Les jeunes ne témoignent pas d’une distanciation plus marquée que leurs aînés à l’égard de leur travail.


"Rapport au travail, loin des stéréotypes, les actifs de moins de 30 ans sont engagés et motivés par leur évolution professionnelle" Apec, Terra Nova, février 2024

Méthodologie : échantillon de 3 073 jeunes actifs de moins de 30 ans (en emploi ou à la recherche d’un emploi mais ayant déjà travaillé), représentatifs par la méthode des quotas en matière de sexe, d’âge, de niveau de diplôme, de situation d’emploi, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région. Au sein de cet échantillon, 458 cadres salariés du secteur privé ont été interrogés.
Échantillon miroir : 2 045 actifs de 30 à 65 ans (en emploi ou à la recherche d’un emploi mais ayant déjà travaillé), représentatifs par la méthode des quotas en matière de sexe, d’âge, de niveau de diplôme, de situation d’emploi, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région. Au sein de cet échantillon, 464 cadres salariés du secteur privé ont été interrogés.

 

Une typologie en 6 groupes est proposée pour observer les jeunes face à l’emploi vécu.

⇒ L’importance du travail pour les jeunes actifs

♦ 47% des jeunes en emploi estiment que son travail est aussi important (36%), voire plus important (11%) que les autres sphères de son existence (familiale, sociale, etc.), une proportion identique à celle observée chez les 30-44 ans et même supérieure à celle relevée parmi les 45-65 ans. Toutefois, 46% estiment que leur travail est important mais moins que le reste. Seuls 7% relativisent fortement la place du travail dans leur existence.

 

♦ Si la place accordée au travail dépend peu de l’âge des actifs, elle dépend davantage de la CSP : les cadres du secteur privé sont plus nombreux que les autres actifs à considérer que leur travail occupe une place importante dans leur vie : 57% des cadres de moins de 30 ans considèrent que le travail est au moins aussi important que d’autres choses, contre 55% ceux de 30-44 ans et 52% ceux de 45-65 ans.

 

80% des jeunes actifs affirment qu’ils continueraient à travailler même s’ils n’en avaient pas besoin financièrement, alors que 17% s’arrêteraient de travailler contre 20% des 30-44 ans et 37% des 45-65 ans ; cette intention est encore plus forte chez les jeunes cadres du secteur privé (89%), à la fois par rapport aux jeunes actifs dans leur ensemble et par rapport aux cadres plus âgés (79% pour les cadres du secteur privé de 30-44 ans et 58% pour ceux de 45-65 ans).

78% se déclarent prêts à travailler plus en cas de pic d’activité s’ils sont rémunérés, et même 52% en l’absence de contrepartie, 70% à remplir des missions qui ne sont pas dans leur fiche de poste et 50% à relayer les offres d’emploi de leur entreprise et à la recommander en tant qu’employeur.

 

♦ En outre, 2/3 des jeunes actifs estiment avoir un rôle à jouer dans l’évolution de leur organisation, un niveau très proche de celui relevé parmi les actifs de plus de 30 ans.
Chez les jeunes cadres du secteur privé 75% le souhaitent (vs 70% des ouvriers, 67% des employés et 64% des professions intermédiaires). Ce sentiment est encore plus exacerbé chez les cadres du secteur privé plus âgés (80%), plus souvent managers ou à des postes de direction.

Une majorité d’entre eux affichent leur attachement à leur entreprise (69%), dont 37% très attachés (37%), des proportions très proches des plus âgés (67et 38% chez les 30 ans et plus).

⇒ Les jeunes actifs sont aussi confiants envers les différents acteurs de l’entreprise :

♦ 3 jeunes salariés et fonctionnaires sur 4 font confiance à leurs collègues, 7 sur 10 à leur manager et aux représentants du personnel, près de 2 sur 3 à la direction et aux ressources humaines de leur organisation et même près de 6 sur 10 à ses actionnaires et investisseurs quand il y en a. Toutefois, 36% ne font pas confiance à la direction de l’organisation dans laquelle ils travaillent. Leurs taux de confiance s’avèrent aussi élevés, voire plus élevés que ceux recueillis dans les autres tranches d’âge. Ils infirment ainsi l’hypothèse d’une crise de la confiance supposée spécifique aux nouvelles générations.

Au sein des structures de moins de 10 salariés, le taux de confiance dans la direction est le plus élevé (79%), alors qu’il n’est que de 56% chez les salariés des structures de plus de 250 salariés.

