L’artisanat attire-t-il des salariés, voire des créateurs d’entreprise ?


"Les métiers de l’artisanat : un vivier pour redonner du sens au travail", Astéres, septembre 2023

Méthodologie : étude basée sur une enquête réalisée par l’IFOP du 4 au 5 juillet 2023 auprès de 1008 Français, représentatifs de la population de 18 ans et plus, avec 5 tranches d’âge (18-24 ans, 25-34 ans, 35-49 ans, 50-64 ans et 65 ans et plus). Les jeunes sont régulièrement regroupés au sein d’une même catégorie. Cette étude est menée à la demande de la CNAMS.
Un artisan est défini comme une « personne qui fait un travail manuel, qui exerce une technique traditionnelle à son propre compte, aidée souvent de sa famille et d’apprentis ». 

En complément de cette enquête, l’étude capitalise aussi sur les enquêtes « Génération » réalisées par le Céreq, qui interrogent 30 000 jeunes, 3 ans après leur sortie du système éducatif.

 

Au regard des critères déterminants pour choisir un emploi, l’artisanat a plutôt une bonne image ; l’étude propose une approche selon les tranches d’âge.

⇒ Les critères déterminants pour choisir un emploi

Les Français sont à la fois prêts à travailler le weekend, souhaitent un métier qui allie des dimensions manuelles et intellectuelles et sont attirés par les PME ou l’entrepreneuriat. De nombreuses facettes de l’artisanat pourraient répondre aux aspirations des actifs. Le rejet des métiers manuels, l’absence de motivation pour travailler le weekend, le réticence à se reconvertir ou encore l’attirance pour la fonction publique ou les grandes entreprises ne se retrouvent pas dans l’enquête.

 

Les critères les plus déterminants pour la sélection d’un emploi : respectivement 68%, 65% et 59% des Français interrogés qui considèrent le contenu du travail, l’équilibre avec la vie privée et la rémunération comme « déterminants ». Suivent la sécurité de l’emploi (55%) et le lien social (55%). Arrivent en dernière position la flexibilité (40%), l’utilité sociale (34%), les avantages et services (32%) et l’impact environnemental (28%).

 

Les PME ou l’entrepreneuriat attirent en priorité les Français (29% et 16%). Suivent les ETI (12%), les organisations publiques (11%), les microentreprises (11%), les grandes entreprises (10%), les ONG (5%) et les startups (3%).

 

-Les métiers qui associent à la fois un côté manuel et un côté intellectuel ont la préférence des Français (49% préfèrent associer les deux dimensions, 27% exercer un métier d’abord intellectuel et 24% un métier d’abord manuel. Plus l’âge avance, plus l’intérêt pour allier les deux facteurs augmente.

 

– Les Français sont majoritairement prêts à travailler le weekend en contrepartie d’avantages spécifiques : 58% contre par exemple plus d’autonomie ou une hausse de salaire, alors que 28% refusent catégoriquement de travailler et que 14% acceptent de travailler le weekend à n’importe quelle condition. Les chefs d’entreprises sont près de 80% à accepter de travailler le weekend, dont un tiers sans contrepartie particulière.

 

– L’appétence des Français pour les réorientations professionnelles est forte : 35% des Français ont déjà réalisé une réorientation professionnelle durant leur carrière, en particulier pour devenir chef d’entreprise (60% des chefs d’entreprise se sont réorientés par le passé) ou pour travailler dans une petite structure (plus de la moitié de ceux qui se sont réorientés sont actuellement dans une entreprise de moins de 20 salariés) ; en sus, 13% envisagent une réorientation professionnelle. Plus les générations avancent en âge moins l’envie de changer d’orientation professionnelle est présente. 

⇒ Image de l’artisanat.

– 88% estiment que les métiers de l’artisanat permettent de s’épanouir et se réaliser ; la vaste attirance pour ces métiers, qui associent des dimensions manuelles et intellectuelles, est probablement un facteur majeur de la popularité de l’artisanat.

– Les métiers de l’artisanat sont vus comme utiles socialement par 86%.  De plus, 82% affirment que ces métiers peuvent jouer un rôle dans la transition vers un mode de développement plus durable. Comme pour l’utilité sociale, ce critère est globalement secondaire dans le choix des employeurs et des emplois. Noter encore que les métiers de l’artisanat sont plutôt considérés comme des métiers d’avenir (74%). 

 

– Mais les métiers de l’artisanat sont considérés comme des métiers qui payent peu. Seuls 36% considèrent que ces métiers payent bien, alors que la rémunération constitue le 3éme facteur déterminant dans le choix d’un emploi.

