Les indépendants, les plus démunis en termes de rémunération sont ceux qui vivent seul ou en famille monoparentale.


"Un peu plus d’un indépendant sur dix gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté",Insee Première N°1884, janvier 2021

Méthodologie : les sources sont les enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de 2018 et 2019

Les indépendants sont définis à partir de l’enquête emploi en continu (EEC – l’ERFS) ; ce champ peut différer de celui appréhendé par le concept de « non-salarié », qui définit les indépendants au travers de leur affiliation au régime de sécurité sociale des travailleurs non-salariés.

L’identification des indépendants disposant de faibles revenus d’activité (salaires et revenus d’indépendants, hors indemnités chômage et pensions de retraite), nommés « gagnant très peu », est réalisée à partir d’un seuil correspondant à 50% du Smic net annuel rapporté à la quotité de travail déclarée dans l’enquête. Pour un temps complet de 35 heures hebdomadaires tout au long de l’année, le montant du Smic annuel est égal à 14 126€ nets en 2018 et à 14 450€ nets en 2019.

Une personne est considérée comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil est calculé par rapport à la médiane de la distribution nationale des niveaux de vie. Le seuil de pauvreté est, par mois et par unité de consommation, de 1 063€ en 2018 et de 1 102€ en 2019.

 Si l’on ordonne la distribution des niveaux de vie, les déciles (au nombre de 9 : de D1 à D9) sont les valeurs qui partagent cette distribution en 10 sous-populations d’effectifs égaux ; le 1er décile (D1) est par exemple le niveau de vie au-dessous duquel se situent 10% des individus.

Le niveau de vie prend en effet en compte l’ensemble des ressources du ménage, dont ceux du conjoint voire de l’indépendant, par ailleurs salariés ; par ailleurs les indépendants ayant des revenus d’activité très faibles peuvent aussi percevoir des revenus de remplacement : allocations chômage, pension de retraite…d’où le fait de trouver des “gagnants très peu”, figurant dans les déciles des plus hauts revenus.

 

L’analyse n’est pas toujours limpide (on ne sait pas toujours si les revenus sont exclusivement ceux du travail indépendant ou ceux cumulés du ménage). Par contre l’approche de la diversité des critères permettent de repérer des tendances utiles.

 

En 2019, la France métropolitaine compte plus de 3 millions d’indépendants

⇒11,7% sont sous le seuil de pauvreté

♦ En 2018 et 2019, 27% ont des revenus inférieurs à la moitié du Smic rapporté à leur quotité de travail : ils sont qualifiés dans cette publication de « gagnant très peu ». 11,7% sont sous le seuil de pauvreté. 

Pourtant d’autres données Insee sont contradictoires : voir “Le taux de pauvreté le plus élevé est celui des indépendants (22,4% en 2018)” voir le chapitre ” Niveau de vie et pauvreté selon la catégorie socioprofessionnelle” dans “Revenus et patrimoine des ménages”, Insee Références, édition 2021″; et les articles déjà publiés dont les références sont données en fin d’article. Pourquoi cette différence avec la publication ci-dessus ?

 

Sur l’échelle des niveaux de vie, la distribution des indépendants se distingue de celle des salariés par une plus forte représentation aux extrémités : 13% font partie des 10% des  ménages les plus pauvres contre 5% des salariés et 25% appartiennent aux 10% des ménages les plus aisés contre 12% des salariés.

 

Rappelons que le niveau de vie s’appréhende à l’échelle du ménage, la présence d’un conjoint qui travaille ou encore la perception de prestations sociales limitent le risque d’être en situation de pauvreté. Ainsi 9 indépendants sur 10 vivant en couple ont un conjoint ayant des revenus d’activité ou de remplacement.

 

-Ceux qui gagnent très peu ont moins souvent un conjoint percevant des revenus salariaux (61% contre 70) et plus souvent un conjoint lui-même indépendant (21 contre 17%) ou retraité (14 contre 10%).

 

-Les indépendants sont plus souvent en couple (avec ou sans enfant) que les salariés (76,5% vs 69,8) ; les indépendants sous le seuil de pauvreté sont plus nombreux à vivre seul ou en famille monoparentale (38,1% vs 20,7 pour l’ensemble des indépendants et 26,5 chez les salariés).

 

-Les revenus des conjoints représentent en moyenne près de la moitié du revenu disponible des ménages des indépendants ; ils représentent une part bien plus élevée du revenu disponible du ménage lorsque les indépendants gagnent très peu (71%, soit 22 points de plus que pour l’ensemble des indépendants en couple).

