Le développement de l’esprit d’entreprise dans le système éducatif français


Etude APCE/OPPE APCE et le magazine « Imagine ton futur », novembre 2011.

Etude fondée sur un état des lieux réalisé par le CPEJ, une enquête qualitative auprès de 33 jeunes ayant suivi un programme  entrepreneurial, conduite par le cabinet Strature et une enquête quantitative via internet auprès de 13 842 enseignants du secondaire (460 réponses).

 

Tout d’abord dans l’enseignement supérieur :

 

En 2010, la base de l’OPPE fait état de 445 actions dans l’enseignement supérieur ; ce sont des actions plutôt récentes, puisque 85% de ces actions ont vu le jour entre 2001 et 2010. 195 actions sont conduites dans les universités (dont 50 dans les IUT) ; 99 le sont dans de écoles de commerce, 82 dans des écoles d’ingénieur, 17 par des Maisons de l’Entrepreneuriat et 50 par d’autres opérateurs. Il faudrait ajouter l’expérience en cours des 22 pôles entrepreneuriat/étudiant à l’initiative des ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche et des PME.

 

Les actions conduites concernent :

 

295 actions dans le champ de la sensibilisation avec pour objectif de développer l’appétence pour l’acte d’entreprendre, et les compétences et aptitudes entrepreneuriales.

136 sont menées en université (dont 36 en IUT), 41 en Ecoles de commerce, 52 en Ecoles d’ingénieurs, 16 en Maisons de l’entrepreneuriat et 50 par d’autres opérateurs.

Les actions proposées sont de type Conférences/témoignages, séminaires (- de 10h), opérations événementielles, ateliers business plan, cours optionnels (20 à 40heures), concours.

 

-120 actions de formation, habituellement associées à une diplôme de master I ou II, majeures (40 masters et DU dans les universités, 43 masters/majeures dans les écoles de commerce et 20 masters dans les écoles d’ingénieurs) ou de licence professionnelle (16 Licences professionnelles et DU dans les IUT). Les objectifs de ces formations sont de fournir une méthodologie de création d’entreprise, des outils et des supports techniques, des rencontres et des ouvertures sur le monde entrepreneurial, la possibilité de conduire son projet entrepreneurial tout au long du 2ème semestre.

 

30 actions d’accompagnement (incubateurs notamment) ; Les programmes d’accompagnement sont souvent associés à  un processus long de validation du projet.

30 structures d’incubation ont été recensées, dont 25 dans les écoles de commerce et d’ingénieurs et 5 dans les universités ; ce sont des structures rattachées à un ou plusieurs établissements

 

Le type d’établissement devient de moins en moins un caractère discriminant. Il y a toutefois quelques différences :

-Dans les universités/ IUT : l’entrepreneuriat n’y est pas un axe stratégique ; il y a très peu de partenariats avec les écoles ; les actions proposées concernent majoritairement les filières managériales (IAE, UFR de Gestion, GEA/TC…)

Dans les écoles de commerce/Ecoles d’ingénieurs on constate des partenariats forts entre les deux types d’établissements mais des attentes différentes (communication et pédagogie pour l’une, expertise, outils et méthodologie pour l’autre).

 

Impacts et apports des programmes entrepreneuriaux ; les entretiens qualitatifs ont révélé 4 types d’impact :

– sur la représentation de l’entreprise et plus largement sur le monde professionnel.

– sur la représentation et l’image de l’entrepreneur.

–  sur les connaissances et capacités développées.

–  sur le désir de créer une entreprise.

 

Une typologie des étudiants en cinq grands profils  est issue de l’enquête qualitative:

 

– « Les vrais créateurs » (5 interviewés sur 33). Ils ont un profil dynamique et déterminé en matière d’entrepreneuriat. Leur attrait pour la création d’entreprise n’est pas né avec le cursus entrepreneurial Ce programme (souvent des formations diplômantes ou des modules de sensibilisation) vient couronner un parcours d’études déjà très spécialisé. Il est abordé avec de vraies attentes : valider leur projet, se rassurer sur le chemin pris, trouver une méthodologie pour mettre en place leur projet, obtenir des témoignages, de bonnes recettes, des solutions à déployer…

 

