Un état des lieux 2018 de l’approbation par les chefs d’entreprise des mesures gouvernementales.


"Grande consultation des entrepreneurs BILAN 2018", CCI France, janvier 2019

CCI France a mis en place, depuis 2015, une grande consultation des entrepreneurs ayant pour ambition de mesurer l’évolution du moral et des opinions des chefs d’entreprise français. Depuis 2016, elle prend la forme d’un baromètre mensuel confié à OpinionWay, mêlant des questions barométriques et des questions d’actualité.

 

⇒ Les principaux enseignements de cette année 2018 s’agissant de l’état d’esprit des chefs d’entreprise sont :

• Des records d’optimisme des entrepreneurs sont atteints en début d’année, qui vont d’abord donner le sentiment de durer, puis qui décrocheront en fin d’année; au final, les indicateurs restent plus positifs qu’ils ne l’ont été ces trois dernières années, signe que la dimension quelque peu chaotique de l’année 2018 n’empêche pas les chefs d’entreprise de conserver des signes d’espoir.

• Les annonces gouvernementales vont bénéficier d’une approbation quasi systématique, mais qui va plus se révéler comme un soutien de principe, avec finalement une notoriété relative de plusieurs mesures et une conviction fragile sur leur capacité réelle à faire bouger les choses,

• Derrière les mouvements d’ensemble, un creusement de certains écarts entre grandes et petites entreprises, mais aussi entre secteurs d’activité va apparaître,

 

⇒ Petit feuilleton de l’optimisme au cours de 2018

 

L’indicateur d’optimisme des chefs d’entreprise prend en compte à la fois les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et l’appréciation de la situation actuelle (est-ce que « c’était mieux hier », « c’est très bien en ce moment », ou « ce sera mieux demain »).

 

Cet indicateur d’optimisme était remonté à la fin de l’année 2017;  Il a continué de progresser dans les premiers mois de l’année et a connu une hausse spectaculaire au début du second trimestre 2018, atteignant son plus haut niveau depuis février 2015 au mois d’avril 2018 (indice à +142, alors qu’il se situait jusqu’alors entre +96 et +130). Tous les indicateurs étaient alors au vert puisque 83% des chefs d’entreprise se disaient confiants pour leur entreprise dans les 12 mois à venir ; 75% l’étaient aussi pour l’économie française.

 

Cet indice d’optimisme a ensuite décroché au mois de mai 2018, même si elles restaient majoritairement positives (55% se disaient confiants pour l’économie française).

 

Après une légère remontée jusqu’à l’été, la rentrée de septembre est marquée par un nouveau vrai décrochage avec cette fois-ci des projections qui deviennent peu favorables (seuls 36% des chefs d’entreprise sont alors confiants pour l’économie française).

 

Une nette remontée des perspectives au mois d’octobre donne le sentiment que la confiance des chefs d’entreprise est revenue (82% ont confiance dans les perspectives pour leur entreprise dans les 12 prochains mois, 54% sont confiants pour l’économie française).

 

Mais en novembre intervient un nouveau décrochage, plus spectaculaire encore qu’aux mois de mai et septembre et la situation s’aggrave en décembre pour finir avec un indice d’optimisme au plus bas depuis février 2015 et des projections économiques désormais sombres (23% sont confiants dans l’évolution de l’économie française).

70% se montrent inquiets des conséquences du mouvement des Gilets Jaunes sur l’attractivité de notre pays. 47% estiment désormais que la situation de la France tend à se détériorer depuis les changements électoraux de 2017.

 

⇒ Des écarts entre TPE et PME, et entre activités

 

♦ Si les TPE étaient autant, voire plus optimistes que les entreprises de 10 salariés ou plus entre les mois de janvier et juillet 2018, les décrochages ont été plus vifs par la suite et l’indice d’optimisme est à la fin de l’année inférieur (+83) à celui des entreprises de 10 salariés et plus (+93).

S’il est majoritaire quelle que soit la taille de l’entreprise, le sentiment que « c’est très bien en ce moment » est plus marqué au sein des entreprises de 10 salariés et plus qu’au sein des TPE, qui ont plus tendance que la moyenne à dire que « c’était mieux hier ».

 

♦ D’importantes variations ont été mesurées sur cet indicateur selon les mois dans les secteurs de l’industrie et du commerce, alors que les résultats sont plus stables dans les secteurs de la construction et des services.

