Le commerce de centre ville inquiète, mais des villes et des initiatives y remédient.


"Palmarès Procos 2018 des centres-villes commerçants les plus dynamiques, 2ème édition", Procos, lu janvier 2018

Par sa représentativité (260 enseignes du commerce spécialisé adhérentes), son expertise en urbanisme commercial (études villes, données enseignes), sa connaissance des facteurs de dynamisme du commerce des villes, la fédération Procos établit différents groupes en fonction de la taille de l’unité urbaine, et du nombre de points de vente des centres-villes. 3 catégories homogènes ont ainsi été définies :  les grandes agglomérations, les grandes villes moyennes, et les petites villes moyennes. Paris et l’unité urbaine de Paris seront traités dans une étude à venir.
Afin de hiérarchiser les centres-villes marchands les plus dynamiques, Procos a analysé de nombreux critères qui se répartissent en 4 catégories principales : l’évolution de la commercialité du centre-ville, les performances des enseignes, la zone de chalandise et l’activité économique de la zone de chalandise. 

Pour choisir les villes leader, toutes celles dont l’évolution de la vacance commerciale était supérieure à la moyenne nationale ont été éliminées. Puis, toutes celles dont l’évolution du chiffre d’affaires des enseignes était inférieure à la moyenne nationale ont été éliminées. Et ainsi de suite jusqu’à aboutir à une douzaine de villes qui répondaient à tous les critères. Les arrivées d’enseignes nationales pendant les deux dernières années ont alors départagé les villes en tête du classement.

 

Si les vacances de commerces de centre ville augmentent, la situation diffère à la fois du fait des tailles des villes, du fait du contexte économique (emploi, structuration des espaces marchands…) et des prises d’initiatives locales.

 

Centre-ville : un constat préoccupant puisque le taux moyen de la vacance en centre-ville est passé de 7,2% en 2012 à 9,5% en 2015 et 11,1% en 2017 (hors Ile-de-France). 62% des centres-villes observés ont un taux de vacance supérieur à 10%, limite symbolique considérée comme critique.

Noter que la mesure création n’est pas définie: s’agit-il du % de commerce dans les créations, du renouvellement du stock de commerces?

 

Au sein des 3 catégories de villesles plus favorisées sont les grandes agglomérations, puis viennent ensuite les villes moyennes (à surveiller), et enfin les petites villes en situation plus difficile encore.

 

Revenons aux caractéristiques de chacun des 3 sous-groupes :

 

Première catégorie : les grandes agglomérations, en situation la plus favorable, avec  un taux de vacance de locaux commerciaux relativement faible (8,7%), un chiffre d’affaires élevé, une évolution moyenne de la vacance commerciale moins rapide qu’ailleurs (1,5%), voire en décroissance dans les plus grandes de ces villes, une moyenne création d’entreprise élevée (14%), et une stabilité de l’emploi (entre 2006 et 2014).

Ce sont 24 centres-villes dans les plus grandes zones d’influence de France, dont la population excède 500.000 habitants; le nombre de commerces y est de 500 dans l’hypercentre.

Quelles sont les caractéristiques de ces centres-villes ? Ils accueillent les activités administratives métropolitaines, les centres de décisions des entreprises, bénéficient souvent d’un apport de clientèle touristique. Ils attirent les grandes enseignes internationales, les principaux opérateurs français, en succursale et franchise, mais voient la part des commerces indépendants se réduire en raison de la hausse constante des valeurs locatives.

Les enseignes réalisent jusqu’au double de leur chiffre d’affaires moyen national; mais les loyers connaissent des hausses importantes (Plus de 3.000 €/m² annuels pour les rues de la République à Lyon, Sainte-Catherine à Bordeaux).

 

⇒ 2éme catégorie: les grandes villes moyennes, avec un taux de vacances commerciales  de 11,6%, une évolution du taux de vacance commerciale de 1,92% (moyen par rapport aux 2 autres sous-groupes), mais un chiffre d’affaires, un taux de création, et une situation de l’emploi proche des plus petites villes; noter que ce sous-groupe est davantage composé de communes dont les actifs ont pour première destination de travail, ce pôle d’emploi (entre 2006 et 2014).

Ce sont 62 grandes villes moyennes entre 200 et 500 000 habitants, et au moins 200 commerces en centre ville avec des villes comme Nancy, Metz, Amiens, Pau ou encore la conurbation Bayonne Biarritz Anglet. 17 cœurs marchands sur 54 sont en danger avec plus de 15% de vacance commerciale.

 
Les enseignes nationales y réalisent des performances très significativement inférieures à celles réalisées dans les grandes agglomérations en termes de chiffres d’affaires (-1,72% /an en moyenne); ces villes comptent moins d’enseignes nationales et connaissent un profil marchand davantage tourné vers la proximité et moins vers les activités anomales ( fréquence d’achat est faible, au contraire des commerces de proximité), dont celles de culture et de loisirs (7%). 