 

Les indépendants qui ne vivent pas en couple, qu’ils aient ou non des enfants, perçoivent plus souvent que les autres de très faibles revenus d’activité (31% vs 24 pour les couples avec enfants et 12% pour les couples sans enfant). Ces proportions sont respectivement de 3 et 15% pour les salariés.

 

Plus de la moitié des indépendants et des salariés bénéficient d’au moins une des 5 principales prestations sociales : le RSA, la prime d’activité, l’allocation adulte handicapé, les allocations logement ou les prestations familiales.

 

-Lorsqu’ils en perçoivent, elles représentent jusqu’à 27% du revenu moyen des ménages ayant de faibles revenus d’activité et 36% du revenu moyen des ménages vivant sous le seuil de pauvreté. Cette proportion est la même pour les salariés vivant sous le seuil de pauvreté.

21% des “gagnants peu” bénéficient d’allocations chômage contre 11% pour l’ensemble des indépendants. 12% perçoivent une pension de retraite contre 8% des indépendants.

 

-Les principales mesures sont :

Le RSA : les indépendants sont plus nombreux à le percevoir que les salariés (5% contre 3) ; cette proportion atteint 18% lorsqu’ils vivent sous le seuil de pauvreté.
La prime d’activité, les indépendants en bénéficient moins souvent que les salariés (14% contre 21) ; ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté la perçoivent plus souvent (34%).
Les prestations familiales : les indépendants sous le seuil de pauvreté les perçoivent plus souvent que les indépendants dans leur ensemble (45% vs 37).
L’allocation logement est versée à 38% des indépendants sous le seuil (vs 14) ; ces aides représentent 10% du revenu disponible des indépendants et des salariés, et 16% des indépendants sous le seuil de pauvreté.

 

♦ La répartition selon le type d’exercice juridico-fiscal est la suivante : professions libérales (33% dont 14,7 ceux de la santé/action sociale, 3% des arts et 15,5% autres libéraux), artisans (26,7%), commerçants (22,4%), agriculteurs (12,2%), et chefs d’entreprise de 9 salariés et plus (5,5%).

Plus précisément :

 

Les plus inscrits sous le seuil de pauvreté sont les indépendants des arts et spectacles , suivis des grands groupes (artisans, commerçants, agriculteurs), alors que les chefs d’entreprise de 9 salariés et plus, les professions libérales et celles de la santé le sont fort peu.

 

⇒ Le seuil de pauvreté des indépendants selon différents autres critères

Les femmes perçoivent plus souvent de faibles revenus d’activité que les hommes (30% gagnent moins que la moitié du Smic annuel contre 26 pour les hommes). Parmi elles, 12% (vs 2% les hommes) exercent sous le statut d’aide familial d’exploitant agricole ou de conjoint collaborateur d’artisan, de commerçant ou de professionnel libéral.
La proportion d’hommes et de femmes indépendants gagnant très peu et vivant sous le seuil de pauvreté est identique (près de 12%).

 

♦ Les plus jeunes ont plus souvent des revenus d’activité très bas : 35% des moins de 30 ans perçoivent de faibles revenus d’activité : ils sont 48% micro-entrepreneurs (vs 24 les autres âges). Ils sont le plus souvent artisans, livreurs à domicile, chauffeurs de VTC (32%) ou commerçants (20%).

 

♦ Les seniors (65 ans ou plus) ont aussi de faible rémunération (45% d’entre eux) ; ils sont souvent en cessation progressive d’activité (77% perçoivent une pension de retraite dont 85% parmi ceux qui gagnent très peu; 22% exercent leur activité inférieure à un mi-temps (29% parmi ceux gagnant très peu).

 

♦ Selon le temps de travail

Ceux sous seuil de pauvreté sont avant tout à plein temps dans leur activité (76,5%) ; les autres indépendants et les salariés y sont un peu plus nombreux à exercer à plein temps (83 et 82%).

 

Pour en savoir davantage : Un peu plus d’un indépendant sur dix gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté – Insee Première – 1884

 

Voir aussi mon article “Combien de chefs d’entreprise indépendants, quels sont leurs revenus ? “Emploi et revenus des indépendants, édition 2020 – Insee Références”, Insee, septembre 2020 dans le mot clé revenu et patrimoine article d’octobre 2020

et celui “Les indépendants ont un taux de pauvreté de 17,5% vs 6,8% pour les salariés.” dans “Les niveaux de vie en 2016 : la prime d’activité soutient l’évolution du niveau de vie des plus modestes ” Insee Première N° 1710, septembre 2018, article de septembre 2018.