– Les intrapreneurs (7 interviewés sur 33). Ils ont un profil plutôt offensif et des perspectives professionnelles plutôt salariales. Ces jeunes, au niveau d’étude élevé (au-delà du Bac + 5), sont souvent  issus d’écoles d’ingénieurs. Des opportunités professionnelles se sont rapidement offertes à eux dès la sortie de leurs études, parfois même dans de grands groupes, où ils occupent une fonction de gestionnaire de projet. Ils ont abordé le programme entrepreneurial comme un levier de réussite en entreprise ; La formation leur à permis d’acquérir un raisonnement « gestion de projet », de s’entraîner à la gestion d’équipe, d’avoir une ouverture dans un cursus très technique

 

– « Les rêveurs d’indépendance » (6 interviewés sur 33). Ces jeunes ont beaucoup d’intérêt pour l’idée de la création, mais n’ont pas d’intention certaine de créer (absence de projet porteur), même si ce rêve d’indépendance remonte loin dans leur jeunesse. Ils sont insatisfaits quant à leur situation professionnelle, qu’ils trouvent peu épanouissante en raison notamment d’un manque de reconnaissance. Ils ont une représentation particulièrement idéalisée, voire fantasmée, de l’entrepreneur, de sa situation et surtout de la fonction de chef d’entreprise.

 

–  « Les intentionnistes » (6 interviewés sur 33). S’Ils ne sont pas encore créateurs, ils sont déterminés à passer à l’acte. Ils s’inscrivent donc dans un projet de création plus précis que les rêveurs d’indépendance, avec un objectif dans le temps. Tout comme les vrais créateurs, leur désir d’entrepreneuriat est bien plus ancien que le programme suivi. Ce dernier a eu pour fonction de les rapprocher de leur projet et de leur donner une confiance plus affirmée en eux pour se lancer.

 

– « Les réfractaires » (9 interviewés sur 33). Ils n’ont aucune velléité d’indépendance et ont une appréhension particulièrement négative de la prise de risque. Ils aspirent à trouver et à garder un travail salarié. Leurs responsabilités professionnelles sont moins importantes que les intrapreneurs et le programme entrepreneurial  moins utilisé comme une aide de réussite dans l’entreprise. Ils se sont orientés vers cette formation pour avoir une ouverture plus large sur le monde de l’entreprise et sur les connexions entre les différentes disciplines qui étaient abordées jusque-là de manières disjointes. C’était un moyen pour eux d’ouvrir des portes, de se garantir, de se sécuriser.

 

Dans l’enseignement secondaire

 

En 10 ans, c’est dans l’enseignement secondaire que les progrès ont été les moins marquants en matière de sensibilisation à l’entrepreneuriat. Cependant, l’OPPE a recensé 102 actions entrepreneuriales dans l’enseignement secondaire, dont 33 en collège et 69 en lycée.

Il n’existe aucun horaire dédié ou dispositif spécifique pour le développement de l’esprit d’entreprendre. Cela contraint les équipes pédagogiques intéressées par l’entrepreneuriat à utiliser des créneaux horaires compatibles en termes de sujets de travail, d’apports aux élèves et d’objectifs poursuivis.

Des dispositifs pédagogiques permettant une approche pluridisciplinaire ont vu le jour ces dernières années : découverte professionnelle 3 ou 6 heures (DP3 / DP6), travaux personnels encadrés (TPE), principes fondamentaux de l’économie et de la gestion (PFEG) ou accompagnement personnalisé. Ils visent à améliorer l’orientation professionnelle et scolaire des jeunes pour une meilleure connaissance de l’entreprise et des métiers.

 

Les actions conduites

 

– Les actions de sensibilisation. D’une durée d’une journée maximum, elles ont un caractère ponctuel et optionnel et ne font généralement pas l’objet d’une évaluation. Leur objectif est d’éveiller les jeunes à l’esprit d’entreprendre, de leur insuffler une culture entrepreneuriale, de susciter leur curiosité sur le sujet et, plus généralement, d’ouvrir leur esprit à différentes situations professionnelles. Ces actions peuvent prendre différentes formes basées sur des témoignages d’acteurs ou des présentations. Elles sont, le plus souvent, abordées sous un angle ludique.

