Quels positionnements ont les étudiants, notamment les femmes face à la création d’entreprise ?


"l’entrepreneuriat au prisme du genre", NEMOW Lab et Ifop en partenariat avec Bpifrance Le Lab et le Laboratoire de Recherche Vallorem

Méthodologie de l’étude :

– Une enquête menée, du 25 janvier au 12 février 2024, auprès d’un échantillon de 601 étudiants de l’enseignement supérieur (61% en université, 13,5% en BTS et prépa, 10% en écoles d’ingénieur et de commerce, 6% dans le paramédical ), âgés pour 44,5% de 18 et 19 ans, de 31,5% de 20-21 ans et de 24% 22 ans et plus, représentatifs de la population étudiante française.  La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge et type d’établissement) après stratification par région d’étude. et réalisée par questionnaire autoadministré en ligne du 25 janvier au 12 février.

– Une enquête menée, du 16 janvier au 5 février 2024, auprès d’un échantillon de 600 dirigeants, propriétaires d’au moins une entreprise au sein de laquelle ils ont déjà travaillé ; 68% sont des créateurs fondateurs et 32% des repreneurs (dont 13 de type familial) ; 59% sont des propriétaires uniques, 38% des associés majoritaires ou égalitaires et 8% des associés minoritaires. 73% n’ont pas de salarié, 23% de 1 à 9. 14% sont localisés en Ile-de-France.

88% ont 35 ans et plus ; 53% sont issus de l’enseignement supérieur et 25% d’un niveau au plus égal au CAP. L’échantillon est représentatif des entreprises françaises. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas.

L’enquête a été réalisée par téléphone du 16 janvier au 5 février 2024. 

 

Un comparatif avec l’étude Ifop pour Bpifrance réalisée auprès d’un échantillon de 5 011 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 15 au 30 juin 2023. Dans le cadre de cette enquête, seules les réponses des dirigeants d’entreprise ont été présentées (soit 17% de l’échantillon total).

 

On ne sait quel est le fichier mère (Insee ou Bpifrance) et l’importance des autoentrepreneurs, pour situer la représentativité de l’échantillon ; mais l’étude permet une approche fort complète des étudiants face à l’entrepreneuriat, notamment en direction de ceux qui envisagent de créer une entreprise.

 

Si les étudiantes qui envisageraient la création d’entreprise sont plus en retrait que les hommes et moins certaines de réussir, ce n’est pas le cas chez les dirigeantes en activité.

⇒ Les étudiants : attraits et images de l’entrepreneuriat.

♦ Les attraits des étudiants pour l’entrepreneuriat.

En 1er lieu, ils souhaitent travailler dans une entreprises privée, une note de 6,7 sur 10 (les hommes davantage 7,3 vs les femmes 6,3), puis item tout proche travailler à son compte 6,5 sur 10 (6,6 les hommes vs 6,4 les femmes), ensuite travailler dans le fonction publique 5,4 (femmes 5,6 vs 5,1) et enfin dans une association 4,7 (les femmes 5,2 vs 4,1).

 

Si l’on retient là où ils sont le plus intéressés, c’est le fait de travailler à son compte qui vient en 1er (49% avec une note de 8-10) puis travailler dans un entreprise du privé (46%), loin devant la fonction publique (25%) ou une association (23%) ; cette dernière hypothèse recueille le plus de non intérêt (28% note de 0-2)

 

69% envisagent un jour de créer leur entreprise (75% les hommes et 63 les femmes) ou être dirigeant d’une entreprise comme salarié (65% dont 75 les hommes et 56 les femmes), voir reprendre une entreprise (42% dont 46 et 40). Mais en grande majorité, ils ne savent pas quand (60% pour créer, 58 pour être dirigeant).

 

♦ Les images associées au terme entrepreneuriat :

-Relatives au savoir être (71% de citations) : liberté/indépendance (37%), autonomie (15), responsabilité (8) , ambition (5), détermination (5), engagement (3), courage (2), rigueur (2), leadership (2) passion (2).

-Relatives aux compétences (23% de citations) : innovation (10%), au fait de diriger (9), d’entreprendre (4), de recruter (3).

