Les cadres : profil à l’embauche et à l’issue de promotion interne au sein de l’entreprise


CEREQ, notes emploi formation N°47 octobre « Devenir cadre par la promotion : données de cadrage », une étude commune avec l’APEC L’analyse statistique repose sur trois enquêtes effectuées auprès des salariés actifs, y compris des entreprises publiques (mais pas ceux des trois fonctions publiques) : enquêtes Emploi et Formation, qualification professionnelle (FQP) de l’INSEE, enquête Génération du CEREQ.

La catégorie cadre correspond à l’ensemble des individus recensés au poste 3 de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) (niveau agrégé), soit en effectifs redressés selon l’enquête Emploi de 2008, 2 652 054 cadres des entreprises.

 

Le nombre de cadre a plus que doublé entre 1985 et 2008, contre 30% pour les professions intermédiaires et une légère régression pour les employés et ouvriers ; les cadres sont passés de 9 à 17% des effectifs des entreprises, contre 21 à 25% pour les professions intermédiaires. Les cadres sont particulièrement présents dans les services, notamment en R&D, informatique, ingénierie et conseils (22% des cadres) ;  1/3 sont des femmes, par ailleurs peu présentes comme ingénieur et cadre technique.

Le groupe des ingénieurs et cadres techniques s’est particulièrement développé, passant du 1/3 des cadres dans le milieu des années 80 à 42% en 2008 ; ces derniers sont localisés pour 55% dans les services, pour 39% dans l’industrie et 7% dans la construction.

Les diplômés de l’enseignement supérieur, issus des universités, ont fortement progressé en structure entre 1985 et 2008, alors que ceux issus des grandes écoles sont restés au même niveau :

 

Bac au plus

Bac +2

2 et 3émes cycles

Grandes écoles

1985

48

12

17

23

2008

28

18

30

23

Evol 2008/1985 en %

-42

+50

+176

0

 

Entre 1993 et 2003, la part de « promus » dans la catégorie cadre est stable et elle s’avère supérieure à celle des débutants : 60 % des cadres des entreprises, toutes générations confondues, ont débuté leur vie active dans une catégorie socioprofessionnelle inférieure (profession intermédiaire, employé ou ouvrier). De même, en 2003 comme en 1993, près d’un cadre sur cinq était classé cinq ans auparavant dans une catégorie socioprofessionnelle inférieure, comme entre 1988 et 1993.

 

Mais l’évolution du nombre de cadres débutants a été plus favorable que pour les cadres promus :

 

  1993 2003 Ecart en nombre Evol 2003/1993 en %
  nombre % nombre %    
Total cadres 1 516 184 100 2 183 633 100 +667 449 +44
Cadres débutants 190 055 12,5 286 611 13,1 +96 556 +51
Cadres promus 284 115 18,7 397 918 18,2 +113 303 +40
             

L’accès à la catégorie cadre en cours de vie professionnelle privilégie progressivement les salariés qui ont commencé leur carrière dans un emploi de niveau intermédiaire : technicien, agent de maîtrise ou assimilé (probabilité de devenir cadre de 25%): 37 % des cadres des entreprises, interrogés en 1993, ont débuté dans la vie active comme employé ou ouvrier, ils n’étaient plus que 29 % en 200 ; pour un employé/ouvrier, la probabilité en 2003 de devenir cadre est de 5%.

Ce sont les jeunes salariés qui sont proportionnellement les plus représentés parmi les promus à la catégorie cadre : 38 % des cadres promus entre 1988 et 1993 et 35 % entre 1998 et 2003 avaient moins de 30 ans en début de période ; près des trois quarts d’entre eux sont diplômés du supérieur (notamment des bac +2), contre 37 % pour les plus de 35 ans.

L’accès promotionnel à la catégorie cadre en début de vie active peut être considéré comme le reflet d’une pratique de sélection différée de la part des entreprises. Elle s’accompagne d’une érosion des cadres autodidactes (en 1993, les 2/3 des promus contre la moitié en 2003).

