FSE et FEDER en France, une gestion des crédits peu efficace et coûteuse, un impact des actions insuffisamment évalué, un nombre de priorités retenues trop élevé, trop de gestionnaires et de bénéficiaires, et des conséquences financières lourdes


« La gestion par la France des fonds structurels européens : améliorer, simplifier, évaluer », Cour des comptes, extraits du rapport public annuel 2015, février 2015

Au cours de la période de programmation financière 2007-2013, la France a bénéficié de 14,3Md€ provenant du fonds européen de développement régional (FEDER) et du fonds social européen (FSE).

Le FEDER se consacre à trois domaines prioritaires : l’innovation et l’économie de la connaissance, l’environnement et la prévention des risques, l’accès aux services de transport et de télécommunication d’intérêt économique général.

Le FSE soutient les politiques des États membres dans les domaines de l’emploi, de la formation professionnelle, de la lutte contre l’exclusion et de la réduction des inégalités territoriales : entre 2007 et 2012, près de 4 millions de personnes ont bénéficié en France d’une action de formation ou d’insertion cofinancée par des crédits FSE.

En ajoutant aux 14,3Md€ de crédits européens 13,9Md€ de cofinancements nationaux, ce sont au total 28,2Md€ qui ont pu être mobilisés au cours de la programmation 2007-2013.

Une nouvelle programmation des fonds structurels a été engagée pour la période 2014-2020, avec de nouvelles modalités de gestion : la quasi-intégralité des crédits du FEDER et 35% des crédits du FSE seront désormais gérés directement par les régions.

 

Pour la programmation 2007-2013, la France avait mis en place l’organisation suivante :

– pour le FSE, le ministère chargé de l’emploi  est l’autorité de gestion du programme national,  gérant directement 15% des crédits, 85% étant déconcentrés vers les préfets de région, qui gèrent directement 25% des crédits et peuvent affecter les 60% restants à des collectivités ou à d’autres structures locales, dotées du statut d’« organismes intermédiaires ».

–  pour le FEDER, à l’exception de l’Alsace et du programme national d’assistance technique, les préfets de région ont été les autorités de gestion des programmes opérationnels, avec possibilité de déléguer des crédits à des collectivités territoriales ou à des organismes intermédiaires.

8 États membres (dont la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l’Autriche) ont fait le choix de programmes opérationnels entièrement régionalisés, alors que le modèle de gestion du FSE est plus centralisé (tous les États ont au moins un programme opérationnel national).

 

Le choix du mode de gestion ne semble pas déterminant pour les résultats obtenus du point de vue du taux de programmation : la France se situait ainsi au début de 2012 en deçà de la moyenne européenne (68% contre 71% en moyenne), derrière le Royaume-Uni (81%), l’Allemagne (71%) et l’Espagne (69%), mais devant l’Italie (58%).

 

La Cour des Comptes constate une gestion insatisfaisante : 

La longueur des délais d’instruction, de programmation, d’engagement des crédits, de contrôle du service fait et de paiement est un facteur de découragement pour les porteurs de projet et a pour effet de réserver l’usage des fonds structurels à des opérateurs bénéficiant d’une trésorerie suffisante pour leur permettre d’attendre leur versement (le délai entre le dépôt d’une demande de financement du FSE auprès des services de l’État et le versement des fonds est supérieur à 16 mois (5 pour l’instruction des dossiers, 8 pour le contrôle du service fait et 3 mois pour le paiement).

La multiplicité des intervenants contribue à expliquer l’importance de ces délais.

 

La France devra impérativement réduire ces délais, conformément à l’article 132 du règlement « général » n° 1303-2013 pour la programmation 2014-2020 (« l’autorité de gestion veille à ce qu’un bénéficiaire reçoive le montant total des dépenses exigibles dues dans son intégralité et au plus tard 90 jours à compter de la date de présentation de la demande de paiement par le bénéficiaire ».

La justification des dépenses est également une source de complexité, malgré des mesures de simplification, telles la mise en place de coûts standards unitaires, ou, pour les opérations d’un montant inférieur à 50 000€, de coûts forfaitaires dispensant d’un recours aux pièces comptables justificatives, mais leur application est à ce jour incomplète.

 

Les coûts de gestion sont parfois supérieurs au montant des fonds européens versés

Pour le FSE, le coût moyen de gestion par dossier s’est élevé dans les services déconcentrés de l’État à 2 866 € en 2012 (entre 2 000 et 5 000€ selon les régions) ; en général, les services de l’État ont des coûts de gestion moins élevés que les autres services instructeurs.

Pour le FEDER, le coût moyen de gestion d’un dossier par les services de l’État varie entre 3 500€ et 8 000€ dans les quatre préfectures de région comprises dans l’échantillon étudié (Haute- Normandie, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes), mais n’incluent pas les frais de fonctionnement courant des services.  

 

L’impact des actions est insuffisamment traité :

ü  les indicateurs restent trop nombreux :

-Pour le FSE, regroupés par axe opérationnel, ils sont au nombre de 24, et ne permettent pas une vue d’ensemble de l’efficacité des dispositifs.

En Suède, le programme opérationnel national compte deux priorités (les salariés, avec un cofinancement des actions limité à l’État, et les demandeurs d’emploi, avec un cofinancement élargi aux collectivités locales) et les indicateurs de résultats sont au nombre de quatre (le nombre de bénéficiaires des actions ayant repris un emploi ou une formation initiale, le nombre de ceux qui ont amélioré leur capacité à accéder à l’emploi ou qui ont fait l’objet d’une prise en charge différente 90 jours après la fin de l’action FSE).

