Certaines entreprises ont d’ailleurs procédé à des validations scientifiques.

Le web et le digital sont largement utilisés et grandement facilitateurs de développement.

Rappelons à titre d’exemple Langevin Le pôle innovation, ou encore Eco Océan (R&D et validations scientifique), Oui Care (groupe de 17 500 salariés dans les services aux personnes)

 

Les lauréats se positionnent sur des niches de marché, bien souvent des marchés nouveaux ou inexploités, voire une proposition d’un ensemble de services que d’autres ne savent pas offrir, et pour lesquels la concurrence est rare.

Il va de soi que l’écoute client est très présente, qu’il s’agisse de clients le plus souvent largement sollicités pour la définition des produits proposés, qu’il s’agisse des collègues en coopérative ou des bénéficiaires des actions de l’entreprise (exemple de l’entreprise « En Direct Des Eleveurs », pour diffuser le lait en circuit court, à un prix plus élevé pour le consommateur mais avec des exigences fortes de qualité en contrepartie).

Oui Care (services aux personnes) parvient même à proposer, de par son organisation rigoureuse, des prix plus attractifs au final que le travail illégal.

Cette Famille, proposant aux personnes âgées de vivre dans des familles qui les hébergent, parvient à des coûts moins élevés que les EHPAD, pour une satisfaction bien plus grande des bénéficiaires.

 

Le partenariat est une constante pour l’ensemble des lauréats, qu’il s’agisse d’un partenariat avec le personnel, ou celui avec un ensemble d’acteurs participant conjointement au développement de l’entreprise.

Oui care priorise son personnel avant ses clients, faisant en sorte qu’ils bénéficient de CDI, de temps plein et de promotions dans un secteur où la règle est souvent le CDD, le temps partiel et le turn over faute d’évolution professionnelle.

Gaarden intègre ses collaborateurs au sein d’une “famille”, s’assure de leur bien-être au quotidien.

C’est bien sur le cas des organisations de l’ESS où la gouvernance des coopératives remplit un rôle moteur dans le développement (300 coopérateurs chez Cabestan, une cinquantaine de structures dans un rayon de 150 km autour de Lyon pour Grap), ou celui des utilisateurs comme pour Café Plum, localisé dans un village de 1 800 habitants et proposant un bouquet de services (café-restaurant, librairie, programmation de spectacles) pour 13 00 personnes accueillies, 40 producteurs/artisans et 450 artistes programmés.

 

Ce partenariat est aussi largement développé en direction de nombreux acteurs de leur environnement ou de leur filière

Gaarden, 1er réseau de jardiniers connectés est en partenariat avec une enseigne nationale (présent dans les 65 magasins BOTANIC).

Ticket for change collabore avec les acteurs du secteur qui se positionnent soit en amont (sensibilisation et détection & accompagnement des talents : Unis-Cité, Passeport Avenir, Mozaïk RH, Switch Collective…), soit en aval (accompagnement d’entrepreneurs : Investir&+, NUMA, MakeSense, Réseau Entreprendre …).

 

L’ancrage sur les territoires

C’est là encore le fait de l’ensemble des entreprises et organisations observées, apportant une réelle plus-value aux territoires où elles sont ancrées.

Citons l’exemple très illustratif de Rézo pouce, un dispositif d’autostop au quotidien adapté aux zones peu denses (milieu rural et péri-urbain), pensé comme un mode de déplacement complémentaire à l’offre (très souvent insuffisante) existante, mis en place par une municipalité.

Safe Water Cube installe des fontaines de potabilisation dans les villages reculés des pays en voie de développement, sans avoir recours à l’électricité, ou à une maintenance complexe. En liaison constante avec les associations locales qui prennent en charge une maintenance simple et payée par les habitants, l’Association implante des fontaines en zone rurale, qui permettent de fournir largement de l’eau et permet une bien meilleure scolarisation des enfants, auparavant malades par l’ingestion d’eaux polluées.

 

Emplois et chiffres d’affaires se sont accrus, au rythme des spécificités des organisations

Les emplois vont de quelques salariés (3 à 9) à 17 500 pour Oui Care (En 10 ans, leur effectif a été multiplié par près de 400 et O2 est l’entreprise qui a créé le plus d’emplois en France ces 5 dernières années), mais ils sont partout en progression ; ces emplois salariés sont présents pour les coopératives, tant au sein des têtes de réseau que des membres coopérateurs (ce qui peut conduire à plusieurs centaines d’emploi) ; il faut ajouter pour les organisations de l’ESS de nombreux bénévoles.

 Il en est de même pour les chiffres d’affaires, le plus souvent en nette progression.

 

Le financement

Le besoin de financement a été très conséquent pour le projet « En Direct Des Eleveurs », conjuguant apports des actionnaires de la SAS, aides régionales, et prêts participatifs.

Et pour Oui Care avec 4 opérations financières majeures :  levée de fonds auprès d’amis et famille (love money), puis auprès d’un family office, puis un fonds d’investissement, complétées par des emprunts bancaires. Les opérations de croissance externe se sont essentiellement réalisées sur fonds propres.

Pour les autres projets, les sources de financement sont nombreuses et diverses : certains ont été financés pour partie par le secteur public ou parapublic, y compris des entreprises marchandes du fait de leur utilité sociétale, toutes par de l’auto-financement (apports personnels, parts sociales en coopératives), par des prêts bancaires, certaines encore par des prêts d’honneur, des business angels, des fonds de capital-risque, du crowdfunding ou par du mécénat.

 

Le développement : les perspectives sont plus que favorables.

 Rezo pouce en 2018, devrait être présent dans 1 452 communes (16% de la population en milieu rural et péri-urbain ou 3, 131 millions d’habitants).

« En Direct Des Eleveurs » s’implante en Région Bretagne et Parisienne et lance la duplication du modèle, dans le secteur des céréales en Pays de Loire, dans le lait dans les Vosges.

Ticket for change a l’ambition d’ici 5 ans, de sensibiliser 1 million de personnes à l’entrepreneuriat social, d’avoir mis en mouvement 20 000 Ambassadeurs et formé 500 Connecteurs qui diffusent leurs pédagogies dans 25 villes, contribuant à faire émerger 10 000 entrepreneurs, 10 000 intrapreneurs et 80 000 contributeurs, salariés ou bénévoles de structures à mission sociale.

 

Y compris à l’international

Oui Care, en France, a pour objectif de réaliser 2 Milliards d’euros de CA d’ici 10 ans et d’employer plus de 100 000 salariés. Au niveau mondial, l’ambition est de devenir le N°1 en s’appuyant sur des partenaires locaux (soit en master franchise, soit par le rachat d’une entreprise locale qu’il faut accompagner dans sa croissance, comme interdomicilio racheté cet été).

Facil’iti fait état de perspectives de développement aux USA ou au Japon, où les structures commerciales sont en cours de mise en place.

Eco ocean, dans le cadre de la certification européenne « Ports Propres » cible les 8 pays signataires de la charte. Des contacts sont en cours dans les Caraïbes, en Corée du sud, au Maroc et aux USA.

*safe cube  a pour objectif à 3 ans, de fournir 500 fontaines par an, soit l’opportunité de donner accès à l’eau potable à 500 000 personnes (minimum) chaque jour.

*Panafrica réalise 36% de son chiffre d’affaires en BtoB à l’export : Belgique, Espagne, Canada, Etats-Unis, Thaïlande, Sénégal, Côte d’Ivoire. L’intégration d’une responsable export Afrique permettra de mieux appréhender le marché ouest africain et ses opportunités.