⇒ Les plus jeunes et les plus âgés se préoccupent plus des dimensions sociétales.

♦ La jeune génération est divisée en deux sous-groupes avec des aspirations professionnelles bien différentes : les 18-24 ans, les « idéalistes » et les 25-34 ans, les « réalistes ».

-Les préoccupations des « idéalistes » reposent plus sur l’impact de leur travail au sein de la société ; ils sont pour cela plus disposés à sacrifier leur vie personnelle. Les préoccupations des « réalistes » sont plus en lien avec les dimensions utilitaires du travail. 

L’utilité sociale, la sécurité de l’emploi et l’impact environnemental sont des critères plus importants pour les « idéalistes » que pour les « réalistes » ; les premiers acceptent aussi plus souvent de travailler le weekend.

 

*Les 18-24 ans sont 53% à déclarer que la sécurité de l’emploi est déterminante dans leur choix professionnel, 38% pour l’utilité sociale, 36% pour l’impact environnemental ; 84% acceptent de travailler le weekend.

* Pour les 25- 34 ans l’ensemble de ces critères sont moins importants : 48% pour la sécurité de l’emploi, 28% pour l’utilité sociale, 28% pour l’impact environnemental ; 67% acceptent de travailler le weekend. Les plus jeunes accordent ainsi de l’importance à la sécurité de l’emploi et sont prêts à travailler à des horaires atypiques, à rebours de certaines idées reçues. Ils accordent aussi plus d’importance à l’impact de leur emploi sur la société. Enfin, ils sont plus nombreux à vouloir associer une dimension manuelle et intellectuelle (44% contre 36%), moins nombreux à rechercher un métier seulement intellectuel (27% contre 36%) ; ils sont plus attirés par les microentreprises (12% contre 8%).

 

– L’équilibre vie privée-vie professionnelle, la rémunération proposée, le lien social et la flexibilité sont des critères plus importants pour les « réalistes » que pour les « idéalistes». Les 25-34 ans accordent plus d’importance que les 18-24 ans à des dimensions plus matérielles ou utilitaires, avec 75% pour qui l’équilibre vie privée/vie professionnelle est déterminant, 65% concernant la rémunération, 54% le lien social dans l’entreprise et 43% la flexibilité.

Pour les 18-24 ans, ces critères sont déterminants respectivement à hauteur de 57%, 55%, 50% et 36%.

Les 25-34 ans affirment ainsi une différence assez marquée avec leurs cadets et se rapprochent, en termes de préférence, de la génération suivante, à savoir les 35 -49 ans.

 

♦ Les 35-49 ans et les 50-64 ans : 

-Plus l’âge avance, plus les exigences s’accumulent : alors que les 25-34 ans se concentrent sur des dimensions utilitaires, les 50-64 ans n’y renoncent pas, hormis pour le travail le weekend, mais y ajoutent des demandes d’ordre sociétal. Les actifs les plus âgés, les 50-64 ans, sont ainsi les plus exigeants car ils renouent avec l’approche idéaliste, s’intéressant à l’impact de leur métier, sans abandonner la plupart des autres critères. Pour leur part, les 35-49 ans ont globalement des attentes similaires au 25-34 ans, probablement en phase avec une période de la vie où ils doivent assumer différentes responsabilités personnelles.

 

– Le contenu du travail, la sécurité de l’emploi, le lien social, la flexibilité, l’utilité sociale et l’impact environnemental sont des critères plus importants pour les 50-64 ans que pour les 35-49 ans. Sur la quasi-totalité des indicateurs, les 50-64 ans se déclarent ainsi plus exigeants que les 35-49 ans, citant ces éléments comme déterminants. Sur le plan utilitaire, les écarts les plus marqués concernent le contenu du travail (77% contre 64%), la sécurité de
l’emploi (58% contre 51%), le lien social dans l’entreprise (59% contre 52%) ou encore la flexibilité (43% contre 39%). Sur le plan plus sociétal, la différence concerne à la fois l’utilité sociale (37% contre 28%) et l’impact environnemental (27% contre 17%).

 

Les actifs les plus âgés sont ainsi plus nombreux à s’intéresser à nouveau à l’impact de leur travail, comme les plus jeunes, renouant avec les enjeux collectifs. En outre, les 50 -64 ans sont plus nombreux à vouloir allier des dimensions intellectuelles et manuelles (50% contre 44%) ou à vouloir des métiers essentiellement manuels (30% contre 22%).