 

Des prévisions de maintien d’effectifs et d’embauches légèrement plus positives que par le passé

Tout au long de l’année, entre 92% et 97% des chefs d’entreprise interrogés estimaient que leur entreprise avait l’intention de maintenir le nombre de salariés dans les 12 prochains mois et entre 2% et 7% de l’augmenter; les perspectives de réduction du nombre de salariés ont été très faibles (entre 0% et 1%), alors qu’elles étaient plus marquées entre 2015 et 2017 (entre 2% et 8%).

Si la perspective de recruter davantage de salariés a été forte au sein des entreprises de 10 salariés et plus (entre 17% et 31% selon les périodes de l’année), elle est restée très en retrait au sein des TPE (moins de 5%).

 

♦ Un rapport plus ouvert à l’innovation 

La part de chefs d’entreprise voyant l’innovation comme un investissement est plus marquée que ces trois dernières années, même si là encore ce sentiment est plus partagé par les entreprises de 10 salariés et plus que par les TPE (68% contre 43% en décembre).

 

⇒ Un plébiscite pour les mesures gouvernementales

 

La plupart des mesures emportent une adhésion de principe de la part des chefs d’entreprise, mais que derrière cette apparente bonne nouvelle se cachent certains signes moins positifs pour le Gouvernement : une faible mémorisation de certaines annonces voulues comme emblématiques, un accueil clivé de certaines propositions selon la taille de l’entreprise ou le secteur d’activité, et surtout des doutes sur l’impact réel de certaines mesures sur la vie des entreprises françaises et leur dynamisme économique.

 

♦ En janvier 2018, 62% des chefs d’entreprise se disent favorables à la rupture conventionnelle collective quand seulement 50% des Français soutiennent cette idée. Par ailleurs 77% d’entre eux y voient un moyen permettant d’ajuster à court terme les effectifs d’une entreprise en fonction de son activité économique, 71% qu’il s’agit d’un mode de rupture du contrat moins contraignant qu’un plan de sauvegarde de l’emploi ou qu’un plan de départ volontaire et pour 66% d’un mode de rupture du contrat de travail moins traumatisant pour les salariés.

 

♦ Les chefs d’entreprise se montrent plus circonspects sur la réforme du contrat d’apprentissage et notamment la procédure d’enregistrement des contrats. 26% des chefs d’entreprise ont déjà eu recours à des contrats d’apprentissage et parmi eux, une majorité soutient le dispositif tel qu’il existe (86% jugent la procédure satisfaisante, 85% qu’elle apporte une sécurité juridique à l’employeur, et 80% qu’elle permet d’éviter de commettre des erreurs). Seuls 3% estiment qu’elle est inutile. Pour autant, 41% considèrent aussi qu’elle est trop complexe, opinion plus marquée chez les entreprises de moins de 10 salariés (43% contre 31% au sein des entreprises de 10 salariés et plus).

 

♦ Sur la simplification du dispositif de soutien à l’exportation, 17% seulement des chefs d’entreprise en ont entendu parler. Quand il leur est rappelé que cette simplification passera par un guichet unique en région et à l’étranger, 65% des entrepreneurs jugent que c’est une bonne chose et 52% que ce sera efficace. En revanche seule une minorité estime que cette simplification aidera les PME à exporter sur le long terme (39%) et qu’elle contribuera à redresser la balance du commerce extérieur (30%). Sur ce dispositif, les opinions des grandes entreprises sont nettement plus positives que celles des TPE puisque 59% des chefs d’entreprise de 10 salariés et plus pensent qu’elle aidera les PME à exporter sur le long terme contre 38% seulement des TPE et 42% qu’elle contribuera à redresser la balance du commerce extérieur (30% au sein des TPE).

 

• Sur le logiciel permettant d’évaluer l’effort nécessaire pour supprimer les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, avec obligation pour les entreprises de se mettre en conformité avec la loi d’ici 2022, 81% estiment que c’est une bonne chose et 65% qu’il sera efficace, mais 46% d’entre eux estiment aussi qu’il sera trop complexe à mettre en œuvre et 40% que cela ne laissera pas suffisamment de temps aux entreprises pour se mettre en conformité avec la loi. La complexité de mise en œuvre est particulièrement soulignée par les entreprises de services (49%) et le manque de temps par celles de la construction et du commerce (50% dans les deux cas).

