Les entreprises familiales, moins performantes que les non familiales ?


"La culture entrepreneuriale et familiale : un levier pour la transmission ?", Observatoire national de l’Entrepreneuriat familial, février 2021

Méthodologie : sondage réalisé par Opinion Way auprès de 865 dirigeants d’entreprises familiales et non-familiales de 10 salariés et plus ; 489 appartiennent à une entreprise familiale ; les ETI ont fait l’objet d’un sur-échantillon de 100 dirigeants d’ETI ;  un sur-échantillon de 50 dirigeants de la Région Pays de la Loire a également été opéré.
L’échantillon a été interrogé en ligne sur système CATI entre le 23 juin et le 12 juillet et du 26 août au 9 septembre 2019. La représentativité de l’échantillon a été assurée selon la méthode des quotas : les critères retenus pour réaliser un échantillon représentatif des entreprises françaises de 10 salariés et plus sont le nombre de salariés, le secteur d’activité et la région.

 

La conduite de l’étude aurait mérité plus de rigueur (exemple, repérage de catégories significatives, telles la taille où la comparaison ETI et PME n’est que partielle…) pour en tirer des conclusions utiles pour l’action.

 

C’est parce que ce thème est peu exploité et mériterait de l’être bien davantage qu’il me parait important de faire état de cette étude même si celle-ci ne nous apprend pas grand chose de nouveau.

⇒ Profil de l’ensemble des entreprises interrogées :

-Activités : 47% services, 38% BTP, 12% industrie,

-Taille d’effectif : 57% de 10 à 49 salariés, 28% de 5 à 249 salariés, 9% de 250 à 499 salariés et 6% au-delà,

-Chiffre d’affaires : 16% moins de 1 M€, 44% de 1 à 5M€, 16% de 5 à 10M€, 13% de 10 à 50M€ et 11% au-delà,

-Part du capital détenu : 63% plus de 50%, 8% entre 50 et 25% et 29% moins de 25%.

-81% détiennent (eux ou leur famille) la majorité des droits de vote et plusieurs postes de direction, 10% la majorité des droits de vote et 9% ne détiennent pas la majorité des droits de vote.

⇒ Des compléments sur la base de 489  dirigeants appartenant à une entreprise familiale, objet premier de l’étude :

♦ Ancienneté de l’entreprise : 29% de 1 à 20 ans, 37% de 21 à 40 ans, 19% de 41 à 60 ans et 16% au-delà.

♦ Génération dirigeante : 45% la 1ére génération, 36% 2 générations, 19% davantage de générations,

♦ Poste de direction opérationnelle : 39% sont seul de la famille à diriger, 8% avec un autre membre de la famille et 53% avec plusieurs membres de la famille,

♦ Instances de gouvernance : 64% ont un conseil d’administration (56% ont des membres de la famille y participant) et 49% un comité de direction (71% ont des membres de la famille y participant).

♦ Gouvernance familiale : 82% non formalisée, 16% avec un conseil de famille, 2% avec une charte ou un pacte familial.

⇒ La culture familiale et d’entreprise

♦ La culture familiale (64%), la culture de la communication (36%) puis la culture de la confidentialité et de la protection des informations stratégiques (30%) sont les plus citées par les entreprises familiales interrogées pour caractériser leur culture d’entreprise. 

 

♦ La culture familiale est présente dès la première génération dans 51% des entreprises familiales de première génération ; l’entrepreneur fondateur imprime cette culture. Celle-ci est encore plus présente lorsque plusieurs membres familiaux sont impliqués, qui plus est dans la gouvernance.

L’identité familiale se renforce à partir de la deuxième génération (56% pour la première génération contre 73% pour la deuxième génération et 65% pour les entreprises de trois générations et plus).

 

♦ Les valeurs dominantes citées par les dirigeants comme constitutives de l’identité de leurs entreprises familiales sont la bienveillance (« proximité », « relation », « amour »), la tradition (« famille », « respect des valeurs familiales », « transmission », « patriarche», « patrimoine ») et la sécurité (« sécurité », « stabilité », « confiance », « fiabilité », « honnêteté »).

Ces valeurs guident le comportement de l’entreprise familiale dans le temps au niveau des décisions stratégiques, des priorités, et des comportements des dirigeants.

 

♦ La familiarité représente un avantage concurrentiel certain pour les entreprises familiales, aussi bien en interne (motivation, loyauté et fidélité des collaborateurs, alignement stratégique…) et à l’externe (image de l’entreprise, notoriété de marque, confiance des consommateurs et des partenaires). Pourtant, si cette ressource particulière n’est pas gérée correctement, l’entreprise risque de prendre des décisions de nature conservatrice qui peuvent la désavantager sur son marché.

