Quatre France définissent les territoires : deux ensembles « dynamiques » avec 80% de la population, mais 36% du seul fait de sa production marchande


« La crise qui vient » de Laurent Davezies, Seuil, la république des idées, lu septembre 2013

 Mon choix n’est pas de commenter des parutions, mais les constats faits dans ce court ouvrage, trop peu repris dans des analyses, mérite notre réflexion.

L’auteur différencie :

Une « France productive, marchande » (36% de la population et 54% des cadres), concentrée dans les plus grandes villes (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Lille) et des métropoles de province (Toulouse, Nantes, Rennes) et des territoires peu urbains, mais très industriels de l’ouest (Vitré, Les Herbiers). Globalement, la désindustrialisation y est forte (31% des emplois perdus en 24 ans) mais une reconversion réussie, avec une natalité favorable.

– Une « France non productive, non marchande et pourtant dynamique située à l’ouest d’une ligne Cherbourg-Nice » (notamment l’ouest et le sud),  « qui vit d’une combinaison du tourisme, de retraites et de salaires publics »  (44% de la population) ; on y trouve 49% des retraités et 66% des résidences secondaires, un solde migratoire très positif et la plus forte progression de l’emploi privé.

« Une France productive, marchande et en difficulté, composée de bassins industriels déprimés, principalement dans la moitié nord du pays » (8% de la population) ; les pertes d’emploi n’ont jamais été rattrapées depuis 30 ans. La main d’œuvre y est peu qualifiée, les retraités sont peu nombreux, les revenus touristiques faibles et la croissance des services très modérée ; et pourtant la population des moins de 20 ans y est plutôt plus importante que dans le reste du pays.

-« Une France non productive, non marchande et en difficulté, située notamment dans le nord-est du pays, frappée par le déclin industriel, dépendant de l’injection de revenus sociaux » (12% de la population). Le revenu des ménages dépend à 60% des prestations sociales ; la population y décline

Notons que le poids des revenus non marchands se décomposent selon les territoires en pensions de retraite (13 à 42%), prestations sociales (9 à 27%) et en salaires publics (8 à 25%).

« Contrairement à ce qui est souvent avancé, les territoires les plus riches du pays sont depuis longtemps non pas bénéficiaires, au jeu des budgets publics, mais contribuent lourdement aux transferts dont jouissent les autres territoires. »

« Les revenus des ménages ont continué à progresser dans toutes les régions, mais les revenus tirés du seul travail marchand n’ont progressé qu’en Ile-de-France et à peine en Rhône-Alpes et en PACA…Ce sont les revenus non marchands (salaires publics et prestations) qui ont sauvé la progression du revenu.

« La question est moins celle du choix de tel ou tel projet industriel ambitieux, reposant sur une prise de risque hasardeuse et nécessaire, que celle des systèmes qui fourniront un cadre aux meilleurs projets….Le facteur premier de localisation pour les firmes est de moins en moins le coût des transports ou celui de la main d’œuvre, mais l’ensemble des coûts de transaction (se procurer l’ensemble des ressources dont on a besoin)…l’agglomération et la concentration des facteurs de production permettent de réduire ces coûts », d’où « l’avènement de la notion de métropole, à même de mobiliser les gains d’efficacité vitaux pour la croissance ».

« Une page se tourne : celle de la solidarité nationale implicite et de l’égalité territoriale. Une ère s’achève, celle de la croissance industrielle et du développement des territoires fondé sur la consommation. De plus en plus, notre société sera assise sur une croissance faible, le sevrage de la dépense publique et la restriction du crédit…laissant prévoir un retour de la production et des métropoles sur le devant de la scène… et la mise en cause des modèles de développement et les mécanismes de solidarité qui ont prévalu pendant 30 ans. »

Faudra-t-il bientôt choisir entre l’égalité territoriale et l’efficacité économique ? »