 

 Troisième catégorie: les petites villes moyennes avec les taux les moins favorables dont la vacance commerciale (12,2%), l’évolution la plus élevée de la vacance commerciale (2,71%), la baisse la plus marquée des emplois (-040%). Ces villes sont les plus touchées par le phénomène de dévitalisation des cœurs marchands (désurbanisation, désindustrialisation, recul des services publics, départ des garnisons).

147 villes situées dans des zones d’influence de moins de 200.000 habitants et en moyenne au moins 150 commerces en centre ville. Ces villes sont souvent des sous-préfectures ou des petites préfectures, centre relais d’un arrière-pays rural,  éloigné des grands centres urbains.

On y trouve Moulins, Epernay, Draguignan, Auch, Mont de Marsan.

Ces centres-villes sont majoritairement composés de commerces indépendants destinés à la proximité : alimentaire, services, hygiène-beauté-santé, restaurants, cafés. La plupart de ces centres sont composés d’une rue marchande principale concentrant la majorité des enseignes du commerce spécialisé et de rues adjacentes regroupant les indépendants et notamment les alimentaires autour des marchés ou des Halles. 

 

Les villes leader

 

Pour les grandes agglomérations :  Tours, Nantes, Strasbourg.

Pour les villes leaders, au moins 3 des 5 critères suivants sont toujours respectés : l’accessibilité multimodale (dont transports collectifs conséquents), un plateau piéton étendu, un bon partage de l’espace public entre voiture et piéton (parkings de centre-ville …), l’organisation événements culturels et touristiques, un développement concerté et contenu des zones de périphérie sur le long terme, la présence importante d’activités culturelles de loisirs (marchandes et non marchandes).

Elles mènent depuis longtemps des politiques visant à inscrire le développement de zones commerciales de périphérie dans une démarche raisonnée.

 

Tours N° 1 du classement bénéficie de la présence d’un centre commercial de centre-ville (900 commerces), principal pôle commercial de l’agglomération, la seule polarité à pouvoir accueillir des grandes locomotives shopping sur un bassin de plus de 600 000 habitants.

Le taux de vacance y est inférieur à 7% et les chiffres d’affaires en progression de 0,8% par an depuis 2013. La population de la zone d’influence augmente de 0,5% en moyenne depuis 2006, alors que l’emploi progresse de 0,1% par an; le chômage a reculé de 0,7% entre 2016 et 2017.

 

Nantes demeure dynamique grâce à la présence d’une classe moyenne bien représentée en centre-ville, à la qualité des actions entreprises pour mettre en œuvre un transport public efficace et une politique de maintien et d’attractivité d’enseignes majeures en centre-ville. Le taux de vacance est inférieur à 6% et le chiffre d’affaires stable depuis 2013. La population de la zone d’influence augmente de 1,5% en moyenne depuis 2006, alors que l’emploi progresse de 1,1% par an en moyenne. Le chômage a reculé de 1,3 % entre 2016 et 2017.

 

Strasbourg : un taux de vacance inférieur à 6%, un chiffre d’affaires en légère régression (-0,2% par an depuis 2013); la population de la zone d’influence augmente de 1,5% en moyenne depuis 2006, alors que l’emploi progresse de 1,1% par an. Le chômage a reculé de 1,3% entre 2016 et 2017.

 

⇒ Les grandes villes moyennes,

Sont leaders Le Havre, Reims, Orléans, Annecy; cas exceptionnels, Biarritz, La Rochelle, Angers qui comptent moins de 4% de vacance commerciale. 

Avec en moyenne 450 commerces (surtout le format boutique, mais aussi de “grands magasins”), ils constituent souvent la principale centralité marchande. 

Ces villes ont de nombreux points communs : une population à hauts revenus et présente de longue date, un ratio actifs/emplois favorable qui montre la présence d’une forte proportion d’emplois en milieu urbain, un taux de chômage qui a baissé de façon significative, un nombre de commerces qui offrent une masse critique suffisante, un profil plutôt shopping.

 

Le Havre :  le taux de vacance n’a pas évolué entre 2015 et 2017; les chiffres d’affaires des enseignes ont très légèrement diminué (- 0,6 %/an en moyenne depuis 2013). La population de la zone d’influence a stagné, mais le taux de chômage a légèrement diminué en 2017 avec -0,6%. Le nombre d’entreprises d’un salarié au moins, créées depuis le 1er janvier 2016, a évolué positivement : + 11 % en un an.

Reims : le taux de vacance a faiblement diminué (- 0,1% entre 2015 et 2017); les chiffres d’affaires des enseignes aussi (- 1% / an). La population de la zone d’influence a augmenté de 0,3%/an en moyenne depuis 2006. Le chômage a reculé de 1,3% entre 2016 et 2017.