 

Les actions de formation. Elles favorisent généralement l’apprentissage par l’action, ce qui favorise l’expérimentation directe et la mise en situation des élèves qui travaillent par projets. Elles ont pour objectif d’amener les jeunes à identifier et tester des comportements et attitudes entrepreneuriales (travail en équipe, prise d’initiatives, autonomie, responsabilité, créativité…). Ces actions se mettent en place sur une année scolaire (de 20 à 100 heures) et s’adossent, principalement, à des options telles que la découverte professionnelle au collège ou encore les travaux personnels encadrés au lycée. Elles ne sont qu’exceptionnellement intégrées au programme des cours. Il arrive que ces formations soient réalisées en dehors des temps scolaires. Elles sont alors encadrées par des enseignants bénévoles et s’appuient sur des professionnels et des réseaux associatifs. Ces formations se concrétisent, le plus souvent, par un concours, une présentation devant un jury de professionnels ou encore un évènement organisé par les élèves ou des associations et organismes partenaires.

 

Les concours (principalement d’idées ou de business plan). Ils concernent les jeunes de tous niveaux et de tous âges. Certains établissements proposent même des équipes d’élèves pluridisciplinaires et multi niveaux. Ces actions se préparent sur la durée de l’année scolaire et s’achèvent par le concours qui clôture l’année. Elles permettent de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat et de les initier à la gestion de projet avec le challenge de trouver sa place parmi les finalistes du concours.

 

La sensibilisation à l’entrepreneuriat est plus fréquente dans les collèges que dans les lycées (26%). Cette pratique est plus répandue dans les filières d’enseignement général (74% des enseignants la pratiquent) que dans les filières professionnelles (19%) ou les filières techniques et technologiques (11%). Toutefois, dans les lycées, les sensibilisations sont majoritairement le fait d’enseignants de filières professionnelles.

 

La sensibilisation à l’entrepreneuriat se pratique par des professeurs de toutes matières : 28% enseignent la technologie, 25% les matières littéraires (français, philosophie et histoire/ géographie), 18% les matières scientifiques (mathématiques, sciences de la vie et de la terre, sciences physiques) ; toutefois, certaines disciplines semblent plus propices aux pratiques entrepreneuriales dans la mesure où les enseignants s’y consacrent plus fréquemment : la filière économie, gestion et droit (24%), les mathématiques (25%), la technologie (26%) et l’histoire, géographie, éducation civique (36%).

 

La majorité des enseignants qui pratiquent la sensibilisation à l’entrepreneuriat ont en charge des fonctions complémentaires (74%) : 62% ont en charge une DP3/DP6, 12% un enseignement exploratoire et 4% des travaux personnels encadrés (dans les lycées).

Enfin, le fait d’avoir déjà été chef d’entreprise ou d’avoir déjà travaillé dans une PME  favorise ce type de pratiques : 25% de ceux qui ont été chef d’entreprise pratiquent la sensibilisation à l’entrepreneuriat, 27% des anciens salariés d’entreprises de 50 salariés ou plus et 32% d’anciens salariés d’entreprises de 10 à 50 salariés (contre 13 de ceux qui ont déjà travaillé dans une micro-entreprise et 16% de ceux qui n’ont connu que l’enseignement).

 

La perception de l’entrepreneuriat chez les enseignants du secondaire

Les réponses des enseignants qui sensibilisent à l’entrepreneuriat seront comparées à celles des enseignants pratiquant la pédagogie par projet (pédagogie adaptée au développement de l’esprit d’entreprendre) d’une part et à celle des enseignants ne pratiquant ni l’une ni l’autre d’autre part. Cette comparaison a pour but de mesurer les éventuels écarts de perception et de comportement entre les trois catégories d’enseignants.

 

Quels enseignants pratiquent la sensibilisation à l’entrepreneuriat ?

 

Les enseignants qui pratiquent la sensibilisation à l’entrepreneuriat définissent l’entrepreneuriat comme une prise d’initiative (74%) et non comme une simple création d’entreprise (26%). Cette prise d’initiative est la définition la plus fréquemment citée, quelle que soit la catégorie d’enseignants.

