Une approche des espaces géographiques en France au regard du revenu de leurs habitants


"Regards sur les territoires", CGET, lu juin 2018

Le sixième rapport de l’Observatoire décrit et analyse la diversité des espaces français et de leurs trajectoires à différentes échelles. Il fournit des clés pour dépasser la lecture parfois réductrice qui en est faite, enfermée dans de grandes catégories pensées comme homogènes (les métropoles, le périurbain, les villes moyennes, la ruralité, etc.). Six fiches thématiques visent à identifier les atouts et vulnérabilités des territoires français et à mettre en avant des enjeux importants en matière de cohésion territoriale.

 

La France connait un positionnement favorable en Europe au regard de la démographie de population et à celui de leurs revenus. 6 types d’espace sont observés.

 

⇒ La France dans l’UE

 

Au 1er janvier 2016, l’Union européenne comptait près de 510 millions d’habitants; avec 66,6M d’habitants (13,1% de la population européenne), la France est le deuxième pays le plus peuplé après l’Allemagne.

 

Le revenu disponible médian français, est l’un des plus élevés de l’Union européenne, derrière ceux du Luxembourg, de l’Autriche et de la Suède, et positionne la France au sein d’un groupe de pays composé de la Finlande, du Danemark, de l’Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas. 

Parmi les pays les plus peuplés, la France connaît la plus forte croissance démographique après le Royaume-Uni, principalement du fait de son dynamisme naturel. Avec des taux de croissance de respectivement 0,53% et 0,78% par an contre 0,27% en moyenne européenne, ces deux pays ont contribué à 60% de l’augmentation de la population de l’Union entre 2007 et 2017. L’Allemagne a seulement gagné 500 000 habitants au cours des dix dernières années, contre 250 000 chaque année en France.

 

Après des décennies de convergence progressive du PIB par habitant entre les régions d’Europe, la crise économique de 2008-2009 a accru les disparités. Les régions les plus riches affichent en effet un taux de croissance supérieur aux autres, et si celui des plus pauvres converge vers la moyenne européenne; c’est principalement du fait d’une hausse de la productivité, aux dépens de l’emploi. 

 

En comparaison avec d’autres pays, tels l’Espagne ou l’Italie, les différences de niveaux de vie entre les régions de France métropolitaine sont relativement limitées (1,4 en France et en Allemagne, contre 1,8 en Espagne et en Italie).

Les différences de revenus entre les centres urbains et les espaces peu denses sont relativement contenues (moins de 20%), contrairement à certains pays d’Europe de l’Est et du Sud, où les revenus médians entre zones denses et zones peu denses peuvent varier du simple au double.

 

⇒ Les écarts de revenus en France selon le type d’espace

 

*La population française et l’emploi se concentrent de plus en plus dans les grandes agglomérations, le long des façades atlantique et méditerranéenne et dans le sud-est du pays. 

À l’inverse, certains espaces peu denses, principalement situés entre les Ardennes et
le Massif central, connaissent des pertes répétées de population et d’emploi depuis plusieurs décennies : une centaine de bassins de vie est aujourd’hui en déclin démographique. 

 

*Comme dans la plupart des pays européens, la région capitale se distingue par un niveau de vie médian de la population (22 500€ par an) très supérieur à celui des autres régions, plus particulièrement les Hauts-de-France (18 800€), et l’Occitanie (19 400 €), qui présentent les revenus disponibles les plus faibles de France métropolitaine. 

L’Île-de-France concentre en effet plus de 21% des emplois et 18% de la population du pays. C’est aussi la région où la population et l’emploi ont le plus augmenté depuis 1999, malgré un solde migratoire fortement négatif.

 

Au cours des dernières décennies, l’aire d’influence de la région capitale (i.e. la zone au sein de laquelle vivent des actifs qui dépendent en grande partie des emplois franciliens) s’est étendue à des territoires toujours plus lointains, débordant largement sur les régions limitrophes, en particulier les Hauts-de-France et le Centre-Val de Loire.

Toutefois, l’écart avec les autres régions se réduit peu à peu. La croissance de l’emploi (0,1% par an entre 2009 et 2014) et de la population (0,51% par an) en Île de-France est désormais plus faible que dans toutes les régions de l’Ouest et du Sud, hormis Paca.

 

L’agglomération capitale fonctionne en quelque sorte comme une pompe aspirante et refoulante : elle attire les étudiants (il y a 536 000  étudiants dans le Grand Paris, soit 8 % de la population) et les jeunes adultes, mais elle apparaît en même temps très répulsive pour toutes les autres classes d’âge du fait d’une qualité de vie jugée par beaucoup comme insuffisante
(tension sur le logement, engorgement des transports, pollution, etc.).

L’Île-de-France est ainsi la plus inégalitaire des régions de France métropolitaine : les revenus des 10% les plus aisés y sont 4,5 fois supérieurs à ceux des 10% les plus pauvres, contre 3,5 à l’échelle national.

 

*Les grandes agglomérations (aires urbaines de plus de 200 000 habitants, hors Paris) abritent, 38% de la population et 39% des emplois du pays, et ont concentré une part plus importante encore de la croissance démographique et économique du pays au cours des dernières années (44% des gains de population et 53% des gains d’emplois entre 1999 et 2014).