La comparaison des profils des jeunes cadres (moins de 35 ans) selon leur mode d’accès à la catégorie (recrutement direct ou accès promotionnel) fait ressortir des différences assez nettes entre les deux groupes :

d’un côté, les débutants forment un groupe au profil très homogène, composé à 90 % de diplômés du supérieur, répartis à part à peu près égale entre les sortants de 2e/3e cycles universitaires et les sortants des grandes écoles

– d’un autre côté, les jeunes cadres promus ont un profil nettement plus diversifié, mettant en évidence trois catégories d’importance à peu près équivalente : les diplômés du supérieur court (BTS, DUT), les diplômés de 2e et 3e cycles (universités et grandes écoles confondues) et les  autodidactes.

L’augmentation des effectifs de cadres a surtout profité aux diplômés universitaires de troisième cycle dont la part a le plus augmenté dans les recrutements de débutants, égalant presque celle des sortants des écoles d’ingénieur. A contrario, les débutants de niveau licence ou maîtrise ont vu leur part fortement régresser dans les recrutements directs de cadres. C’est précisément cette catégorie de diplômés du supérieur qui forme la grande majorité des promus cadres : ils représentent 57 % des promus ayant moins de 20 ans d’ancienneté professionnelle et 73 % des promus ayant plus de 20 ans d’ancienneté.

Les femmes ont moins de probabilités d’accéder à la catégorie cadre que les hommes ; ainsi, pour les salariés des entreprises observés en 2004 et qui sont sortis du système éducatif en 1998, 11 % des jeunes hommes et 8 % des jeunes femmes ont débuté sur un poste de cadre ; cet écart provient notamment du fait que les hommes sont majoritairement issus de formations scientifiques (59%) et que les femmes le sont de discipline tertiaire (66%) ; à profil identique toutefois (sortants de grandes écoles ou dans une discipline scientifique ou technique), les hommes ont plus de probabilité d’avoir été recrutés comme cadres à la première embauche que les femmes (85 % contre 70 %).

 

Les femmes ont aussi moins de probabilité d’accéder à la catégorie cadre en cours de vie active : une femme sur vingt a eu l’opportunité, après avoir débuté sur un emploi de profession intermédiaire/employée ou ouvrière, de passer dans la catégorie cadre, alors que près d’un homme sur dix est dans ce cas.  Les femmes promues cadres sont dans l’ensemble plus diplômées que les hommes promus : en 2003, 61 % des femmes devenues cadres depuis le début de leur vie active étaient diplômées du supérieur (contre 45 % pour les hommes). Le cadre « autodidacte » est plus représenté chez les hommes que chez les femmes pour lesquelles une grande partie des promotions s’apparente davantage à des reclassements : 40 % des salariées promues ont un diplôme du supérieur au moins égal à la licence (contre 20 % pour leurs homologues masculins).

Un certain clivage des fonctions attribuées selon le mode d’accès : quelle que soit sa provenance, le « cadre encadrant » tend à perdre en importance au profit du cadre expert (un peu plus de la moitié des cadres déclaraient avoir une fonction d’encadrement en 2003 contre 68 % dix ans plus tôt).

Deux explications : l’ancienneté et les fonctions exercées antérieurement. L’évolution des types de fonctions exercées par les cadres renforce ces constats (recul des fonctions de cadres liées à la production, et forte poussée des fonctions liées aux études, méthodes, recherche et développement) ; cette évolution met également en évidence la polarisation des fonctions attribuées aux cadres recrutés directement sur l’expertise (études, méthodes, recherche). Pour les cadres issus de la promotion, plus souvent en charge des fonctions administratives et commerciales, la répartition des activités est plus équilibrée, l’évolution privilégiant le domaine commercial.

Selon les secteurs d’activité, l’accès promotionnel est plus ou moins fréquent. Pour les secteurs de la construction, du commerce/réparation automobile, des transports, l’accès promotionnel peut être considéré comme le mode privilégié de recrutement des cadres (quatre cadres sur cinq) ; pourtant, ces cadres ne représentent qu’une très faible part de l’ensemble des salariés qui ont débuté dans une catégorie socioprofessionnelle inférieur ; il y a donc très peu d’« élus ».

Dans les services hautement qualifiés aux entreprises (conseil, expertise, informatique, publicité, etc.), pour lesquels les recrutements directs de cadres sont privilégiés par rapport à la promotion, les cadres promus représentent néanmoins près d’un tiers des salariés qui ont débuté comme techniciens, employés ou ouvriers (31%).