-Relatives aux freins (30% de citations) : notamment charge de travail importantes (5%).

Relatives à la gestion (26% de citations) : argent (12%), investissement/finance (10), business (4), projet (4).

-Relatives au statut (19%) : patron (12%), chef d’entreprise (5), dirigeant (2), leader (1).

 

♦ Pourquoi ils ne créeraient pas ?

-Les hommes : parce que le métier d’entrepreneur ne leur convient pas (94%), ou qu’il n’ont pas de projet pour créer (76), mais aussi pour le manque d’atouts : pas la capacité financière (57), pas les compétences requises en gestion (50), pas le réseau nécessaire (40) ou par ailleurs pas le suivi de la bonne formation universitaire (53) et enfin pas assez confiance en eux (31).

-Les femmes : d’abord, elles ont moins confiance en elles (70 et +39 points comparées aux hommes) ; par ailleurs elles ont moins d’atouts : moins de capacité financière (73 et +16 points), moins de réseau (70 et +40 points), moins d’expérience en gestion (70 et +20 points) ; elles n’ont plus souvent pas de projet pour créer une entreprise (84%), mais le métier d’entrepreneur leur conviendrait un peu plus (81 et 13 points) ; elles ont moins suivi la bonne formation universitaire pour les y préparer (66, 13 points de décalage).

⇒ Les étudiants et étudiantes concernés directement par la création d’entreprise.

♦ L’état d’avancée pour ceux qui souhaiteraient créer.

72% ne souhaitent pas créer actuellement (76% les femmes et 69 les hommes), mais 45% l’envisagent au cours de leur vie professionnelle (54 les hommes, 39 les femmes), alors que 25% l’envisagent dans les 3 ans (29% les hommes, 20% les femmes), 2% sont en cours et 1% ont crée au cours des 3 dernières années.

 

♦ Sous quelle forme cette création et quel secteur d’activité ?

 

-43% choisiraient une microentreprise (39 les hommes et 47 les femmes), 24% une petite entreprise de moins de 20 salariés (30 et 18), une taille d’entreprise au-delà (9%), mais 24% ne savent pas dire quelle taille. 

Par ailleurs, 24% l’envisageraient sous forme de start-up (31 vs 17), alors que 35% ne savent pas se prononcer.

 

– Dans quel secteur d’activité ? Le commerce (20%, au même niveau hommes et femmes), la santé (15%, mais 20% les femmes vs 12 les hommes), les services aux entreprises (7%, 11 les hommes vs 2 les femmes), le tourisme (7%, 9 les femmes et 5 les hommes), les services aux personnes (6%, 8 les femmes vs 4), la BTP et l’industrie (9%, 14 les hommes, vs 3). 7% ne savent pas ; 16% ont cité d’autres secteurs.

 

♦ Quelles sont les principales craintes pour leur projet entrepreneurial ?

4 craintes principales : autour des finances (revenu, endettement financier), du risque d’échec et des démarches administratives ; seules la crainte du revenu instable ou insuffisant et celle des complexités touchent les dirigeants d’entreprise en poste.

Le stress, la concurrence importante, le manque d’expertise dans le métier et de crédibilité, la solitude du dirigeant sont davantage exprimés par les dirigeants, alors que ces difficultés sont moins présentes chez les étudiants (en 1ére citation).

 

Noter chez les étudiantes des craintes plus vives pour le risque d’échec, le manque de compétences, la remise en cause de l’équilibre vie professionnelle vie personnelle, alors que les étudiants sont plus sensibles au revenu insuffisant, à la concurrence et aux démarches administratives.

♦ Quels sont leurs critères de réussite ? 5 items sont les plus cités, notamment la rentabilité, le fait de gagner de l’argent et celui de développer l’entreprise. Peu de différences sont constatées entre les étudiantes et les étudiants.

♦ Ce qui les aide pour se lancer dans l’entrepreneuriat : en 1er lieu, avoir une bonne idée de création et trouver les bons associés, en second lieu un bon background (avoir fait des études, notamment de management, avoir été cadre et avoir de l’expérience professionnelle, avoir des parents entrepreneurs), en 3éme lieu mais de façon bien moins importante leur âge, leur sexe ou leur situation maritale.

