La situation économique des habitants des quartiers rénovés n’a pas vraiment progressé et la pauvreté y demeure à des niveaux élevés.


Cour des comptes rapport sur « La politique de la ville : une décennie de réformes » juillet 2012

 

Les territoires concernés : selon la loi du 14 novembre 1996, les zones urbaines sensibles (ZUS) sont des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires ; 4,4 millions de personnes vivent en ZUS, soit 7% de la population française, composée majoritairement d’immigrés et de descendants d’immigrés.

La politique de la ville est ainsi aujourd’hui mise en œuvre dans 751 zones urbaines sensibles, au sein desquelles on décompte 416 zones de redynamisation urbaine, comprenant elles-mêmes 100 zones franches urbaines. 2 493 contrats de ville ont été signés.

 

La population concernée dans les ZUS

Cette population est plus jeune que dans les unités urbaines environnantes : près d’un habitant sur trois y a moins de 20 ans, contre près d’un sur quatre dans leurs agglomérations.

La proportion d’étrangers y est plus élevée : 17,5 % sont étrangers (contre 8,2 % dans leurs agglomérations), dont près de la moitié originaires des pays du Maghreb, et 10,2 % sont Français par acquisition.

Un quart des familles sont monoparentales, contre une sur six dans les unités urbaines abritant ces quartiers.

60 % des ménages sont locataires en habitation à loyer modéré (HLM), contre 21 % dans leurs agglomérations. La mobilité est forte : un tiers des habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) ne résidaient pas dans leur logement actuel depuis cinq ans.

Enfin, ces quartiers présentent un déficit persistant de formation et d’activité. La moitié des habitants ne dispose d’aucun diplôme supérieur au brevet des collèges, contre un tiers dans les unités urbaines englobantes. Le taux d’activité des 15-59 ans (66 %) est inférieur de 8 points à celui observé dans les unités urbaines englobantes (74,7 %) ; les écarts les plus marqués entre les zones urbaines sensibles (ZUS) et leurs agglomérations se situent chez les femmes (taux d’activité de 59 % ZUS contre 66 % dans leurs unités urbaines). Le taux de chômage atteint 20,9 % de la population active.

 

Grandes conclusions du rapport

Le recueil des informations nécessaires à la conduite de la politique de la ville a été organisé. La pertinence et la fiabilité du système d’information géographique ont été améliorées et le rapport de l’observatoire national des zones urbaines sensibles permet désormais de mesurer la situation socio-économique des habitants des quartiers et le décrochage spécifique subi sur des territoires identifiés à l’échelle infracommunale. Une instance d’évaluation, dotée d’un conseil scientifique et son programme de travail laisse espérer pour 2012 un suivi des parcours personnels des habitants de ces quartiers, ce qui constitue une innovation réelle.

– Les modalités d’attribution des aides accordées aux porteurs de projet ont progressé, en termes d’organisation et de rapidité avec l’intervention plus adaptée de l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) depuis 2009. Mais le recueil des informations souffre encore d’une méthodologie non partagée et d’une implication insuffisante des ministères, de délais trop longs de collecte des données et surtout d’une organisation très centralisée.

Des efforts restent à fournir pour dégager des priorités plus claires et les traduire dans les programmes ou dans les contrats et améliorer les procédures d’instruction et de contrôle interne, afin de s’assurer de la pertinence des financements accordés.

Trop de saupoudrage de crédit : le rapport suggéré que les 6 départements les plus concernés soient les seuls retenus dans la poursuite de l’action : 3 en Ile de France (Seine St Denis, l’Essonne et le Val d’Oise) et 3 en province (Bouches du Rhône, Nord et Rhône).

– De fait, les moyens de droit commun ne sont pas mobilisés à la hauteur des difficultés économiques et sociales que rencontrent les habitants de ces quartiers, en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. Le bilan de la mise en œuvre de cette politique est à cet égard encore aujourd’hui décevant (pas dévaluation des résultats des contrats de ville qui leur préexistaient, très grande complexité des zonages, multiplication de procédures mal articulées)

établir à intervalles réguliers un bilan de l’avancement et de l’impact sur les jeunes résidents de la mise en œuvre des contrats d’objectifs, notamment ceux destinés aux demandeurs d’emplois rencontrant des difficultés de reclassement.

Mettre en place une évaluation des résultats obtenus par les associations, débouchant sur une remise en cause des conventions inefficaces et développer une contractualisation pluriannuelle des crédits de l’Acsé adaptée aux réalités locales et assortie d’une évaluation de ses effets.

 

Une politique de l’emploi qui ne cible pas les quartiers prioritaires

Les résidents connaissent un taux de chômage de plus du double de la moyenne métropolitaine ; la situation ne s’est pas améliorée au cours de ces dernières années. Les jeunes (15 – 25 ans) dans les zones urbaines sensibles sont particulièrement touchés par le chômage ou l’inactivité (deux fois plus qu’ailleurs, 44% en 2009 contre 22). A la sortie des études, un jeune des quartiers de la politique de la ville a entre 1,7 à 1,8 fois moins de chances de trouver un emploi qu’un jeune n’y résidant pas.

