En 40 ans, l’État s’est appauvri tandis que les ménages, et les entreprises sont parvenus à renforcer leur propre patrimoine.


"Quatre décennies de patrimoine et d’endettement en France", Banque de France, Bulletin N°248/8, septembre-octobre 2023

Définition : les comptes de patrimoine recensent les actifs et passifs économiques, c’est-à-dire ceux sur lesquels des droits de propriété peuvent être exercés et qui peuvent procurer des avantages économiques à leurs propriétaires. Ils peuvent être financiers ou non financiers.

Les actifs et passifs sont comptabilisés à leur valeur de marché en fin d’année, sans consolidation intra ni intersectorielle. Cette valeur inclut donc les plus ou moins-values latentes relatives à chaque catégorie d’actifs. 

 

Si le patrimoine national a fortement cru entre 1990 et 2022 (de 10 313Md€ à 59 641Md€), le passif a lui aussi beaucoup augmenté (de 6 120Md€ à 39 589Md€ pendant la même période).

 

Depuis près de 40 ans, et à l’exception de 2 replis en 2008 et 2014, le patrimoine économique national, calculé comme la différence entre les avoirs (réels et financiers) et les dettes, a augmenté chaque année pour atteindre près de 20 000Md€ en 2022. Ce montant, qui prend en compte le patrimoine des ménages, des entreprises et des administrations publiques, a été multiplié par 13 en valeur nominale depuis 1978. 2/3 de la hausse proviennent des gains de valorisation, essentiellement à partir de 2000, tandis que les flux (épargne nette et solde des transactions courantes avec le reste du monde) représentent 21%.  

⇒ Le patrimoine des ménages

La catégorie des ménages inclut les particuliers, les entrepreneurs individuels et les institutions sans but lucratif au service des ménages.

 

Fin 2022, les ménages détenaient un patrimoine brut estimé à 16 800Md€ et en patrimoine net à 14 800Md€. En 45 ans, sa valeur relative a presque doublé jusqu’à représenter 10 années de leur revenu net disponible contre 5 années en moyenne sur la période 1978‑1997, du fait qu’ils sont les principaux détenteurs de la propriété immobilière (56% de leurs actifs contre 38% pour les actifs financiers).

 

♦ La forte progression de leur patrimoine résulte principalement de l’évolution des prix de l’immobilier, essentiellement sur la décennie 1998‑2007, alors que les actifs financiers ont moins progressé, même si leur poids s’est beaucoup accru (6 400Md€ fin 2022, contre 371Md€ 1978 et 1 429 en 1990).

 

♦ L’augmentation du patrimoine financier a résulté aussi bien d’un phénomène de valorisation (pour 20%), que d’un effort d’épargne important des ménages (pour 69%). Alors que le numéraire, les dépôts à vue et autres dépôts bancaires comptaient pour 56% en 1978, leur poids n’est plus que 32% en 2022. Les supports d’épargne tels que l’assurance‑vie et les organismes de placement collectif (OPC) se sont considérablement développés : l’assurance‑vie pèse 34% de l’encours des placements financiers des ménages, contre 7% en 1978, alors que les détentions directes en actions (le fait des ménages les plus aisés) ont presque doublé sur la période (de 3% en 1978 à 6% en 2022 pour les actions cotées et de 11% en 1978 à 20% en 2022 pour les actions non cotées et autres participations), avant tout sous l’effet de phénomènes de valorisation.

 

♦ La hausse observée du patrimoine des ménages s’est accompagnée parallèlement d’un accroissement quasi continu, mais proportionnellement moindre, du niveau d’endettement composé à 87% de prêts, notamment immobiliers. Sur la seule période 2000‑2022, l’encours de dette des ménages a crû de 199% tandis que les revenus ont augmenté de 82%.

⇒ Les actifs et passifs financiers des sociétés non financières. 

Noter que les entreprises individuelles sont intégrées dans le patrimoine des ménages.

 

Leur patrimoine atteint 4 000Md€ fin 2022. Leurs actifs non financiers (bâtiments, moyens de production, terrains, etc.) sont évalués à 6 500Md€ (34% de leurs actifs totaux vs 60% en 1978) et les actifs financiers bruts 66% vs 40% en 1978.

Depuis 1995, 1/4 de la croissance s’explique par l’augmentation des positions vis‑à‑vis de l’étranger et les 2/3 par la forte augmentation de la détention d’actions et du crédit interentreprises.

L’encours des actions émises constitue la principale composante du passif des SNF (9 900Md€ ou 65% du passif vs 153Md€ en 1978). Fin 2022, la dette brute consolidée (crédits bancaires et titres de créance au passif) s’est établie à 2 100Md€, avec un ratio d’endettement de 81% (vs 53 en 1978). 

⇒ Le secteur financier s’est fortement développé. 

Les sociétés financières incluent la banque centrale, les établissements de crédit et assimilés, les institutions financières diverses (entreprises d’investissement, organismes de titrisation notamment), les sociétés d’assurance, les fonds d’investissement monétaires et non monétaires, les auxiliaires financiers et les institutions financières captives.

 

Leur patrimoine net s’élevait qu’à 395Md€ fin 2022 ; il est principalement composé d’actifs et de passifs financiers qui s’équilibrent en grande partie (19 188Md€ d’actifs et 18 793Md€ de passifs).

 

La structure du secteur financier a évolué en raison de l’importance croissante des acteurs non bancaires (de 12% en 1978 à 31% en 2022). Ce mouvement s’est surtout produit au cours des décennies 1980 et 1990 et s’explique en grande partie par le développement des sociétés d’assurance et des OPC. En conséquence, le poids relatif du secteur bancaire a diminué de 83% en 1978 à 59% en 2022. 

À la fin de l’année 2022, les avoirs détenus par le secteur financier s’élevaient à 18 764Md€, dont 2 800Md€ pour les sociétés d’assurance (avec notamment l’assurance vie).

⇒ Le patrimoine net des administrations publiques s’élevait fin 2022 à 864Md€

Il est constitué pour moitié par des terrains, généralement bâtis ; les ouvrages de génie civil (routes, ponts, etc.) en représentent 28% et les bâtiments non résidentiels (bureaux, hôpitaux, etc.) 13%.

Les actifs financiers bruts sont estimés à 1 700Md€, dont un portefeuille d’actions, de participations et de parts d’OPC (661Md€) en forte croissance. 

 

Le total des passifs en valeur de marché s’élevait à plus de 3500Md€ ; ils sont constitués principalement de titres de créance pour 69% (obligations du Trésor notamment), dont 50% placés auprès de non‑résidents, contre 27% en 1995.

Noter que la dette publique s’élevait en 2022 à 3 000Md€, contre 74Md€ en 1978.

Pour en savoir davantage : https://www.banque-france.fr/system/files/2023-10/BDF248-8_Patrimoine_0.pdf