Sauvegarde, règlement judiciaire, procédures amiables.


"Quel bilan peut-on tirer de la procédure de sauvegarde, une quinzaine d’années après son introduction dans le droit français ?" France Stratégie, la note d'analyse N°84, février 2020

Source : la base de données contient 324 748 dépôts de  (Bodacc) : 8 070 procédures de sauvegarde, 96 105 redressements judiciaires et 220 573 liquidations judiciaires directes. L’étude a observé 7 927 cas de sauvegarde et 95 029 cas de redressements judiciaires entre 2010 et 2016; ces données ont été complétées par des données Insee.

 

La procédure de sauvegarde, comparée au règlement judiciaire, permet une survie plus fréquente de l’entreprise; encore faut-il qu’elle puis y accéder.

 

⇒ Le cadre de restructuration français se compose de 2 procédures de résolution confidentielles (la conciliation et le mandat ad hoc) et de deux procédures publiques (la sauvegarde et le redressement judiciaire).

En 2018, les procédures confidentielles représentaient environ 21% des procédures de restructuration de dette.

 

Les deux procédures confidentielles permettent des règlements à l’amiable se traduisant par une négociation confidentielle avec les créanciers de l’entreprise. Un conciliateur (ou un mandataire ad hoc) est choisi par le dirigeant de l’entreprise et approuvé par le tribunal de commerce pour entamer les négociations avec les créanciers. 

 

– Le mandat ad hoc est ouvert aux entreprises qui ne sont pas encore en cessation des paiements. Il est initié pour une durée de 3 mois, renouvelable sans limite légale.

 

– La conciliation concerne les entreprises en cessation des paiements depuis moins de 45 jours; elle est ouverte pour une période de 4 mois et ne peut être prolongée que d’un mois.
En 2017, ces procédures confidentielles représentaient environ 16% de l’ensemble des procédures de restructuration de dette .

Elles offrent l’avantage que seules les parties concernées (les créanciers, au moins les plus gros d’entre eux, et les dirigeants de l’entreprise) sont informées de la procédure. La confidentialité évite que les clients ou fournisseurs, apprenant les difficultés, ne cessent leurs relations d’affaires avec l’entreprise, contribuant à détériorer sa situation. Le principal inconvénient, par rapport aux procédures publiques, est qu’un accord doit être approuvé à l’unanimité des créanciers participant à la négociation et qu’il ne peut s’appliquer aux créanciers n’ayant pas été invités à négocier.

La confidentialité de ces procédures rend difficile leur évaluation statistique. Leur taux de réussite est donc mal connu. Un article récent mentionne qu’il avoisinerait les 70 %.

 

Les procédures publiques

 

– Le redressement judiciaire : une entreprise en état de cessation des paiements doit entrer en redressement judiciaire sous 45 jours pour entamer un processus de restructuration de sa dette avec ses créanciers: dès l’ouverture de la procédure, l’entreprise est protégée de ses créanciers. S’ouvre alors une période d’observation de 6 mois renouvelable 2 fois, pendant laquelle la situation financière de l’entreprise est évaluée et un plan négocié avec les créanciers. Le tribunal de commerce nomme un mandataire judiciaire en charge d’établir la dette de l’entreprise et un administrateur judiciaire qui surveille les activités quotidiennes de l’entreprise, notamment toutes ses opérations financières et certaines décisions importantes de restructuration (licenciement d’employés, vente d’actifs, etc.).
À tout moment pendant la période d’observation, le tribunal de commerce accepte ou rejette un plan de restructuration  Si la situation se détériore pendant la période d’observation ou s’il n’y a aucun espoir de parvenir à un accord avec les créanciers, le tribunal de commerce peut décider de liquider l’entreprise ou de procéder à sa cession par un mécanisme d’enchère.

 

– La sauvegarde : une entreprise peut demander à en bénéficier si elle n’est pas en cessation des paiements, mais si elle fait face à des difficultés financières qu’elle considère insurmontables sans restructuration de sa dette. Le tribunal de commerce peut rejeter cette demande. La procédure est publique; la période d’observation de 6 mois est renouvelable 2 fois.  Le tribunal de commerce nomme un mandataire judiciaire et peut également nommer un administrateur (obligatoire pour les plus grandes entreprises). Le rôle de l’administrateur est moins important en sauvegarde qu’en redressement judiciaire : il assiste le gestionnaire et ne peut pas prendre de décisions sans le consentement de celui-ci. Autre différence importante, en procédure de sauvegarde, l’entreprise n’a pas accès aux AGS, le régime de garantie des salaires, pour payer les arriérés de salaire.