Orléans :  si le taux de vacance a légèrement évolué (+ 0,8% sur deux ans), le taux de vacance demeure à un niveau très faible (7%) .Les chiffres d’affaires sont en léger recul depuis 2013 (- 0,2%/an). La population de la zone d’influence a augmenté (0,5% depuis 2006). Le chômage a reculé de 0,9% entre 2016 et 2017.

 

Deux autres exemples : Colmar, vainqueur du palmarès 2016, se singularise par exemple par un taux de commerces alimentaires et culturels élevé, sans doute dû à la présence de commerces d’indépendants nombreux et dynamiques (70% au total).
Les enseignes Procos réalisent leurs meilleurs chiffres d’affaires à Annecy; cette ville touristique aux portes de la Suisse et au taux d’actifs élevé, pâtit néanmoins de la faiblesse de ses commerces alimentaires en centre-ville, du fait notamment d’une densité d’hypermarchés périphériques très importante et de valeurs locatives élevées.

 

⇒ Les petites villes

Les leaders sont Pontarlier, les Sables d’Olonne, Vendôme.

Elles affichent les caractéristiques suivantes : attractivité touristique, éloignées des grands centres urbains (40 à 50 minutes minimum des très grandes agglomérations), souvent sous-préfectures, marquées par des activités secondaires (industrie, pêche…) et la faible structuration commerciale de la périphérie (ni galerie marchande de grande ampleur, ni shopping park). 

 

Pontarlier: le taux de vacance a diminué entre 2015 et 2017 (-1,5%) et, dans le même temps, le nombre d’enseignes nationales a augmenté de 3,5%. Les chiffres d’affaires des enseignes ont largement progressé de 3%/an depuis 2013. 

La population de la zone d’influence a progressé de 1,2%, et le taux de chômage a légèrement diminué en 2017 (- 0,6%). Le nombre d’entreprises d’un salarié au moins créées, depuis le 1er janvier 2016, a évolué positivement (+11% en un an).

Les Sables d’Olonne : si le taux de vacance a légèrement progressé (+1,5%),  les chiffres d’affaires des enseignes ont fortement progressé (+ 4,3% /an depuis 2013).

La population de la zone d’influence augmente de 1,4%/ an en moyenne depuis 2006.
Le chômage a reculé de 2,4% entre 2016 et 2017.

Vendôme : Le taux de vacance est resté stable à un niveau inférieur à la moyenne nationale (8%). Les chiffres d’affaires des enseignes sont restés stables alors qu’ils ont diminué d’1% en moyenne par an dans les autres centres-villes.
La population de la zone d’influence augmente de 0,1% en moyenne depuis 2006. Le chômage a reculé de 1% entre 2016 et 2017.

 

 

Des villes qui s’engagent :

 

Arras : vers une professionnalisation des élus et des équipes sur la question du commerce ; la municipalité a lancé un grand plan de reconquête de son centre-ville; les équipes municipales agissent comme des commercialisateurs en essayant de regrouper les activités complémentaires. Rien n’est gagné, mais la vacance commerciale a diminué.

 

-Limoges : une pépinière commerciale pour redonner de l’attractivité au centre-ville verra le jour en 2018 ; une dizaine de locaux vacants seront affectés avec des baux précaires (un an sans propriété commerciale) à de jeunes créateurs de commerces qui désirent tester leur concept en limitant le risque d’un bail classique 3-6-9 pour lequel il faut parfois s’acquitter d’un montant de droit au bail important. La CCI sera le locataire des locaux en question et représentera donc pour les propriétaires un locataire « fiable », ce qui n’est pas le cas pour un commerce indépendant qui ouvre. De même, la CCI négociera au mieux les loyers pour faire en sorte que ceux-ci correspondent à la réalité du potentiel économique de certaines rues de la ville qui ont perdu en attractivité.

 

Tarbes : construire le management public-privé du centre-ville et de son commerce en s’appuyant sur un partenariat public privé comprenant un collège d’élus locaux, et un collège de partenaires (Association de commerçants, représentant des agents immobiliers, représentant des banques …). Ce partenariat qui structure la démarche multi-acteurs permet de mutualiser les moyens dans une vision et des objectifs communs. Le partenariat bénéficie du label international Tocema et est gouverné en alternance par le public et le privé.

Différents points essentiels sont pris en compte : politique tarifaire de stationnement, vidéosurveillance, événements culturels, politique d’amélioration des façades d’immeubles.

 

 

Le plan « Action cœur de ville », annoncé le 15 Décembre 2017, répond à la nécessité de mener des actions spécifiques en faveur des villes moyennes  en favorisant les villes qui se portent candidates après avoir réalisé un diagnostic et identifié des projets. En effet, les élus locaux y jouent un rôle crucial.