 

♦ 40% déclarent accepter par principe les décisions de leur hiérarchie et 43% les appliquer à partir du moment où ils les comprennent, sans nécessairement avoir besoin d’être d’accord. Les jeunes cadres du secteur privé sont particulièrement susceptibles d’afficher ce besoin de comprendre (57%), à l’instar des cadres plus âgés (53%), un besoin moins exprimé par les ouvriers, jeunes (37%) et moins jeunes (34), qui sont davantage disposés à accepter les décisions par principe (49% les jeunes et 44% les plus âgés).
Les jeunes expriment un peu plus que leurs aînés le souhait de voir leur manager soigner le dialogue et le partage d’informations (30% vs 27 les 30-44 ans et 26 les 45-65 ans).

 

⇒ Débutant dans leur vie professionnelle, les jeunes actifs expriment un fort désir de gagner en responsabilités, en autonomie et en rémunération.

 89% expriment le désir de gagner plus d’argent, 80% de devenir plus autonomes au travail, 69% d’exercer plus de responsabilités professionnelles et même 50% de devenir managers pour ceux qui ne le sont pas, des scores toujours au-dessus de ceux recueillis dans les tranches d’âge supérieures.

 

♦ Cette envie forte de jeunes de progresser : 22% placent le fait de progresser, de continuer à se former et d’avoir des perspectives d’évolution professionnelle  dans le top 3 des dimensions les plus importantes de leur vie professionnelle (contre 18 les 30-44 ans et 11 les 45-65 ans) :

– leurs critères de choix d’un employeur : 24% contre 20 les 30-44 ans et 12 les 45-65 ans,
– leurs attentes envers leur manager pour 25%.

28% des jeunes cadres du privé jugent particulièrement important de pouvoir continuer à se former (vs 22 l’ensemble des jeunes actifs et 18 les cadres du secteur privé de 30-44 ans,16 ceux de 45-65 ans).

 

♦ Comme les actifs plus âgés, les jeunes voient globalement le télétravail d’un bon œil : 72% de ceux qui peuvent télétravailler souhaitent le faire régulièrement vs 80% chez les 30-44 ans et 75 chez les 45-65 ans. En revanche, ils sont plus nombreux que leurs aînés à considérer que le télétravail peut leur être préjudiciable et ralentir leur évolution professionnelle : 56% craignent de rater des informations importantes de l’entreprise vs 45 les 30-44 ans et 34 les 45 ans et plus, ou même de rater des opportunités professionnelles (55% vs 44 les 30-44 ans et 34 les 45 ans et plus). 

⇒ 6 différents types de rapport au travail émergent parmi les jeunes actifs, au regard de leur vécu actuel du travail et de leur projection dans le futur :

♦ L’appartenance des jeunes actifs à l’un ou l’autre de ces groupes est liée pour partie à leur origine sociale et aux emplois qu’ils occupent autour de 2 axes majeurs : d’une part, la manière dont les jeunes vivent aujourd’hui intimement leur travail, et, d’autre part, la manière dont ils se projettent dans l’avenir. La typologie en 6 groupes est proposée par groupe proche de 2 groupes :  
-les ambitieux (39%) et les satisfaits (14%) entretiennent un rapport globalement positif au travail et le vivent comme une passion, un plaisir ou une manière de se réaliser,
-Les attentistes (11%) et les distanciés (6%) entretiennent un rapport plus distant à leur travail actuel et le voient davantage comme une routine,
-Enfin, les combatifs (20%) et les découragés (10%) entretiennent un rapport plus conflictuel avec leur travail et y voient surtout une nécessité, voire une contrainte. 

 

♦ Au regard de l’aisance de leur famille et de leur CSP :

Les jeunes actifs provenant de familles aisées sont plus présents en proportion dans le groupe des ambitieux (53%) et beaucoup moins dans le groupe des découragés (3%).

Ceux qui viennent des familles les moins aisées financièrement appartiennent davantage aux groupes qui affichent des appétits en matière d’évolution professionnelle, soit aux ambitieux (40%) pour celles et ceux qui ont déjà gravi l’échelle sociale, soit aux combatifs (32%) quand ce n’est pas encore le cas.

Les jeunes actifs issus de familles d’aisance moyenne sont plus fréquemment présents parmi les satisfaits et les attentistes.

 

En matière de CSP, les cadres et les indépendants sont une majorité (respectivement 48  et 63 %) à se retrouver dans le groupe des ambitieux, alors que les ouvriers comptent plus de combatifs que la moyenne (27%).