Peu d’entreprises ont recours à la sauvegarde (6% des procédures de traitement de difficultés financières entre 2008 et 2018).

 

Un essai de chiffrement sur la période 2008-2018 montre une progression des procédures confidentielles et un ralentissement des procédures publiques.

⇒ Les tribunaux de commerce

Il existe une grande hétérogénéité entre les tribunaux de commerce, qui diffèrent tant par leur taille que par les résultats des procédures. En ce qui concerne la taille, au cours de la période 2010-2016, environ 2 414 nouvelles procédures de faillite (liquidations, redressements judiciaires et sauvegardes) ont été ouvertes en moyenne, le plus petit tribunal n’ayant enregistré que 273 cas et le plus important presque 20 000.

Le plus petit tribunal ne compte que 9 juges, et le plus grand 180.

La part des sauvegardes parmi les restructurations (c’est-à-dire hors liquidations judiciaires) est en moyenne de 8%, mais avec une forte variation : un tribunal enregistre 32,6% des sauvegardes.

 

En ce qui concerne les résultats, l’hétérogénéité entre les tribunaux est plus grande pour les sauvegardes que pour les redressements judiciaires. Le tribunal moyen voit 57,9% d’obtention d’accords de restructuration de la dette sauvegarde avec une fourchette allant de 20% à 93%. L’intervalle est beaucoup plus étroit pour les redressements judiciaires, allant de 15% à 48%, avec une moyenne de 31% d’accords de restructuration.

 

La proportion de sauvegardes converties en redressement judiciaire montre également une hétérogénéité entre les tribunaux, variant de 0% à 50%. Les taux de conversion élevés (supérieurs à 21,7%) se retrouvent partout, au nord et au sud, à l’est et à l’ouest, et ne correspondent pas nécessairement aux tribunaux des grandes villes ni aux territoires ruraux.

 

“Des discussions informelles avec des juges, mandataires et administrateurs judiciaires nous portent à croire que certaines entreprises qui entrent en redressement judiciaire seraient effectivement admissibles en sauvegarde”

 

⇒ Quelques constats :

 

– Pour les créanciers, la restructuration de la dette est donc préférable à la liquidation judiciaire. En moyenne, la procédure de sauvegarde débouche plus souvent sur un accord de restructuration de la dette que le redressement judiciaire : 62% des entreprises parviennent à se restructurer en sauvegarde, contre seulement 27% en redressement judiciaire. C’est que les entreprises qui entrent en sauvegarde sont en meilleure santé financière que celles qui entrent en redressement judiciaire.

 

– Mais la meilleure santé financière initiale des entreprises qui entrent en sauvegarde ne suffit pas à expliquer la différence des taux de restructuration entre sauvegarde et redressement judiciaire; une partie de l’écart pourrait bien provenir d’un effet de (mauvaise) réputation dont souffre le redressement judiciaire et des coûts indirects associés au redressement judiciaire élevés (entre 20 et 30% de la valeur comptable de l’entreprise). 

 

⇒ Les entreprises concernées, les procédures et leur issue en termes de survie des entreprises

-Les entreprises concernées par les redressements judiciaires et les sauvegardes

 

-Les décisions des juges : plans de restructuration, mise en liquidation

23% des entreprises qui déposent une demande de sauvegarde peuvent, ou non, être converties en redressement judiciaire du fait de la seule propension de leur tribunal à convertir. La moyenne de conversion étant de 12,7%.

 

-En comparant les entreprises à caractéristiques comparables, le redressement judiciaire réduit de 30 points la probabilité de parvenir à un accord de restructuration avec les créanciers. ” Les taux de succès du redressement judiciaire sont si mauvais que les parties prenantes des entreprises converties en redressement judiciaire s’attendent à un échec des renégociations. Cette anticipation est auto-réalisatrice”

-Les taux de survie après restructuration de la dette

 

Pour en savoir davantage : https://www.strategie.gouv.fr/publications/entreprises-difficulte-efficacite-procedures-preventives