Quel influence a le parcours scolaire ? Pour 46% des hommes (dont 9% tout à fait d’accord, 17% d’accord et 20% plutôt d’accord) la filière dans laquelle ils sont les destinent à l’entrepreneuriat, vs chez les femmes 6% et 18 plutôt d’accord.

65% (dont 22% 3 fois et plus) des hommes ont entendu parlé d’entrepreneuriat dans leur cursus de formation, vs 53 et 19 pour les femmes. En fait 19% des hommes et 13% des femmes ont reçu un enseignement spécifique sur l’entrepreneuriat. 45% des hommes (dont 33% en étude de cas et 12% en projet réel) ont travaillé sur un projet entrepreneurial vs 35 pour les femmes (projet fictif 27 et réel 8).

42% des hommes envisagent une formation complémentaire spécifique sur l’entrepreneuriat vs 21% des femmes. 

⇒ Le rôle de l’entourage pour les accompagner dans un projet entrepreneurial.

L’aspect financier est cité en 1er (la banque, devant un investisseur), puis les acteurs professionnels de l’accompagnement (structure d’accompagnement, mentor et figure inspirante d’un entrepreneur) et ceux qui seraient proches (les parents, l’associé), devant le conjoint, un professeur, d’autres membres de la famille voire des amis. Peu de différences sont constatées entre les hommes et les femmes.

Interrogés plus avant sur l’impact de proches, le poids des parents est prépondérant (6,8 sur 10) au regard de celui du cercle amical (5,2) et du cercle familial autre que les parents (4,7). Les hommes sont plus affirmatifs de leurs rôles que les femmes : impact des parents (hommes 7,2, femmes 6,5), impact du cercle amical (5,5 vs 4,9) et du cercle familial autre (5,3 vs 4,3).

Interrogés spécifiquement si les parents les soutiendraient ou les soutiennent déjà, 36% répondent tout à fait, 21% oui et 27% plutôt ; pas de différences entre hommes et femmes.

 

Si l’on compare les étudiants et les dirigeants d’entreprise, dans ce qui est jugé important, une grande différence apparait, la place du conjoint pour les dirigeants, jugée mineure par les étudiants (ils sont encore peu expérimentés dans une vie de couple) ; par contre, chez les dirigeants l’accompagnement est peu présent (du fait de leur expérience de dirigeant).

Par ailleurs 57% des étudiants ont côtoyé des entrepreneurs dans leur entourage (29% dans la famille autre que les parents, 23% dans le cercle amical et 17% les parents) ; les dirigeants ont plus fréquemment cet entourage (40% le cercle amical, 32% les parents et 30% la famille autre).

La présence de ces entrepreneurs a donné envie à 67% (tout à fait 12, oui 26 et plutôt 29) de s’intéresser à l’entrepreneuriat ; c’est plus le fait des hommes (74%) que des femmes (58%).

Elle a aussi donné envie à 61% (tout à fait 10, oui 21 et plutôt 30) de s’engager dans cette voie (hommes 70, femmes 51). Pour 49% elle a même confirmé que la choix de l’entrepreneuriat convenait à l’étudiant demandeur (hommes 60%, femmes 36).

Enfin seuls 25% ont été dissuadé de s’engager dans cette voie (hommes 22, femmes 28).

⇒ Les financements utilisés ou envisagés pour le projet entrepreneurial.

♦ Quels mots pour désigner les finances ? Les mots utilisés beaucoup plus souvent ont été : contraintes (44% pour les hommes et 54% pour les femmes, dont difficulté d’accès, beaucoup de travail pour conclure), moins souvent les modalités de financement (22% dont prêt, crédit, levée de fonds, subvention) ou encore les acteurs de financement (22%, dont banque, business angels, sponsor).

 

♦ Les sources de financement : les étudiants hommes impliqués dans la création/reprise d’entreprise font état de beaucoup plus de sources de financement que les étudiantes. Par contre, les dirigeants en activité ont moins recours à cette diversité de sources, hors les économies personnelles.