 

♦  63% des chefs d’entreprise estimaient qu’ils seraient en conformité avec le Règlement Général sur la Protection des Données lors de son entrée en vigueur (dont 62% dans les entreprises de moins de 10 salariés et 72% dans les entreprises de 10 salariés ou plus). 21% déclaraient qu’ils ne seraient pas prêts (et 16% pas concernés), notamment dans les secteurs de l’industrie et du BTP (35% dans les deux cas), mais aussi du commerce (32%).

 

♦ le Plan pour l’intelligence artificielle recueillait une notoriété importante, 60% des chefs d’entreprise en avaient entendu parler. Les deux tiers des chefs d’entreprise interrogés adhèrent à l’idée que le développement de l’IA est indispensable pour rester compétitif (67%) et qu’il aura un impact positif sur la croissance économique française (67%). L’idée que ce plan est synonyme de dépenses publiques inutiles n’est soutenue que par 31% des chefs d’entreprise. En revanche, une majorité absolue de chefs d’entreprise estime aussi que le développement de l’intelligence artificielle aura un impact négatif sur les emplois en France (52%) et seuls 35% pensent qu’il entraînera des changements majeurs dans leur secteur d’activité. Les craintes quant à l’impact du développement de l’IA sur l’emploi sont particulièrement marquées dans l’industrie (65%), et dans les services (44%).

 

♦ Si seulement 12% des chefs d’entreprise connaissent l’expression « Name and Shame », une fois celle-ci expliquée (comme consistant à dénoncer publiquement les entreprises qui fraudent), 65% jugent que c’est une bonne chose pour lutter contre la fraude fiscale. Cet avis est cependant beaucoup plus marqué chez les entreprises de 10 salariés ou plus (84%) que chez les TPE (64%).42% jugent en revanche la pratique efficace. Seuls 13% des chefs d’entreprise la qualifient d’injuste.

 

♦ Un soutien porté au maintien de l’imposition à la source, mais clivé selon la taille de l’entreprise. En mai, une majorité de chefs d’entreprise soutient la mise en place du prélèvement à la source reportée en janvier 2019 (57% contre 43% opposés), soit un niveau comparable à celui des Français dans leur ensemble (58% en mai 2018). En revanche ce soutien est beaucoup plus net chez les entreprises de 10 salariés ou plus (72%) que chez les TPE (56%). Au mois de septembre, 64% des chefs d’entreprise soutiennent la décision du Gouvernement de maintenir cette réforme, même si un écart est encore visible entre entreprises de 10 salariés et plus (82%) et TPE (63%).

 

♦ En février 2018, près des deux tiers des chefs d’entreprise estimaient que la consultation publique sur la loi PACTE était un procédé efficace pour construire une loi visant à favoriser la croissance et la transformation des entreprises (64%, 80% parmi les entreprises de 10 salariés et plus). Ils se montraient par ailleurs favorables à plusieurs suggestions proposées lors de cette consultation : 95% estimaient que ce serait une bonne chose de mieux identifier les entreprises en difficulté pour mieux les accompagner, 86% étaient favorables au fait de donner la possibilités aux salariés de transformer leur temps comptabilisé en CPF en temps exploitable pour développer une innovation, et 71% approuvaient la possibilité de modifier les dispositions fiscales destinées à promouvoir l’adhésion à un organisme agréé.

 

Le test de plusieurs mesures prévues dans le projet de loi PACTE laisse transparaître un accueil contrasté des chefs d’entreprise :

-La mise en place d’un guichet unique électronique pour la dématérialisation des procédures de création d’entreprise est accueillie positivement par les chefs d’entreprise (79% pensent que c’est une bonne chose). Mais elle n’est pas pour autant vue comme susceptible d’entraîner un bouleversement de la création d’entreprise en France : 64% estiment que ce guichet unique va faciliter la création d’entreprise et 60% qu’il va accélérer les procédures administratives, mais 48% estiment aussi qu’il va augmenter le risque d’erreur administrative ; aussi 94% d’entre eux sont pour le maintien d’un accompagnement humain.

-La création d’un registre unique des entreprises est validée par 83% des chefs d’entreprise, dont 14% y sont « tout à fait favorables ». 

-Enfin, le gel des obligations liées au dépassement des seuils d’effectifs pour les entreprises suscite moins d’intérêt : 31% estiment qu’il aura un impact positif sur l’économie française mais 54% pensent qu’il n’aura aucun impact; 91% des chefs d’entreprise pensent que cette mesure n’aura aucune répercussion sur leur propre entreprise. Au final, seuls 6% estiment que cette mesure va probablement inciter les entreprises à augmenter leur nombre de salariés.