Prises dans leur ensemble, elles présentent des niveaux de croissance supérieurs à ceux des autres catégories de territoires et même de Paris : 0,7% de croissance annuelle de la population entre 2009 et 2014 (contre 0,5% à l’échelle nationale et 0% dans l’aire urbaine de Paris) et 0,3% de croissance annuelle de l’emploi (contre 0% à l’échelle nationale, et 0,1% dans l’aire urbaine de Paris). Le nombre d’étudiants du supérieur a augmenté de 20%. 

 

Parmi ces grandes agglomérations, ce sont celles de l’Ouest et du Sud (Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier et dans une moindre mesure Rennes et Lyon) qui ont connu la croissance la plus forte entre 2009 et 2014. Celle-çi repose très majoritairement, voire exclusivement, sur les apports migratoires. Dans ces espaces, ce ne sont pas seulement les grandes agglomérations qui croissent, mais également l’ensemble des espaces littoraux et du sillon rhodanien.

Ces métropoles attractives sont aussi des espaces très inégalitaires : le rapport entre les revenus des 10% les plus riches et des 10% les plus pauvres varie de 3,9 à 4,1 dans la plupart des métropoles, contre 3,5 à l’échelle de la France métropolitaine. 

 

À l’inverse, les grandes agglomérations de l’Est et du Nord, à l’exception de Lille et de Strasbourg, présentent des niveaux de croissance inférieurs à la moyenne nationale, mais toujours supérieurs au rythme de croissance de leurs régions respectives.

À l’inverse de l’arc atlantique et méditerranéen très dynamique, les régions situées au nord de la ligne Cherbourg-Besançon et celles de la bande allant des Ardennes au sud du Massif central sont confrontées à un manque d’attractivité en grande partie lié à leurs difficultés économiques; affectées par le déclin des emplois agricoles et industriels depuis plusieurs décennies; elles ont aussi été frappées par les effets de la récession de 2008-2009 du fait de leur forte spécialisation dans les activités productives .

Dans les Hauts-de-France et dans une partie de la région Grand Est, ce manque d’attractivité est partiellement compensé par un solde naturel positif.

 

*Les espaces les plus dynamiques sont non les grands pôles urbains, mais leurs couronnes. Dans cette catégorie de communes qui rassemble une grande majorité (63%) de la population vivant dans l’espace périurbain, le nombre d’habitants a augmenté de 1,24% par an entre 1999 et 2013. Le revenu disponible médian y  est le plus élevé du pays (1 780€ mensuels). Ainsi, les espaces périurbains « sous influence » tirent un dynamisme très fort de leurs synergies avec les grands pôle.

 

*La problématique de la décroissance se pose avec acuité dans les espaces où les villes petites et moyennes sont touchées par les effets cumulatifs du déclin : baisse de la population et des emplois, vacance des logements, fermeture des services et commerces.

La paupérisation des populations, la fermeture des commerces et la vacance des logements affectent de plus en plus de centres urbains de villes petites et moyennes, avec un revenu disponible médian très au-dessous de la médiane nationale (respectivement 1 560€  mensuels contre 1 680€). Ils pâtissent du taux de vacance dans les logements le plus élevé du pays (10,2% contre 7,9% à l’échelle nationale). 

 

*les espaces peu denses parfois qualifiés de « rural isolé » connaissent des trajectoires très variées, avec des contrastes parfois marqués entre bassins de vie voisins. Prises dans leur ensemble, les communes isolées situées en dehors de l’influence des pôles urbains ont un revenu médian disponible (1 530 € mensuels) plus bas que celui de toutes les autres catégories de territoires; du fait de leur faible densité, le nombre de ménages pauvres résidant dans ces espaces est très largement inférieur à celui des pôles urbains. Pourtant, certains espaces spécifiques au sein de cette catégorie (régions de vignoble, certains espaces frontaliers,zones de villégiature, etc.) affichent un revenu médian disponible très supérieur à la médiane nationale (1 680€ mensuels). 

 

• Les espaces frontaliers : leur développement est très inégal et dépend principalement de la situation du territoire de l’autre côté de la frontière.

Certaines de ces zones sont des « extrémités », des marges du territoire national : les Hautes-Pyrénées et l’Ariège, par exemple, confrontées à des situations d’enclavement, de vieillissement, de précarité et de pertes d’emplois et à une situation économique dégradée en Espagne.

À l’inverse, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté, les zones d’emploi frontalières sont attractives et les revenus élevés grâce à des emplois plus rémunérateurs localisés au Luxembourg, en Suisse et en Allemagne. 2 des intercommunalités présentant les niveaux de vie les plus élevés de France sont en effet situées à la frontière suisse : il s’agit des communautés de communes du Genevois (revenu disponible médian de 34 320 €, contre 20 400 € au niveau national), en Haute-Savoie et de la Porte du Sundgau, dans le Haut-Rhin (34 280 €). Ces espaces sont plus intégrés aux systèmes urbains localisés à l’étranger (Genève et Bâle, dans les deux cas précédents) qu’au reste de leur région, globalement moins aisée, et s’apparentent, à l’échelle locale, à des poches de richesse.

Au sein de ces territoires qui comptent parmi les plus inégalitaires de France, la ligne de frontière distingue les travailleurs transfrontaliers et les autres : le rapport entre les revenus des 10% les plus aisés et des 10% les plus pauvres atteint un maximum de 7,2 dans la communauté de communes du Pays de Gex, au bord du lac Léman, contre 3,5 à l’échelle nationale.

 

 

 

 

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