La cession de brevet, un marché en train d’émerger, même si la France semble encore très peu impliquée au plan international


« Le marché des brevets français : une analyse quantitative des cessions à partir des inscriptions dans le Registre national et le Registre européen des brevets », Mines Paris Tech et CERNA, mars 2012

 Un volume de brevets cédés relativement faible : 56 060 brevets ont changé de propriétaire entre 1997 et 2009, dont 55% sont issus du registre européen et 45% du registre national ; les cessions enregistrées en 2005 ne représentaient que 1,3% de l’ensemble des brevets en vigueur en France ; l’enquête PatVal indique que 14% des brevets européens (déposés à l’Office Européen des Brevets) sont l’objet de licences.

 

Mais les cessions ont connu une croissance très rapide (un taux moyen annuel de 16,6% très supérieur à celui des dépôts, 2% par an) ; les brevets concernés y sont de qualité supérieure à la moyenne des brevets déposés suggérant qu’un marché des brevets est en train d’émerger.

 

75% des cessions s’inscrivent dans un cadre national, impliquant à la fois un déposant et un acquéreur de nationalité française ; à contrario, le registre de l’OEB comprend essentiellement des cessions effectuées au niveau international, mais 91% de ces cessions n’impliquent aucune partie (déposant ou acquéreur) de nationalité française. L’augmentation des cessions de brevets observée sur la période 1997-2009 reflète une tendance internationale, à laquelle les acteurs français n’ont que faiblement pris part ; la hausse des cessions est de 34% par an en moyenne pour les brevets européens, contre seulement 5,7% pour le registre national. L’augmentation du volume des cessions semble par ailleurs être allée de pair avec une augmentation de l’âge moyen des brevets cédés, et ce quelle que soit le registre considéré.

 

L’Analyse des transactions

Le nombre de brevets cédés n’est pas nécessairement l’indicateur le plus pertinent du niveau d’activité sur le marché des brevets, puisque plus de 80% des cessions enregistrées ont été effectuées dans le cadre de transactions portant sur plusieurs brevets à la fois : aux 56 060 cessions enregistrées ne correspondent que 22 928 transactions, portant chacune sur 2,44 brevets en moyenne. Là encore, le volume des transactions portant sur des brevets inscrits au registre de l’OEB a fortement augmenté entre 1997 et 2009, alors qu’il est resté stable pour les brevets inscrits au registre national.

 

Noter qu’une autre partie des transactions intra-groupe ne correspond pas à de véritables transferts marchands de technologies brevetées (transferts entre filiales d’un même groupe, changement de dénomination d’une entreprise). Ces transferts sont réalisés pour des motifs purement organisationnels (centralisation de la gestion des brevets) ou d’optimisation fiscale.

 

Au total, seules 25% des cessions (représentant moins de 1% des dépôts de brevets) ont pour véritable objet l’achat/vente de brevets. Si l’on écarte les transactions intragroupes, les cessions de brevets concernent seulement 1,4% des brevets français délivrés sur la période 1997-2009.

 

La répartition des brevets cédés entre grands secteurs d’activités reflète assez fidèlement celle des dépôts sur la même période : Machine-Mécanique-Transport (31%), Chimie-Pharmacie (22%), Electronique (22%), Instruments (15%), autres (10%).

Une analyse plus fine indique que la fréquence des transactions est particulièrement élevée dans les secteurs des technologies médicales, de l’ingénierie civile et des transports.L’électronique se démarque par une fréquence plus importante que dans les autres secteurs des transactions portant sur des grappes de plusieurs brevets (le nombre de brevets par invention est généralement plus élevé dans les technologies de l’information et de la communication que dans les industries plus traditionnelles). Il faut toutefois relativiser le poids des cessions de brevets dans le commerce de technologies (6,7% des brevets délivrés pendant la période 1997-2009).

 

Les déposants de brevet

 

Les entreprises sont à l’origine de 86% des brevets cédés et concentrent la quasi-totalité des transactions importantes portant sur plus de trois brevets. A contrario, la quasi-totalité des transactions dans lesquelles le déposant est un particulier, un organisme de recherche ou une université ont pour objet la cession d’un brevet unique.

