L’ESS dans le monde rural


"L’économie sociale et solidaire dans les territoires ruraux", CNCRESS, juin 2019

Cette publication a été réalisée par l’Avise et le RTES avec le soutien du Réseau rural, et l’étude a été rédigée par l’Observatoire national de l’ESS du CNCRESS en juin 2019.

Une double approche pour cerner le rural et qui reprend à la fois la dimension morphologique et fonctionnelle du milieu rural pour mieux saisir le rural en tant qu’espace vécu, et une approche fonctionnelle pour appréhender les territoires ruraux à travers leurs relations avec les autres territoires, et de mieux en comprendre la diversité de dynamiques socio-démographiques et économiques. Formulée par le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET), cette approche classifie la population en neuf groupes distincts . L’espace rural se compose de 3 groupes de communes sur les neufs définis par le CGET : les communes très peu denses où moins de 40% d’actifs travaillent dans une ville, les communes très peu denses où entre 40 et 70% des actifs travaillent dans une ville  et les communes peu denses où moins de 40% d’actifs travaillent dans une ville.

L’étude met en exergue le nombre d’établissements et d’emplois de l’ESS, notamment ceux tournés vers les aides à la personne.

 

Le rural, ce sont 15 960 communes (45,2% des communes) et 6,370 millions d’habitants (10% des 64,3 millions d’habitants en France) et 1,169 million d’emploi (5% des 22,235 millions d’ emplois en France). On y trouve 239 494 établissements (11% des établissements).

⇒ Le nombre d’établissements en ESS

L’ESS compte 239 494 établissements dont 22 510 établissements employeurs en milieu rural, soit 11% des établissements ruraux du secteur privé, 9,4% de l’ensemble des établissements ruraux et 10,4% de l’ensemble des établissements de l’ESS en France.

 

On y dénombre 17 800 associations (moins nombreuses en proportion qu’en France entière) : elles se concentrent notamment dans les secteurs de l’éducation populaire, du sport et des loisirs (18,6%), de l’action sociale (16,5%), et du soutien aux entreprises (14,1%). 

55 établissements, surtout sous forme associative, ont obtenu l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) délivré par l’Etat pour permettre aux entreprises d’accéder à l’épargne solidaire, d’accueillir des jeunes travailleurs en service civique, d’être éligibles au dispositif local d’accompagnement. On y compte aussi 24 structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) ou des structures adaptées (pour l’insertion de personnes handicapées), en majorité des Chantiers d’Insertion.

 

On compte aussi 4 361 coopératives (19,4% des établissements ruraux de l’ESS contre seulement 12,3% dans l’ensemble de la France). Les coopératives sont localisées dans les secteurs de la banque et de l’assurance (42% des coopératives), du commerce (23%) et du soutien aux entreprises (8,9%); dans ces deux derniers secteurs, elles sont souvent liées aux activités agricoles.

124 relèvent du statut de SCOP (Sociétés Coopératives Participatives) où les salariés sont associés majoritaires au capital de l’entreprise; elles sont localisées dans le secteur du soutien aux entreprises, du commerce ou de la construction (travaux de charpente notamment).
On compte également 30 SCIC (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif); elles se distinguent par une ouverture élargie de leur sociétariat : salariés, clients, bénévoles, partenaires privés et collectivités territoriales peuvent participer ensemble au capital.

 

Les 122 fondations que comprend l’ESS sont classées dans le secteur de l’action sociale  (71,3% vs 52 % en France).

 

Il en va de même pour les 200 mutuelles, dont 30% sont dans le secteur de l’action sociale (gestion d’équipements, d’hébergements médico-sociaux comme les EHPADs, activités liées à la petite enfance, etc.); cette  sur-concentration se fait aux dépens du secteur financier (70% des mutuelles contre seulement 54% en milieu rural).

 

74,6% sont des mono-établissements (établissements-sièges), moins que dans l’économie privée qui en compte 89,2%. 

En termes de taille, 83% ont moins de 10 salariés (vs 77% en France), 13,8% ont de 10 à 49 salariés (vs en France 17,6), 3% plus de 50 salariés. 