 

♦ En résumé :

 

2 groupes proches :

 

-Les Ambitieux (39%) : déjà bien lotis, ils affichent un fort appétit en matière d’évolution professionnelle.

Près de 7 sur 10 déclarent que leur famille était très (28%) ou plutôt (40%) à l’aise financièrement.

Le plus souvent diplômés du supérieur, ils estiment que leurs études les ont bien préparés au monde du travail (79%) et qu’ils s’y sont insérés facilement (86%). Ils sont surreprésentés parmi les managers et les CSP+, notamment parmi les cadres du secteur privé.

Ils  accordent une grande importance à leur travail (59% le jugent aussi important, voire plus que les autres pans de leur existence) et sont plus nombreux que la moyenne à placer l’épanouissement au travail parmi leurs principaux objectifs de vie. Ils sont plus attachés que la moyenne à leur entreprise et se déclarent très investis dans leur poste : 73% sont prêts à remplir des missions hors de leur fiche de poste et 62% à travailler davantage en cas de pic d’activité, même sans contrepartie.

Ils affichent leur volonté de travailler dans des entreprises prestigieuses et de gagner en responsabilités, en rémunération et en autonomie (au moins 85% sur ces trois dimensions). Ce sont en outre des profils très ouverts aux différentes évolutions du monde du travail (semaine de 4 jours, flex office).

 

-Les Satisfaits (14%) : estiment être à leur place, et expriment peu de désirs de changement professionnel

ils forment le groupe le plus diplômé (la moitié a au moins un bac +2). 81% se sont insérés facilement dans le monde du travail. 57% ont le sentiment d’avoir une situation professionnelle meilleure que celle de leurs parents.

89% disent que le métier exercé correspond à ce qu’ils avaient envie de faire. Ils sont surreprésentés parmi les fonctionnaires et les cadres, ainsi que parmi les actifs du secteur tertiaire non marchand (enseignement, santé, etc.).

Ils citent plus que les autres jeunes actifs l’épanouissement dans le travail, mais aussi l’importance d’avoir une vie sociale active et de défendre les causes auxquelles ils croient. Ils estiment plus que la moyenne des jeunes que leur travail est important, mais pas plus
que les autres sphères de leur existence (48%). Ils sont les plus satisfaits de leur situation professionnelle (88%), et notamment de l’intérêt de leur travail (84%).

Comme les Ambitieux, ils sont en phase avec leur organisation, mais leur investissement est un peu plus limité. Ils sont nettement plus nombreux que la moyenne à se voir rester au moins 5 ans dans leur métier (40%), leur poste (32%) et leur organisation (36%) actuels, et moins susceptibles de vouloir gagner en responsabilités, en rémunération ou en autonomie.

Ils sont moins ouverts que les ambitieux aux évolutions du monde du travail, notamment au cumul de plusieurs activités professionnelles, au statut d’autoentrepreneur ou de travailleur de plateformes.

 

2 autres groupes proches

 

-Les attentistes (11%) : installés dans une routine, ils aimeraient voir s’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles

Ils regroupent des jeunes issus de tous les milieux sociaux et aux niveaux d’études variés, plus souvent de sexe masculin (62%), ils se caractérisent par un sentiment un peu plus répandu que leur travail ne correspond pas à leur niveau d’études, à ce qu’ils avaient envie de faire et à leurs valeurs.

Ils évoluent souvent dans de grandes agglomérations hors région parisienne, et travaillent plus que la moyenne dans de grandes entreprises et dans le secteur tertiaire marchand. Ils ont moins fréquemment accédé à la fonction de manager (17%).

S’ils ne sont pas fondamentalement insatisfaits de leur travail, ils expriment certaines frustrations : le sentiment que les choses ne vont pas assez vite (66%), l’impression de ne pas disposer de suffisamment d’autonomie (56%), de s’ennuyer (54%), voire de ne pas trouver d’utilité ou de sens à leur travail (47%). Ils sont moins attachés à leur métier à leur poste et à leur entreprise, et expriment même une forme de défiance vis-à-vis des acteurs du monde du travail (46% ne font pas confiance à leur direction).

Ils aimeraient sortir de leur routine et gagner en responsabilités (100%), en rémunération (90%) et en autonomie (86%). Ils sont plus susceptibles de rêver à un changement d’employeur (59%), à une reconversion (59%) ou une expatriation (47%).

 

-Les distanciés (6%) : dans un train-train qu’ils jugent confortable, ils aspirent au statu quo.

