Un bilan,10 ans après le lancement de la French Tech.


"10 ans après son lancement, pourquoi la French Tech n'a pas encore de géant ?", Usine Digitale, 27/11/2023

Si des progrès importants ont été faits, il faut constater que nos start-up n’ont pas réussi à s’imposer aux plan mondial.

 

En 2013, Fleur Pellerin et Louis Gallois officialisaient le grand projet numérique du gouvernement avec pour objectif “”construire un grand mouvement de mobilisation pour la croissance et le rayonnement international des startups numériques françaises” 

“Aujourd’hui s’Il y a de plus en plus d’investisseurs, un soutien gouvernemental indéniable et des premiers succès inspirants, les entrées en bourse restent rares et les financements ne suivent pas toujours. La France n’a pas encore sorti de géant mondial de la tech, ou alors ils ont dû passer sous pavillon étranger pour le devenir…la réponse aux lacunes françaises est forcément européenne.”

 

“Aujourd’hui, tout le monde connaît la French Tech et depuis 2019, la France est la première destination européenne pour les investissements étrangers. Elle dépasse ainsi ses rivaux historiques en la matière à savoir le Royaume-Uni et l’Allemagne, et ce depuis quatre années consécutives. La politique gouvernementale pro-business appliquée par le président de la République y a beaucoup contribué…Ces 10 premières années ont par ailleurs permis de poser les bases et en premier lieu de constituer une “culture start-up” en France.” 

 

Les start-up françaises sont actuellement au nombre de 25 000 (de toutes tailles des plus petites aux plus grandes) et créent 1,1 million d’emplois, directs ou indirects. Parmi elles, de vrais succès européens que tous les Français connaissent et utilisent massivement comme Blablacar ou Doctolib. Mais il y a eu de nombreuse liquidations, de redressements judiciaires et des rachats à la fois par des concurrents étrangers ou par d’autres sociétés françaises dans une stratégie de consolidation, l’idée étant d’essayer de s’allier pour peser face à la concurrence internationale.

 

La France a tout de même réussi à faire naître 30 licornes, alors qu’elles sont 712 aux Etats-Unis en 2023. La moitié des plus grands sociétés au monde sont des entreprises de la tech, mais aucune n’est française et aucune n’est européenne.

 

Et puis très peu de start-up françaises sont rentables, même après 10 ans d’existence. Certes les levées de fonds de plusieurs millions d’euros ne sont pas rares, le nombre de clients ou d’utilisateurs important mais le chiffre d’affaires et la rentabilité sont fort insuffisants. Mais Les entrées en bourse, objectif ultime de toute start-up, restent extrêmement rares.

 

Il faut rappeler que le statut de start-up doit rester temporaire. Il permet d’être financé le temps de trouver un business model industrialisable et doit laisser place après quelques années à une entreprise rentable et autonome, un cap que les pépites tricolores ont du mal à franchir.

“Prioriser la croissance au détriment de la rentabilité a été une erreur. Si cette stratégie peut fonctionner dans la Silicon Valley grâce à un puissant réseau d’investisseurs privés, elle n’a pas été payante en France malgré des fonds publics importants dans le financement des start-ups.”

⇒ Comment réussir à ce que ces entreprises Françaises se positionnent à un niveau mondial ?

La priorité est maintenant à la rentabilité, ce qui conduit  les start-up tricolores à tailler dans leurs effectifs, ou à changer de modèle, voire d’activité pour augmenter leurs marges.

 

-Autre solution, pour booster les commandes, “Je choisis ma French Tech”, encouragée par le gouvernement notamment via des commandes publiques.

 

-Autre suggestion, jouer le marché européen qui regroupe 450 millions de personnes vs 360 aux USA, poussant à acheter européen. Mais ce marché est largement ouvert à la concurrence ; beaucoup de start-up sont devancées sur les appels d’offre par des entreprises américaines plus développées ayant une marque plus connue. Il faut développer un équivalent du “Small Business Act” américain (qui demande aux entreprises et organisations américaines de commander auprès de PME américaines) pour un “Buy European Tech Act”, qui pousserait la préférence européenne à l’achat de technologies et par ailleurs harmoniser le marché européen via un “Code des affaires européennes” pour que les 28 états membres de l’UE partagent les mêmes règles fiscales et proposent les mêmes systèmes de stock option. 

⇒ 2 problèmes d’importance à surmonter.

-Un marché trop étroit conduisant à se délocaliser, voire à jouer un rachat qui fondé sur le succès de nos ingénieurs peut apporter des capitaux pour le développement de nouvelles start-up ?

-Un financement durable insuffisant : si les apports financiers progressent fortement, le nombre de fonds d’investissements français progresse, l’Etat injecte régulièrement via Bpifrance, et si lever 500 000 euros n’est plus un exploit, peu de fonds en France sont capables d’investir tôt et de suivre sur plusieurs tours de table, ou sur des tours à plusieurs dizaines de millions d’euros. En conséquence, les entreprises européennes peuvent difficilement faire le poids face à des concurrents américains ou asiatiques ultra financés ; elles sont alors souvent forcés de se tourner vers des fonds étrangers ou de vendre.

 

Selon les Echos du 28 novembre “les levées de fonds des jeunes pousses européennes vont atteindre 45Md€ cette année, contre 82 en 2022, une chute attendue après deux années d’euphorie. alimentées par le déferlement d’argent gratuit des banques centrales sur les marchés financiers. Seulement sept licornes européennes (principalement dans l’intelligence artificielle) ont vu le jour depuis le début de l’année, contre 31 en 2022….La France arriverait en 2éme position en termes de capitaux levés avec un montant estimé à 8Md$, suivie de près par l’Allemagne avec 7,8Md$, le Royaume-Uni conservant sa 1ére place avec 12,7Md$.

 

“Pour conclure, en France, les fondations d’un écosystème entrepreneurial dynamique sont posées mais il n’est pas encore assez mature pour que de vrais géants technologiques mondiaux se révèlent. La réalité, c’est que les start-up françaises, même les plus anciennes (qui ont une dizaine d’année d’existence), ont du mal à atteindre la taille critique et à se faire un nom sur la scène mondiale, encore moins à devenir des mastodontes à l’instar des GAFA, ou même des TUNA… le boom des start-up aux Etats-Unis c’était dans les années 70, en France c’était dans les années 2000. On a un retard de 30 ans que l’on va rattraper naturellement”, 

 

Interviewe de Maya Noël, directrice de France Digitale par Mélicia Poitiers, dans Usine Digitale du 27 11 2023.