– Une multiplicité d’acteurs et un enchevêtrement de dispositif.

-L’implication insuffisante de Pôle emploi dans les partenariats locaux : les agents des services déconcentrés de l’emploi notent que les liens avec les agences locales de Pôle emploi sont distendus depuis la création de cet opérateur. Les échanges d’information qui étaient courants doivent désormais transiter officiellement par les circuits hiérarchiques longs, via les seuls directeurs départementaux

Une répartition des agences de Pôle Emploi qui ne vise pas les quartiers populaires ou situés à proximité

S’agissant des contrats aidés, la part des bénéficiaires en zones urbaines sensibles a baissé entre 2006 et 2010. Il est à son taux le plus bas en 2010. Il n’y a pas de priorisation de ces publics. Plus généralement, les maires regrettent les politiques de « stop and go » en matière de contrats aidés qui ne permettent pas la mise en place de dispositifs d’insertion et de formation utiles aux bénéficiaires pour accéder à un emploi durable.

– Une complémentarité des financements à renforcer : en 2009, parmi les crédits du programme « politique de la ville », 38 M€ ont été affectés à l’emploi et au développement économique (11 %). En loi de finances pour 2010, cette part diminue encore et ne représente plus que 32 M€. En comparaison, les montants alloués pour la compensation des exonérations de charges sociales des entreprises, en zones prioritaires, s’élèvent à 197 M€ dans le projet de loi de finances pour 2011. Les exonérations d’impôts dans les 100 zones franches représentent, quant à elles, 272 M€.

 

Des actions surtout orientées vers l’insertion par l’activité économique

Les actions menées se situent davantage en amont de l’accès à l’emploi : accueil de proximité, insertion par l’activité économique, levée des freins à l’emploi, accompagnement renforcé ou parrainage, aide à la mobilité (la moitié des financements de la thématique emploi). Les projets financés, consacrés à la formation, à l’intermédiation avec l’entreprise et au soutien aux créateurs d’entreprise, sont moins nombreux.

Le développement économique, ses potentialités en termes d’emploi et les besoins des entreprises sont particulièrement faibles dans les contrats urbains de cohésion sociale. Dans ce domaine, les actions financées concernent le plus souvent le soutien à l’activité, et plus précisément le soutien aux créateurs d’entreprise. Il s’agit des actions visant à financer, par le microcrédit, les créateurs, et d’une façon générale à les accompagner dans leurs projets de création. Les résultats de ces politiques sont encourageants, la pérennité des entreprises créées dans les quartiers est proche de la moyenne nationale. Toutefois ce seul volet ne peut pas être considéré comme une ambition suffisante, s’agissant du développement économique.

 

Hors de la sphère Etat stricto sensu, les intervenants sont nombreux : têtes de réseaux associatifs spécialisés en matière d’emploi dans les quartiers prioritaires, ainsi que des instances spécialisées dans l’accompagnement et l’insertion des demandeurs d’emploi tels les plans locaux d’insertion et d’emploi (PLIE), les missions locales, les structures d’insertion par l’activité économique. La multiplicité des intervenants, qui peut être nécessaire en raison de la technicité des actions menées, pose problème quand elle n’est plus lisible pour les usagers et même pour les acteurs chargés de mettre en œuvre ces politiques. Elle se traduit par une accumulation de l’offre de services

– Des crédits employés par un tissu associatif dense et peu renouvelé : une grande partie des crédits spécifiques de la politique de la ville est distribuée à plus de 12 000 associations. Le montant est souvent très faible, une majeure partie des organismes (67 %) perçoit une subvention comprise entre 1 500 € et 23 000 €. Un nombre élevé de petites structures œuvrent sur des thèmes d’actions souvent identiques entraînant un éparpillement de crédits pour des résultats souvent peu lisibles.

– Un nombre insuffisant de conventions pluriannuelles d’objectifs liant l’Acsé et les bénéficiaires de subventions : Au-delà de 23 000 €, les subventions aux associations doivent être mises en œuvre sur la base de conventions. En 2010, le montant des subventions attribuées à des associations conventionnées (13,2 M€) ne représente plus que 4,1 % du total des montants alloués (321,9 M€).

L’insuffisance des contrôles sur place de l’emploi des fonds : la décision de reconduire d’une année à l’autre la subvention d’une association relève théoriquement d’un examen précis des actions réalisées et des résultats obtenus par le porteur de projet au cours de l’exercice précédent. Or, cet examen est essentiellement réalisé, dans la pratique, sur la base des informations écrites transmises par les associations, sans que des contrôles « sur place » soient systématiquement organisés par les services déconcentrés de l’Etat, les collectivités territoriales ou par l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

– Un renouvellement limité des associations impliquées dans la politique de la ville : le dispositif actuel, centré en conséquence sur des procédures écrites, favorise les structures associatives les plus institutionnalisées, au détriment de plus petites structures innovantes, dans un environnement marqué par l’hétérogénéité et la concurrence.