 

2% des brevets cédés ont été déposés par de organismes de recherche ou des universités (un volume toutefois multiplié par dix entre 1997 et 2009 et des brevets de meilleure qualité que les autres) ; ils ont été en quasi-totalité inscrits dans le registre national, alors que leurs homologues britanniques, américains ou allemands le sont bien plus au niveau international) ; ils émanent surtout du CEA, du CNRS et la Société Nationale des Poudres et Explosifs.

 

7% des brevets cédés sont le fait de particuliers (en nette hausse), eux aussi surtout inscrits au registre national ; ils sont en revanche de moindre qualité ; « céderaient-ils leur brevet parce qu’ils ne sont pas à même de prendre en charge le coût de maturation de leurs innovations, ni celui de leur protection au niveau international ? »

 

Flux entrants et sortants

 

Les flux de brevets cédés par des déposants français à des acquéreurs étrangers excèdent très largement les flux de brevets cédés par des déposants étrangers à des acquéreurs français (respectivement 2274 et 578 brevets sur la période) ; les acquéreurs étrangers parviendraient ainsi à sélectionner et à acheter les brevets français de plus grande valeur.

Les Etats-Unis sont les principaux acquéreurs de brevets déposés par des Français, devant les autres pays membres du système de brevet européen. Le nombre annuel de brevets entrant en France est très faible etproviennent surtout de déposants européens (notamment allemands).

1 861 PME (17,5% des déposants) sont à l’origine de 2 559 demandes de dépôt de brevet en 2011, contre 6 054 demandes par des ETI, groupes ou filiales (63,4% des déposants).  

 

INPI, les dossiers de l’observatoire de la propriété intellectuelle septembre 2012, « les PME et ETI déposantes de brevets » Dépôt de brevet par la voie nationale en 2011

En moyenne, un déposant distinct opère 2,7 dépôts dont 1,4 pour les PME, 6,4 pour les universités et organismes de recherche et 17,3 pour les groupes. 78% des PME ont déposé à tarif réduit (50% de réduction sur les principales redevances).

63% ont demandé une extension à l’OEB ou au PCT. 85% ont utilisé la voie nationale pour un premier dépôt avant d’envisager le niveau international. La répartition des déposants est la suivante :

 

Nbre de demandes de

brevets publiés

Dont demandes d’extension

OEB ou PCT

Nbre de déposants

distincts

Nbre moyen de brevet publié

% du total des

demandes

% des demandes

par des

personnes morales

françaises

Total de demandes de brevets publiés

14 583

5 684

2,7

100

Personnes physiques

2 132

2 115

1,0

14,6

Personnes morales étrangères

1 637

752

2,2

11,2

Universités, organismes de recherche

1 299

1 082

204

6,4

8,9

Personnes morales françaises

10 814

5 644

2 817

3,8

74,2

100

Dont Groupes, tètes de groupe et filiales

6 054

3 782

350

17,3

41,5

56,0

Dont PME

2 559

1 323

1 861

1,4

17,5

23,7

Dont ETI

801

539

317

2,5

5,5

7,4

La part des PME dans les dépôts de brevet en 1999 et 2007 est restée stable (19,5%), pour passer en 2011 à 23,7% des personnes morales françaises.

 

Nbre de brevet de

Personnes

morales françaises

Nbre de brevets

relatifs à des PME

% de PME

Commentaires (% de PME les plus élevés)

Machines, mécanique, transports

4 019

826

20,6

Manutention (47), machines spécialisées (43), Machines fabrication papier, textile (32), procédés thermiques (31), machines outils (28)

Electronique, électricité

2 246

450

20

Méthodes de traitement de données à des fins de gestion (40), audiovisuel (37)

Chimie, matériaux

2 109

337

16

Chimie alimentaire (41), Technique de surface (29)

Instrumentation

1 292

381

29,5

Technologies médicales (61), contrôle (31)

Autres

1 149

565

49

Construction (58)