-Les indicateurs FEDER sont également trop nombreux et de surcroît mal renseignés. Aux 41 indicateurs européens, se superposent, du fait de la gestion assurée par la France, deux strates d’indicateurs nationaux et une strate d’indicateurs locaux ; certaines préfectures avaient prévu de suivre au début de la programmation jusqu’à 200 indicateurs au total, et jusqu’à 20 par dossier.

Dans ces conditions, l’exploitation des indicateurs est ardue, d’autant qu’aucun guide méthodologique ne les définit de façon suffisamment précise.

Au-delà de leur nombre, la qualité des indicateurs soulève certaines difficultés : le lien de causalité entre les opérations financées et la valeur de certains indicateurs apparaît ténu ; leur suivi est formel et ne donne pas lieu à une révision de la programmation.

 

ü  Le nombre de priorités retenues reste trop élevé

Le programme opérationnel national du FSE a été décliné selon 5 axes d’intervention, chaque axe se déclinant en 12 mesures et 31 sous-mesures.

La trop grande diversité des actions financées a également nui à la visibilité de l’action du FSE et à l’évaluation de la valeur ajoutée de son intervention.

À titre de comparaison, l’Angleterre a poursuivi seulement deux objectifs (les chômeurs et les personnes très éloignées du marché de l’emploi).

 

ü  Les gestionnaires et les bénéficiaires sont trop nombreux :

Au début de la programmation, plus de 300 organismes intermédiaires étaient agréés en métropole, dont 22 régions, 57 départements, 38 OPCA, 180 PLIE et une trentaine d’autres organismes ; leur nombre a été réduit par le regroupement de certains PLIE et par une fédération de l’action des OPCA, mais il restait encore en fin de période environ 200 organismes intermédiaires, dont 53 départements et 77 PLIE. Cette dispersion de la gestion est une spécificité française en Europe.  Les crédits sont versés à près de douze mille organismes bénéficiaires, dont la moitié pour moins de 50 000 €.

 

En revanche, cette problématique concerne moins le FEDER : le montant moyen d’un projet programmé a fortement progressé sur la programmation 2007-2013 par rapport à la période 2000-2006, en passant de 127 000 € à 204 000 €, ce qui traduit un moindre saupoudrage des crédits.

Mais le taux d’erreur français a souvent été supérieur au plafond admis (2%) ; tel a été notamment le cas en 2011 et 2012 (taux d’erreur de 4,4% et 4,7%, avant mesures correctrices) , ces dépassements ayant entraîné deux interruptions totales de versement des fonds à la France : l’une de six mois en 2012, la seconde de trois mois en 2013. Plus de 6 100 opérations ont ainsi dû être réexaminées entre les années 2009 et 2013 avec le risque, pour les bénéficiaires, de se voir demander le remboursement des fonds qui leur avaient été accordés.

 

L’analyse de l’exécution de la programmation 2007-2013 montre que la réussite de la programmation 2014-2020 nécessite une décentralisation réussie de l’organisation de la gestion, une unification des systèmes d’information et un renforcement de l’évaluation des actions.

Pour la programmation 2014-2020, la gestion du FSE sera partagée entre l’État (65%) et les régions (35%). Un programme opérationnel national «emploi-inclusion», dont la DGEFP est le chef de file, coexiste ainsi avec vingt-sept programmes opérationnels régionaux communs FEDER-FSE « investissement pour la croissance et l’emploi ».

Pour le programme national, la France a choisi cinq priorités : l’accès à l’emploi pour les demandeurs d’emploi et les personnes inactives, l’adaptation au changement des travailleurs et des entreprises, la modernisation des institutions du marché du travail et l’inclusion active et l’intégration durable des jeunes sur le marché du travail »

Le règlement européen propre au FSE énumère quarante-quatre indicateurs communs de réalisation et de résultat « qui devront être obligatoirement renseignés par tous les États membres, au niveau de chaque priorité d’investissement du programme ». La réduction souhaitable du nombre des indicateurs n’a donc pas été engagée, d’autant que la DGEFP a précisé qu’en cas de nécessité, « pour rendre compte du changement attendu », un indicateur sera ajouté par objectif spécifique.

 

La gestion du FEDER : les régions gèrent directement l’ensemble des fonds du FEDER.

Le règlement européen relatif au FEDER prévoit également quarante indicateurs.

 

Un nouveau système d’information dit SYNERGIE, compatible avec l’architecture de gestion de la  programmation 2014-2020, doit entrer en service en 2016.

 

La Cour formule six recommandations :

1 concentrer les actions sur un nombre réduit de priorités ;

2. clarifier le rôle respectif des gestionnaires (nationaux et locaux) des différents programmes opérationnels pour la mise en œuvre des plans d’action ;

3. évaluer les coûts de gestion globaux et par gestionnaire de programme ;

4. réduire le nombre des organismes intermédiaires ;

5. améliorer la formation et l’accompagnement juridique des agents chargés de la gestion, ainsi que des bénéficiaires, afin de diminuer le risque d’erreur ;

6. diminuer le nombre d’indicateurs de résultats et mettre en œuvre des procédures permettant leur utilisation effective pour le pilotage des actions