Les principales compétences et qualités indispensables à l’acte entrepreneurial sont la prise de risque, oser des choses (55%), savoir gérer des projets (40%), la créativité, l’innovation (38%) et savoir travailler en équipe. Les compétences liées à la technicité du métier de chef d’entreprise arrivent en dernier lieu : savoir gérer une équipe (10%), maîtriser un métier (8%) ou savoir gérer des formalités administratives (1%). Quelle que soit la catégorie d’enseignant, les quatre principales qualités et compétences restent proches.

Pour tous les enseignants, les compétences et qualités citées sont tout à fait du ressort de l’école, mais cette affirmation est plus prononcée pour ceux qui sensibilisent à l’entrepreneuriat (92%) et ceux qui pratiquent la pédagogie par projet (89% contre 77% pour la dernière catégorie).

 

Le profil type de l’entrepreneur, pour les dirigeants qui sensibilisent à l’entrepreneuriat, est avant tout un dirigeant de PME ou un artisan ou un commerçant ; Les dirigeants de grands groupes et les professionnels libéraux ne sont pas considérés comme les plus entrepreneurs.  Ce classement des profils est identique pour tous les enseignants. Toutefois, ceux qui sensibilisent à l’entrepreneuriat sont un peu plus nombreux à penser que les salariés peuvent développer des compétences d’entrepreneur, ou plutôt d’intrapreneur.    

 

  Les pratiques pédagogiques

 

-La pratique pédagogique par projet est une démarche propice au développement des programmes entrepreneuriaux ; la sensibilisation à l’entrepreneuriat provient, dans la majorité des cas (89%), d’enseignants pratiquant une pédagogique par projet. La pédagogie par projet a pour principal avantage d’innover dans les pratiques pédagogiques, de travailler autrement (42%) et d’ouvrir l’esprit des élèves vers le monde socio-économique et culturel qui les entoure (38%). Ce dernier avantage est moins fréquemment cité par les enseignants ne pratiquant ni la pédagogie par projet ni la sensibilisation à l’entrepreneuriat (28%).

Pour l’ensemble des enseignants, la pédagogie par projet permet principalement de développer chez les élèves la prise d’initiative, l’esprit d’équipe, l’organisation du travail et l’autonomie.

Pour tous les enseignants, les principaux freins à cette pratique pédagogique sont la charge de travail déjà trop importante, le manque de formation des enseignants pour ce genre de pédagogie, le manque de moyens financiers de l’école et les difficultés pour mobiliser plusieurs enseignants autour d’un même projet. Toutefois, pour les enseignants ne pratiquant ni la pédagogie par projet, ni la sensibilisation à l’entrepreneuriat, le manque de formation des enseignants semble être le frein le plus important (69%).

 

– Pour les enseignants sensibilisant leurs élèves à l’entrepreneuriat, la pratique pédagogique la mieux adaptée au développement de l’esprit d’entreprise est la mise en situation des élèves, en les impliquant dans la construction de projets (67%).

 

– Par ailleurs, la confrontation des élèves au monde économique et social est un bon vecteur de la sensibilisation pour 31% d’entre eux. – En revanche, la transmission de connaissance par des cours, des études de cas ou autre est très peu plébiscitée (2%).  

 

Valeurs et aptitude que l’école doit transmettre

Quel que soit la catégorie d’enseignants observée, les principales valeurs et aptitudes que l’école doit transmettre sont la citoyenneté et la vie de société, l’autonomie, la curiosité et la responsabilité. La créativité et l’engagement sont moins souvent mis en avant par les enseignants (notamment par ceux ne pratiquant ni la sensibilisation à l’entrepreneuriat ni la pédagogie par projet).

Pour les enseignants pratiquant la sensibilisation à l’entrepreneuriat, les éléments indispensables à acquérir durant le parcours scolaire sont  la capacité de jugement et l’esprit critique (51%), l’envie de prendre des initiatives, d’anticiper, d’être indépendant et inventif (42%), la confiance en soi (27%) et la communication, le travail en équipe (26%). En revanche, pour les enseignants ne pratiquant ni la sensibilisation, ni la pédagogie par projet, les éléments qui se rapprochent des compétences entrepreneuriales n’arrivent pas en tête des priorités (telles l’envie de prendre des initiatives, d’anticiper, d’être indépendant).