 

Dans les entreprises non-familiales, la culture de la communication s’avère plus prégnante (48% dans les entreprises non-familiales contre 36% dans les entreprises familiales) ; de même, la culture de la confidentialité et de la protection des informations stratégiques (41% contre 30%).

 

♦ 25% des dirigeants d’entreprises familiales interrogées identifient la culture entrepreneuriale comme une culture prégnante au sein de leur entreprise. Cette culture entrepreneuriale tend à s’affaiblir lorsque plusieurs membres familiaux occupent un poste de direction.

 

Pour nourrir la culture entrepreneuriale dans l’entreprise, les dirigeants ont tendance à favoriser l’entraide entre les salariés, légèrement plus présente au sein des entreprises familiales (89%) qu’au sein des entreprises non-familiales (82%) ; même proximité en ce qui concerne la valorisation des salariés qui prennent des initiatives sans craindre les échecs (76% pour les entreprises familiales et non-familiales), moyen privilégié avec la R&D pour encourager l’innovation, l’autonomie et les comportements proactifs.
La culture entrepreneuriale se concrétise aussi par le développement de nouveaux marchés (75% des entreprises familiales contre 79% des entreprises non-familiales).

⇒ Les objectifs de développement des dirigeants à 5 ans, notamment chez les ETI

Les ETI familiales priorisent le développement (30% contre 18% pour les ETI non-familiales) et la croissance (26% contre 23% pour les ETI non-familiales). La pérennisation de l’activité de l’entreprise faisant partie intégrante de l’ADN des entreprises familiales, sa poursuite est perçue comme naturelle, les ETI familiales n’estiment donc pas nécessaire de la mettre en avant au niveau stratégique : 11% des ETI familiales l’évoquent comme objectif prioritaire (contre 16% pour les ETI non-familiales).

 

♦ Lorsque l’on compare la perception de la performance, les entreprises familiales se perçoivent comme moins performantes que les entreprises non-familiales sur des dimensions RH, Business, RSE et développement international (16% se considèrent performantes contre 29% des entreprises non-familiales).

Les ETI se perçoivent comme nettement plus performantes en la matière, même si l’écart entre les ETI familiales et les ETI non-familiales reste net (41% contre 51%).

 

Les entreprises familiales se considèrent nettement moins performantes que les entreprises non-familiales (53% contre 71%) dans le champ de l’innovation; idem pour les ETI (76% vs 84 pour les non familiales).

 

Pourquoi les entreprises familiales se considèrent-elles comme moins performantes ? 3 raisons sont évoquées : l’ancrage solide sur leur marché local et le fait de travailler en bonne intelligence avec les parties prenantes locales, la prudence en termes de stratégies d’investissements, et la sécurité financiére (l’échec porterait atteinte à toute la famille).

⇒ Le défi de l’attractivité dans la recherche de collaborateurs

L’attractivité est une problématique récurrente au sein des entreprises familiales. Les entreprises familiales, ancrées sur leur territoire d’origine, parfois sur des bassins d’emploi tendus attirent moins les jeunes diplômés pour leur premier emploi.

 

En effet, le livre blanc sur les jeunes et l’entrepreneuriat familial réalisé par Audencia en 2016 indique que les jeunes étudiants en école de commerce peuvent avoir une vision parfois faussée de l’entreprise familiale, associée dans leur imaginaire à une entreprise de petite taille, conviviale mais bien éloignée des notions de développement à l’international ou des opportunités d’innovation. D’autres idées préconçues expliquent ce déficit d’attractivité : peur du népotisme, entreprises perçues comme ne donnant pas assez accès à des postes à responsabilité ou pratiquant une rémunération moins élevée que les entreprises non-familiales.

 

En revanche, quelle que soit la taille de l’entreprise, les entreprises familiales ont plus de facilité à fidéliser les talents au sein de leur entreprise. 

⇒ La transmission, quelle priorité ?

♦ Seuls 2% des dirigeants interrogés, entreprises familiales et non-familiales confondues, considèrent la thématique de la transmission et de la succession comme un objectif prioritaire pour les 5 ans à venir ; davantage les 50 ans et plus (5%), et lorsque plusieurs membres de la famille occupent un poste de direction opérationnelle (4%) ; c’est que 8 dirigeants sur 10 sont confiants quant à l’avenir de leur famille dans l’entreprise familiale.