Ils viennent fréquemment de familles disposant d’un capital économique modéré. Titulaires en majorité d’un diplôme de niveau bac ou bac +2, ils estiment souvent avoir une situation économique similaire à celle de leurs parents. Ils sont surreprésentés parmi les professions intermédiaires, disposent très majoritairement d’un contrat stable qui leur a permis parfois de déjà contracter un prêt immobilier, mais sont rarement managers ou responsables de projet.
2/3 jugent que leur travail est moins important que les autres aspects de leur vie.

Par ailleurs, 1/3 estiment ne pas exercer le métier qu’ils souhaitaient. Ils attendent surtout de leur travail qu’il soit proche de leur domicile, qu’il leur offre des revenus sûrs et leur permette de travailler dans une bonne ambiance. Leur attachement à leur employeur est limité, tout comme leur engagement.
Si on leur demande ce qu’ils préfèrent entre plus d’argent et plus de temps libre, 39% optent pour conserver l’équilibre actuel (12 points de plus que la moyenne).

Ils n’affichent ni esprit entrepreneurial ni volonté de monter en responsabilités. 47% estiment d’ailleurs qu’ils ont peu de perspectives d’évolution.

 

Les 2 derniers groupes

 

-Les combatifs (20%) : peu épanouis professionnellement pour le moment, ils aspirent à prendre une revanche sociale via le travail.

Ce groupe, le plus nombreux après les ambitieux, rassemble des jeunes qui ont parfois vu leurs parents travailler beaucoup sans accéder à l’aisance financière : 65% déclarent avoir vu au moins un de leurs parents travailler beaucoup plus que le temps légal et 52% estiment venir d’une famille qui n’était pas à l’aise financièrement.

Surreprésentés parmi les ouvriers, ils sont moins diplômés que les autres jeunes actifs (60% ont un diplôme inférieur ou équivalent au baccalauréat).
Ils estiment plus souvent que la moyenne avoir été mal préparés au monde du travail (39%) et sont plus nombreux à avoir connu le chômage (53%) et/ou la précarité (45%).
 Ils sont 42% à déclarer ne pas avoir choisi le métier qu’ils exercent actuellement et 53% à indiquer que cela ne correspond pas à ce qu’ils avaient envie de faire.

Ils sont plus exposés que les autres jeunes actifs à des risques physiques au travail. Ils aimeraient avoir un travail plus rémunérateur et sont particulièrement insatisfaits sur ce point (53%).

Ils expriment bien plus que la moyenne le sentiment de ne pas avoir de rôle à jouer dans leur organisation (47%), de ne pas pouvoir faire bouger les choses (64%), autrement dit d’être à l’écart.

Ils expriment un vif désir de gagner en responsabilités (100%), en autonomie (93%) et en rémunération (96%). Pour ce faire, ils sont prêts à changer d’entreprise (66%), voire de métier (60%) ou de statut en se mettant à leur compte (47%). Plus de la moitié d’entre eux se disent également prêts à travailler davantage pour gagner plus d’argent.

 

Les découragés (10%) : ne voyant dans le travail aucune voie d’épanouissement, ils affichent une certaine résignation.

Ils viennent le plus souvent d’un milieu populaire (près de 7 sur 10) et sont, davantage que la moyenne, habitants de zones rurales.

2 sur 3 ont un niveau bac ou moins. Ils estiment que leurs études les ont peu préparés à leur métier (51%) et près de 1 sur 4 se sent même en déclassement par rapport à leurs parents.
Évoluant plus souvent dans l’industrie, ils sont les plus exposés au stress (70%) et à l’épuisement professionnel (77%).

Insatisfaits de leur situation professionnelle, ils semblent résignés et atteints d’immobilisme : ils s’expriment moins en cas de conflit, acceptent par principe les décisions hiérarchiques sans chercher à les comprendre et investissent relativement peu leur vie professionnelle.

Ils sont moins ouverts aux changements et souhaitent moins souvent gagner en autonomie ou en responsabilités que les autres jeunes actifs. Déçus par la vie professionnelle, ils recherchent surtout un équilibre de vie raisonnable. S’ils n’avaient pas besoin de travailler pour vivre, ils seraient les plus nombreux à changer de métier (43%), voire à arrêter de travailler (29%).

 

Pour en savoir davantage : https://corporate.apec.fr/files/live/sites/corporate/files/Nos%20%c3%a9tudes/pdf/Rapport%20au%20travail%20des%20actifs%20de%20moins%20de%2030%20ans%20-%20Apec%20Terra%20Nova.pdf