Les secteurs de l’action sociale et de la santé font partie des activités où la part d’établissements de taille moyenne (entre 50 et 249 salariés) est la plus élevée avec respectivement 16,9% et 11% des établissements.

⇒ Les emplois en nombre

Ces établissements emploient 161 900 emplois salariés (140 900 ETP), soit 3,83Md€ de masse salariale (13,8% du total de la masse salariale de ces territoires).
L’ESS représente par ailleurs 13,8% de l’emploi total en milieu rural, et au sein de la totalité du secteur privé 17,7%  contre respectivement 10,5% et 13,9% pour territoire national.

7% des emplois de l’ESS sont ruraux.

 

L’évolution des effectifs entre 2008 et 2015 est plus favorable aux associations (126 884 emplois et +  6 373) puis aux fondations (6 922 emplois et +1347), aux mutuelles (2 253 emplois et + 786), mais défavorable aux coopératives (25 841 emplois mais -992).

En termes de taille d’établissement, les 50-249 salariés ont connu les plus fortes hausses (+15,5%), alors que les 0-9 salariés ne progressait que de 0,3%, les 10-49 salariés de 1,2%; les 250 salariés et plus régressaient de 4,6%.

 

Entre 2008 et 2015, l’emploi dans l’ESS rural progresse de 4,9% alors qu’il régresse pour le reste de l’économie rurale de 4,1%. Sur cette période, l’ESS y gagne près de 7 500 emplois. Sur la même période, l’emploi de l’ESS progresse de 5,3% dans l’ensemble de la France métropolitaine, alors que l’emploi privé chutait de 2,6% et l’emploi public de 8,4%

C’est surtout l’action sociale qui porte l’essentiel de l’augmentation des effectifs de l’ESS en milieu rural avec 7 300 emplois créés dans ce secteur (+10%)

⇒ Les  caractéristiques de l’emploi

57% sont en CDI (vs 65% ESS France) et 20,4% sont en CDD. Cette représentation est bien plus importante dans le secteur de l’hébergement et de la restauration qui comprend 68% de CDD, dans les arts et spectacles (61%) et dans les sports et loisirs (40%). 22,7% sont le fait d’autres types de contrat (contrats de travail temporaires, emplois aidés, contrats en alternance) vs 17 en ESS France.
35% travaillent à temps partiel vs 16% dans le privé.

Dans les espaces ruraux, 42% des emplois sont ceux d’ouvriers (vs 27 au niveau national).

Au sein de l’ESS rural les ouvriers sont 18% (vs 12 ESS France, mais 54% dans le rural privé); les employés sont les plus nombreux (49% vs 12 en France et 25% dans le rural privé), du fait de l’importance de l’action sociale; les professions intermédiaires sont 25% (vs 30) et les cadres 8% (vs16).

 

Les métiers les plus fréquents sont les aides à domicile, aides ménagers, travailleurs familiaux  avec 29 523 emplois,  puis les professionnels de santé avec 28 643 emplois (aides-soignants, aides médico-psychologiques, infirmiers),  les ouvriers avec 20 706, les animateurs socioculturels et de loisirs avec 7 717 et les enseignants avec 4 968.

 

Les salariés de moins de 30 ans représentent 23,8% des postes, (22,3% au niveau national); les plus de 50 ans comptent pour 29,5% des postes (vs 28,8 %). L’ESS rurale est légèrement plus âgée : 54,7% des effectifs ont plus de 40 ans contre 53,9% dans l’ensemble de la France.Dans le privé rural les jeunes sont un peu plus nombreux (30,7%) et les moins de 50 ans un peu moins nombreux (24,5%).

 

Les femmes représentent 68% de l’emploi rural dans l’ESS (proche des données France), alors que l’économie marchande hors ESS dans les territoires ruraux emploie pour 65% des hommes (5 points de plus que sur l’ensemble des territoires). La structuration de l’économie sociale se fait autour de métiers très « féminisés » (l’action sociale notamment), alors que le secteur privé emploie surtout des hommes dans la production industrielle et agricole.