 

– La rémunération est également importante pour les deux générations et les 35-49 ans accordent plus de poids aux avantages en nature et sont moins nombreux à accepter de travailler le weekend. La rémunération constitue un critère clef pour les 2 générations (déterminant pour 63% des répondants). Le seul critère où les 35-49 ans sont plus exigeants que les 50-64 ans concerne les avantages et services, de type crèches, parking, CE (34% contre 24%).

 

Enfin, probablement en lien avec la vie familiale, les actifs les plus âgés sont à nouveau plus nombreux, comme les plus jeunes, à accepter de travailler le weekend (72% contre 63%). En outre, les 35-49 ans cherchent plus fréquemment à créer leur entreprise que les 50-64 ans (17% souhaitent être leur propre patron contre 13%), et sont en revanche moins attirés par les microentreprises (11% contre 16%).

⇒ Les métiers de l’artisanat, un vivier de réorientations.

D’après l’enquête, 4% des Français envisagent de se réorienter vers l’artisanat, et 3% le sont déjà. L’analyse des correspondances entre le rapport des Français au travail et leur perception de l’artisanat permet d’estimer qu’environ 18% des Français ont des attentes vis-à-vis du travail qui correspondent à leur vision des métiers de l’artisanat, soit 5,4 millions de personnes.

 

♦  Une image qui s’améliore au cours du temps :

-La génération de 25-34 ans a systématiquement une meilleure image de l’artisanat que la génération de 18-24 ans. Pour autant, l’image de l’artisanat reste bonne chez les plus jeunes. L’écart est le plus fort sur leur dimension d’avenir (69% contre 54%), sur leur aspect épanouissant (85% contre 78%) et utiles socialement (80% contre 73%), et enfin sur leur contribution à la transition environnementale (81% contre 77%) et leur niveau de rémunération (44% contre 40%).

 

Les 50-64 ans et un peu moins les 35-49 ans ont une vision positive de l’artisanat : l’écart est le plus fort pour la dimension d’avenir des métiers de l’artisanat (81% contre 68%), puis pour leur aspect épanouissant (89% contre 82%), leur rôle dans la transition environnementale (83% contre 76%) puis leur dimension sociale (87% contre 85%), et enfin la rémunération (37% contre 35%).

⇒ Mais être attiré ne signifie pas se réorienter vers l’artisanat.

-Les 25-34 ans fournissent le plus grand vivier de réorientations possibles vers les métiers de l’artisanat, suivi par les 18-24 ans. 500 000 personnes de 25 à 34 ans envisagent de se réorienter vs 300 000 parmi les 18-24 ans. En part de population, ce sont pour les 2 catégories (8% des répondants qui envisagent de se réorienter, de loin le pourcentage le plus élevé des différentes générations).

 

*L’artisanat correspond bien aux exigences des 18-24 ans concernant l’impact social et environnemental, devant l’importance plutôt moindre de la rémunération, la volonté d’être son propre patron ou encore l’acceptation du travail le weekend ; ils sont toutefois moins attirés par les métiers manuels et les microentreprises que les autres générations, ce qui, est pourtant le propre de l’artisanat.

 

*Pour les 25-34 ans, l’artisanat répond notamment à leur intérêt pour le contenu du travail, à l’alliance de manuel et d’intellectuel et à l’attirance pour l’entrepreneuriat ou les microentreprises.

 

*Les 35-49 ans sont nombreux à s’être déjà réorientés vers l’artisanat ou à y songer, quand les 50-64 ans sont peu attirés par ces réorientations malgré une excellente image du secteur (la principale pierre d’achoppement est probablement le revenu puisqu’ils sont à la fois ceux qui y accordent le plus d’importance et ceux qui pensent le plus que l’artisanat paye peu) ; ils ne sont que 2% des 50-64 ans à envisager de se réorienter vers ces métiers (78 000 personnes).

 

*L’impact environnemental et social de l’artisanat, ainsi que la dimension manuelle ou l’association de manuel et d’intellectuel, en phase avec la volonté des actifs les plus âgés, ne suffisent donc pas à les faire envisager une réorientation, alors que les 25-34 ans et les 35-49 ans sont plus nombreux à s’y projeter ou à avoir franchi le pas : 4% l’envisagent et 6% se sont déjà réorientés vers ces métiers (300 000 actifs) ; pour les 35-49 ans, la rémunération semble le principal obstacle (notamment pour créer son entreprise), alors que le contenu intéressant, le gain en flexibilité les attirent.

 

Pour en savoir davantage : https://www.cnams.fr/UserFiles/File/etude-asteres.pdf