⇒ Le sentiment de réussite.

Les étudiantes sont plus nombreuses à penser ne pas réussir (34% vs 17 les étudiants), alors que les femmes dirigeantes sont aussi nombreuses que les dirigeants à penser réussir.

D’ailleurs les étudiantes disent moins que les étudiants bénéficier de ressources suffisantes pour réussir (note de 5,5 sur 10 vs étudiants  6,2), alors que chez les dirigeants la note est quasiment la même (5,7 vs 5,5). La différences chez les étudiantes vient qu’elles sont nettement moins tout à fait convaincu de disposer des ressources (16% vs 32) et qu’elles sont plus certaines de ne pas en disposer (45% vs 29). Chez les dirigeants, on constate peu de différences (tout à fait 51% vs 50 les hommes et pas du tout 14 vs 19).

 

Cette situation tient-elle au sexe de la personne ? Davantage chez les étudiantes (note de 5 sur 10 vs 3,4 pour les étudiants) ; de fait les étudiantes sont 45% à dire cette différence plus importante (22% le hommes). Chez les dirigeants, peu de différence puisqu’ils sont 77% des hommes et 76 des femmes à dire que cette différence n’a pas d’importance.

 

Les dirigeants proposent plusieurs raisons pour expliquer une possible différence : le métier exercé, notamment trop physique et donc le peu de femmes dans cette activité, la plus grande difficulté à faire confiance aux femmes, un sexisme persistant.

⇒ Les dirigeants (caractéristiques spécifiques)

Un bref portrait :

La profession de leurs parents :

-Le père, CSP + (47% dont 31 chefs d’entreprise, 16 cadres et professions libérales et 10 professions intermédiaires), 25% CSP- et 18% d’inactifs surtout retraités,

-La mère, 38% inactives (dont 25 au foyer), 25% CSP+ (dont 25% chefs d’entreprise ou cadre)  et 23% CSP-.

 

Leur situation maritale : 68% sont mariés, pacsés ou en concubinage, 20% célibataire et 12% divorcé ou veuf (parmi ce dernier groupe 44% étaient en couple lors de l’expérience entrepreneuriale). 77% ont des enfants dont 42% 2 enfants, 21% 3 ou plus et 14% un seul.

 

La profession de leur conjoint : CSP+ (47% chefs d’entreprise ou cadres et professions libérales)

Les associés : 76% des hommes n’ont aucun associé homme vs 64% des femmes ; 67% des hommes n’ont pas d’associé femmes vs 84 des femmes.

 

La place du conjoint : 33% des conjoints participent à l’entreprise (35 chez les femmes et 31 pour les hommes) ; ils sont associés (28% chez les dirigeantes femmes et 24 chez les hommes); ils sont salariés (9% chez les hommes et 8 chez les femmes dirigeantes).

Pour les 3/4 des dirigeants le conjoint s’est adapté aux contraintes professionnelles du chef d’entreprise, a une bonne compréhension des enjeux de l’entreprise et du rôle du chef d’entreprise, et est un soutien émotionnel.

Les ressources financières ont été connues en 1er lieu par une structure d’accompagnement (36% les hommes, 32 les femmes), la famille (12 et 9), les amis (10 et 8), un investisseur (4 et 2), le conjoint (1 et 3), un mentor (2 et 1) ; 24% citent d’autres sources.

 

♦ L’appartenance à un réseau.

22% des hommes et 23% des femmes appartiennent à un réseau. Ces reseaux sont mixtes à 94%.

Pourquoi ce choix ? 2 raisons en 1er lieu, l’échange avec les pairs et le fait de développer ses compétences. ; puis de façon plus modeste, le souci de développer son business et celui de rompre la solitude. Femmes et hommes y ont une même demande, hormis les femmes plus demandeurs pour rompre l’isolement.

 

Pour en savoir davantage : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2024/03/240305-Presentation-Etude-NEMOW-Lab-Bpifrance-Le-Lab-VALLOREM-.pdf