40,6% d’entre elles travaillent à temps partiels contre seulement 17,8% des hommes. Elles sont 20,9% à occuper un CDD contre 18,7% dans l’ensemble de la France.

 

Le salaire annuel moyen dans l’ESS en milieu rural est de 27 164€ brut (11% de moins que sur l’ensemble des territoires où l’on gagne en moyenne 30 636€ par an dans l’ESS); les rémunérations de l’ESS sont également inférieures en moyenne de 5% au privé rural.

⇒ Les différents secteurs d’activité

7 secteurs d’activité sont surtout concernés par la forme ESS : l’action sociale (56% des effectifs de ce secteur), les sports et loisirs (50%), les activités financières et d’assurance (48%), les arts et spectacles (27%), la santé (25%) et l’enseignement (18%).

Par contre, les emplois sont concentrés dans l’action sociale (50%, 41% dans l’ESS France), notamment l’insertion dans l’emploi et l’aide à domicile, et beaucoup moins dans l’enseignement (9%, vs 15), la santé (7%), le soutien aux entreprises (7%) et moins encore dans les autres secteurs d’activité.

Par rapport à l’ensemble des territoires, on trouve une part plus importante de l’emploi de l’ESS dans les secteurs de la santé humaine (+13 points de pourcentage), le soutien aux entreprises (+12), l’hébergement et la restauration ainsi que le commerce (+3).

L’étude détaille les types d’activité.

⇒ Un zoom sur l’activité action sociale (81 519 emplois en 2015 ou 56% des emplois de l’ESS rurale)

Si cette part est importante en milieu rural, elle est toutefois moins importante qu’ailleurs : sur l’ensemble des territoires, l’ESS représente plus de 60% des effectifs de l’action sociale vs 56 en milieu rural; Cela est dû à l’importance de l’emploi public qui « capte » plus de 38% des emplois du secteur (de 8 points supérieur à la moyenne nationale); noter encore que l’action sociale relève dans le rural beaucoup moins du secteur privé que dans les villes et leurs périphéries.

 

L’hébergement médico-social et social est le secteur le plus important avec 44 432 emplois (55% des emplois de ce secteur); plus du tiers concerne des EHPADs, 1/4 des établissements dédiés à l’accueil et l’accompagnement de personnes en situation de handicap mental. 

 

Le second secteur est celui de l’aide à domicile (16 453 emplois ou 20%); il comprend les services de soins, de garde d’enfants, d’entretien ménager et de services divers réalisés au domicile de particuliers; il comprend pour l’essentiel des associations adhérentes du réseau ADMR (Associations d’Aide à Domicile en Milieu Rural) qui coordonne depuis 1945, via ses fédérations départementales, près de 2 900 structures locales autonomes.

 

3éme secteur, l’aide par le travail (les ESAT au cœur de l’insertion des personnes en situation de handicap); celui-ci comporte 10 897 salariés (13%).

 

4éme secteur, l’accueil des jeunes enfants avec 2 449 emplois ; 69% des emplois y relèvent de l’ESS en milieu rural contre seulement 39% à l’échelle de l’ensemble de la France. Cette catégorie d’activités comprend principalement des crèches, des micro-crèches, des haltes-garderies, des établissements multi-accueil ainsi que des maisons d’assistantes maternelles (MAM), la quasi-totalité de ces établissements étant de statut associatif. On y retrouve notamment des associations membres du réseau des Familles rurales qui fédère plus de 260 structures d’accueil.

 

5éme secteur, “autres actions sociales” avec 7 288 emplois; il regroupe les activités d’accueil de jour d’adultes ou d’enfants handicapés, de personnes âgées, de sans-abris et de réfugiés, les services de conseil économique aux publics précarisés, l’aide à l’accès au droit, la réinsertion sociale ainsi que les actions caritatives et les œuvres de bienfaisance dans toute leur diversité. 

 

Pour en savoir davantage : https://www.avise.org/sites/default/files/atoms/files/20190722/tressons_etudequanti_bdef.vf_.pdf