La lutte contre la fraude fiscale.


"LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE", Assemblée Nationale annexe N°26, rapport N° 292, octobre 2022

Une approche de notre systéme de contrôle fiscal et de son efficacité.

⇒ Un chiffrement difficile à opérer

La fraude à la TVA fait l’objet d’un chiffrage par la Commission européenne depuis plus d’une quinzaine d’années. Par ailleurs, dans son rapport de 2019, la Cour des comptes évaluait le manque à gagner en matière de TVA à près de 15Md€ par an (pour un rendement total d’environ 150Md€ nets). Plus récemment, l’Insee a publié une estimation de l’ordre de 20 à 25Md€.

 

Plus globalement les estimations du manque à gagner pour les finances publiques liées à la fraude fiscale sont insuffisamment précises, allant de 50 à 120Md€ par an. La France est un des rares pays de l’OCDE à ne pas publier régulièrement une estimation globale et impôt par impôt du montant de la fraude.

⇒ Les moyens actuels globaux de lutte

Aucun document budgétaire ne permet aujourd’hui aux parlementaires de disposer d’une vision claire et consolidée de l’ensemble des crédits alloués à la lutte contre l’évasion fiscale.

 

Depuis 20 ans, la DGFiP est l’administration qui connaît les plus importantes baisses d’effectifs. Selon les chiffres communiqués par la DGFiP, ses effectifs s’élèveraient à près de 97 000 (dont un peu plus de 91 000 effectifs réels payés) contre plus de 140 000 en 1999. Mais les effectifs du contrôle fiscal (10 373 en 2021) ont diminué de plus de 4 000 personnes depuis 2010, dont 1 600 depuis 2017, mais sont relativement stables depuis 2017.

 

Ces baisses ont un réel effet sur l’efficacité du contrôle fiscal dont le rendement chute sur longue période avec moins de 16Md€ récupérés chaque année depuis 2019. Tous les services d’enquêtes et de contrôle auditionnés (le SEJF, la BNRDF, TRACFIN, les syndicats représentatifs de la DGFiP, le PNF…) ont fait part d’un manque de moyens matériels et
humains.

 

La Cour des comptes dans son rapport de 2019 confirme la très forte baisse des contrôles sur place ; les vérifications de comptabilité (c’est-à-dire le contrôle sur place des professionnels) ont baissé de 20% entre 2013 et 2018  (passant de 52 378 en 2013 à 42 134 en 2018); et le nombre de contrôle sur place des particuliers a baissé de 25% sur la même période.

 

Les résultats du contrôle fiscal accusent une nette baisse depuis 10 ans, en dépit du rebond observé en 2021. Si les faibles chiffres de l’année 2020 peuvent s’expliquer par la crise sanitaire que traversait alors le pays, les droits notifiés ont connu une baisse continue entre 2015 et 2019, passant de 21,2Md€ à 13,9Md€. En 2021 les sommes mises en recouvrement chiffrent 15,6Md€.

 

Les résultats sont également très mitigés s’agissant des sommes effectivement recouvrées : 10,7Md€ ont ainsi été encaissés en 2021 (vs contre 15,6Md€ mises en recouvrement) contre 12,2Md€ en 2013.

⇒ Des moyens plus spécifiques

♦ Dans le domaine judiciaire, des juridictions et des services d’enquêtes spécialisés sur les questions de fraude fiscale plus complexe :

 

 -Le parquet national financier, un parquet spécialisé notamment sur les questions fiscales complexes, relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance financière.

 

Au 31 décembre 2021, le PNF était doté d’une quarantaine de personnes, dont 18 magistrats, six assistants spécialisés et 10 fonctionnaires de greffe.

Le PNF travaille sur quatre domaines de compétence : l’atteinte à la probité (par exemple la corruption, les détournements de fonds publics…), qui représente plus de 50% des dossiers, les questions fiscales (environ 43% des dossiers), les infractions boursières (6% des dossiers) et les infractions anticoncurrentielles (une compétence aujourd’hui résiduelle mais avec un nombre croissant de dossiers).

 

Au 31 décembre 2021, le PNF suivait 650 dossiers, dont 270 relevaient de la matière fiscale. Les dossiers liés aux atteintes aux finances publiques représentent près de la moitié des dossiers en cours en septembre 2022 ; parmi eux, la dissimulation d’avoirs à l’étranger (comptes bancaires, sociétés, patrimoine immobilier) représente la principale problématique.

 

-TRACFIN, un service de renseignement chargé notamment de lutter contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment à l’échelle internationale.

 

Les renseignements utilisés par Tracfin proviennent des déclarations qu’environ 200 000 professionnels assujettis tenus, par la loi, de lui fournir ces informations, mais aussi les administrations partenaires et les cellules de renseignements financiers étrangères.

Au 31 décembre 2021, TRACFIN disposait de 196 agents, un chiffre en constante augmentation depuis 2010, en provenance majoritairement de la DGFiP ou de la DGDDI.

 

En 2021, TRACFIN a effectué 72 transmissions à la DGFiP portant sur de potentiels cas de fraude fiscale internationale. L’enjeu financier total de ces dossiers s’élève à 205M€, soit une moyenne de 2,8M€ par dossier. Le montant total des enjeux financiers a été multiplié par plus de 2 en 2021 par rapport à 2020 (205M€ contre 100,6M€ d’euros pour 109 transmissions).

 

⇒ De nouvelles modalités

 

♦ L’importance prise par la logique partenariale entre l’administration et les contribuables se voit notamment au travers de l’explosion du nombre de transactions fiscales, qui conduisent l’administration à appliquer au redevable une atténuation des pénalités encourues.

En 2021, le nombre de transactions a augmenté de 79% (passant de 3 841 en 2019 à 5 470 en 2021). Dans plus de 77% des cas, elles ont été conclues avant mise en recouvrement.

 

♦ Proposer un véritable statut des lanceurs d’alerte et des aviseurs : cette notion désigne une personne physique qui signale ou divulgue sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation, d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale.

 

Le rapport vise avant tout à mettre à plat ce qu’il en est de notre systéme de contrôle fiscal et débouche sur recommandations.

 

 Pour en savoir davantage : Microsoft Word – r292-a35_bis (assemblee-nationale.fr)