-les chefs d’entreprise se disent très favorables aux dispositifs d’incitation à l’investissement des salariés : 91% soutiennent le développement d’accords d’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés et 86% le développement de l’épargne salariale dans les entreprises de moins de 50 salariés.

 

Les mesures annoncées du projet de loi PACTE souffrent d’un manque de notoriété auprès des chefs d’entreprise. En septembre, seuls 12% d’entre eux disent connaître les principales mesures de la loi (31% des entreprises de 10 salariés et plus contre 11% des TPE). Dans le détail, ce sont la simplification de la transmission d’entreprise (12%) et la volonté de faciliter les formalités liées à la création d’entreprise (9%) qui sont les mieux mémorisées. Toutes les autres mesures sont méconnues à ce stade.

 

♦ Des mesures économiques prévues dans le Projet de Loi de Finances initiale 2019 peinent à convaincre

 

– La baisse du taux d’imposition sur les sociétés de 33,3% à 31% est la mesure la mieux accueillie : 65% des chefs d’entreprise estiment que c’est une bonne chose, dont 52% pour leur entreprise et 30% pour l’économie française. Si l’enthousiasme est marqué au sein des entreprises de 10 salariés et plus (87%), il est plus mesuré au sein des TPE (64%).

En termes de secteurs, c’est celui de la construction qui y est le plus favorable (91%), avec l’industrie (79%), devant le commerce (65%) et les services (59%). 

 

-La transformation du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) et du Crédit Impôt de Taxe sur les Salaires (CITS) en allègement de cotisations patronales fait l’objet d’un accueil plus circonspect : 48% des chefs d’entreprise jugent que c’est une bonne chose. Le clivage selon la taille de l’entreprise est net : 78% des entreprises de 10 salariés et plus approuvent la mesure contre 46% seulement des TPE.

 

– L’abaissement de la durée des VIE n’est pas accueilli par les chefs d’entreprise comme un changement particulièrement favorable : 75% estiment que cette mesure n’est pas suffisante pour renforcer les exportations. La création d’un VIE pour les PME sans obligation de séjour à l’étranger semble utile que ce soit pour permettre aux PME de bénéficier de l’apport de nouveaux talents (96%), de se développer (95%) ou pour permettre aux jeunes diplômés de découvrir l’univers des PME (94%).

 

♦ Le rapport des chefs d’entreprise à l’enjeu écologique témoigne de grandes ambiguïtés. D’un côté, une nette majorité d’entre eux estime que c’est bien le devoir des chefs d’entreprise que de soutenir des initiatives permettant de développer de meilleurs comportements et notamment à l’égard de l’environnement (90%). Près de sept chefs d’entreprise sur dix ont par ailleurs le sentiment de déjà mettre en place des bonnes pratiques permettant de préserver l’environnement (69%), que ce soit dans les services (76%), le commerce (73%) ou l’industrie (71%). Le secteur de la construction est sur ce sujet plus en retrait (28%).

Quand on entre dans le détail, on constate que seuls 50% des chefs d’entreprise identifient de véritables mesures prises par leur entreprise, qui consistent essentiellement en la réduction ou l’optimisation de la gestion des déchets (48%) et de façon beaucoup plus anecdotique en l’exploitation d’énergies renouvelables (6%). Mais aucun n’a mis en place de mesures visant à l’occupation de bâtiments à énergie positive ou au déploiement de plan mobilité pour optimiser les déplacements de leurs salariés.

 

Les chefs d’entreprise accueillent finalement assez mal les mesures plus contraignantes visant à encourager la transition écologique :

-Une majorité de chefs d’entreprise estime que le maintien de l’augmentation des taxes énergétiques sur les prochaines années serait une mauvaise chose (59% dont 20% « une très mauvaise chose) et plus d’un tiers estime que cette hausse aurait un impact fort sur leurs coûts de production (34%) surtout dans le secteur du BTP (46%) et de l’industrie (41%), mais aussi pour les entreprises de 10 salariés et plus (60%) ; 

-Par ailleurs une majorité s’oppose à la création d’un chèque carburant financé par les entreprises pour les salariés qui utilisent leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail (57%, dont 20% « tout à fait opposés »).