Les 50-65 ans sont légèrement moins confiants (81% contre 90% des 30-49 ans), notamment lorsqu’ils dirigent des entreprises dont l’âge varie entre 21 et 40 ans. Les moins confiants sont plutôt les dirigeants ayant créé leur entreprise et étant en âge de préparer la transmission.

⇒ A qui transmettre ?

Parmi ceux qui ont un projet de transmission, 8 dirigeants d’entreprises familiales sur 10 souhaitent transmettre la propriété et la direction opérationnelle de l’entreprise à un ou plusieurs membres du cercle familial. Comment expliquer alors que 89% des entreprises familiales n’aient pas de plan de transmission formalisé ? Uniquement 20% de ceux qui souhaitent transmettre la propriété et la direction opérationnelle de l’entreprise sont passés à la mise en œuvre d’un plan de transfert de la direction et/ou de la propriété.

 

♦ Mais pour 7 dirigeants d’entreprises familiales sur 10, le principal obstacle à la succession est lié à l’absence d’un successeur motivé, capable ou en âge de reprendre.

 

♦ Malgré tout, 2/3 des entreprises familiales ont déjà désigné une personne ou une instance en charge de la transmission (56% le dirigeant en place). Plus l’entreprise compte de salariés, moins il y a de responsable désigné de la transmission. Alors qu’elles sont les plus concernées par l’enjeu de la transmission à moyen terme, les entreprises dirigées par des dirigeants de 50 ans et plus sont les plus nombreuses à ne pas avoir désigné de personne responsable de la transmission (39%), tout comme les entreprises dotées d’un conseil de famille (86%) ou d’un conseil de surveillance (64%).

 

Celles qui ont le plus souvent formalisé un plan de succession et/ou de transmission sont :
• Une entreprise ayant un successeur exerçant des fonctions salariées dans une entreprise sur 4.
• 14% des entreprises familiales ayant plusieurs membres familiaux impliqués dans la direction opérationnelle (contre 6% des entreprises ayant un seul membre de la famille impliqué.

⇒ La transmission pour celles qui ont un projet

♦ Parmi ceux qui ont un projet de transmission, 8 dirigeants d’entreprises familiales sur 10 souhaitent transmettre la propriété et la direction opérationnelle de l’entreprise à un ou plusieurs membres du cercle familial : les enfants identifiés comme le(s) repreneur(s) idéal(aux) (88%), suivi des neveux/nièces et des petits enfants et seulement 13% à une personne extérieure.

 

♦ 29% des successeurs familiaux sont en activité professionnelle salariée dans l’entreprise (hors fonctions managériales), 25% exercent des fonctions salariées au sein des instances de gouvernance et 14% exercent des fonctions managériales salariées dans l’entreprise. Par ailleurs, 15% des successeurs identifiés sont actuellement en études. Cette situation concerne notamment les entreprises familiales dirigées par des dirigeants ayant entre 30 et 49 ans.

 

♦ Par contre, seules 11% investissent dans des projets entrepreneuriaux de membres familiaux. .

7% des dirigeants interrogés investissent dans des projets entrepreneuriaux en dehors des activités de l’entreprise et portés par des membres de la famille, dont 13% d’ETI familiales (contre 7% des TPE). Au fil des générations, les investissements en dehors des activités de l’entreprise augmentent (5% des entreprises familiales de première génération, 8% des entreprises familiales de deuxième génération et 12% à partir de la troisième génération).

⇒ les conditions de réussite d’une transmission

♦ La bonne santé économique de l’entreprise est considérée comme un levier important pour une transmission réussie par 96% des dirigeants.

 

♦ La bonne entente entre les actionnaires familiaux et le successeur est déterminante pour 9 dirigeants sur 10. Elle est renforcée lorsqu’un conseil de famille existe (95% des entreprises ayant un conseil de famille contre 86% pour l’ensemble des entreprises familiales). 

 

♦Les qualités personnelles du successeur comme leviers d’une succession opérationnelle réussie : confiance du cédant dans le successeur, capacité du successeur à voler de ses propres ailes, qualités managériales et de leadership du successeur, manifestant des qualités comme l’autonomie, la proactivité, la détermination, la capacité à mobiliser les autres autour d’un projet, la créativité et l’engagement.

 

♦ L’acceptabilité d’un successeur issu de la famille ; il faut compter entre deux et cinq ans au sein de l’entreprise familiale avant que les successeurs puissent être considérés comme légitimes par les parties prenantes internes et externes de l’entreprise.

 

Pour en savoir davantage : Observatoire_Entrepreunariat_Audencia_BFN (1).pdf