Dans un troisième cas de figure, rassemblant plusieurs secteurs comme l’immobilier et le commerce de gros, mais surtout le secteur financier,  non seulement les cadres de ces secteurs proviennent très majoritairement de la filière promotionnelle mais les probabilités de devenir cadre à partir de la voie promotionnelle sont relativement élevées. À l’opposé, les cadres de la santé, du social, de la formation, de la culture et du sport connaissent peu de promotion interne.

On constate aussi une corrélation étroite entre la part de cadres et les probabilités de promotion

Plus cette part est élevée, plus les probabilités d’y accéder en cours de vie active sont importantes. Ainsi, les services hautement qualifiés aux entreprises se distinguent-ils par une part de cadres très nettement supérieure à la moyenne (45 % contre 17 % en moyenne en 2008) et les probabilités les plus élevées d’accéder à la catégorie en cours de vie active. À l’opposé, la faible présence des cadres dans la construction, le commerce de détail, le commerce/réparation automobile et les services opérationnels aux entreprises explique qu’une proportion très faible d’anciens ouvriers, employés ou techniciens soient cadres dans ces secteurs.

 

Le cas des services aux entreprises

Les cadres des services hautement qualifiés aux entreprises – conseil, informatique, ingénierie, publicité – sont les plus atypiques en matière d’accès à la catégorie cadre ; ils se singularisent déjà par une proportion de cadres nettement supérieure à l’ensemble des autres secteurs (47 % contre 15 %), sensiblement plus jeunes (39 % de moins de 35 ans contre 27 %) et plus diplômés (61 % de l’ensemble des cadres sont diplômés de niveau I-II contre 47 % en moyenne intersectorielle). 86 % des cadres débutants dans ces activités ont un diplôme de grande école ou de troisième cycle contre 77 % en moyenne.

La part de cadres issus d’une catégorie socioprofessionnelle inférieure y est la plus faible (51 % contre 60%). Mais, du fait de l’importance en volume, les probabilités de le devenir à partir d’une catégorie socioprofessionnelle inférieure en cours de vie active sont plus importantes qu’ailleurs (30 % contre 10 % pour l’ensemble des secteurs) ; près d’un salarié sur deux du secteur déclarant avoir débuté comme technicien est devenu cadre par la suite.

Les caractéristiques des cadres issus de la promotion confirment leur spécificité : ils sont plus jeunes, moins anciens et plus diplômés que la moyenne des promus. 25 % des promus ont moins de 35 ans contre 20 % en moyenne ; 1/5 des promus a moins de 10 ans d’ancienneté professionnelle contre 15 % des promus tous secteurs confondus. Ce secteur se caractérise également par une plus faible ancienneté dans l’entreprise (51% de moins de 5 ans en 2008 contre 37 % en moyenne). La proportion de diplômés du supérieur parmi les cadres promus y est de dix points plus élevée que celle de la moyenne intersectorielle (59 % contre 49 %), du fait notamment des titulaires d’un BTS/DUT.

 

La préférence des entreprises de ce secteur pour les qualifications techniques, généralement attribuée au développement des technologies de l’information et de la communication, est également interprétée comme la demande de profils polyvalents ; l’ensemble des cadres, promus ou non, déclarent exercer nettement plus souvent que dans les autres secteurs, les fonctions étude, recherche/développement ou méthodes comme fonction principale (respectivement 59 % de l’ensemble et 44 % des promus contre 31 % et 23 % en moyenne intersectorielle), même si les promus se voient attribuer en plus grand nombre des activités de gestion, de commercial ou de maintenance.

Une bonne partie du renouvellement des cadres dans les entreprises obéit à une autre logique que celle de la relation directe entre l’école et le système productif, une logique répondant à des considérations d’ordre technique et/ou sociopolitique ?

Si l’importance relative de l’accès promotionnel à la catégorie cadre n’a pas été altérée, les caractéristiques de cet accès se transforment. Les carrières longues, commencées au bas de l’échelle hiérarchique sur un emploi d’ouvrier ou d’employé pour atteindre celui de cadre, deviennent plus rares. L’accès promotionnel à la catégorie cadre est également marqué par une élévation sensible du niveau de formation initiale des promus. Sans disparaître, la part de cadres « autodidactes » perd progressivement en importance et les titulaires de BTS-DUT accusent la plus forte progression parmi les cadres promus. Une telle évolution repose moins sur le changement des pratiques de promotion que sur la transformation du profil des viviers.